Dayet Aoua à la recherche de sa mémoire d’eau

Un lac mythique niché au pied du Moyen-Atlas qui cherche désespérément à reprendre son attrait d’antan

Par Jameddine Benlarbi (MAP)

Les changements climatiques, couplés à l’intervention du facteur humain, ont provoqué de profondes mutations à Dayet Aoua, un lac niché au pied du Moyen-Atlas qui cherche désespérément à reprendre son attrait et ses visiteurs d’antan.

La succession des années de sécheresse a provoqué un assèchement récurrent de ce célèbre lac qui attirait jadis des milliers de visiteurs nationaux et de touristes étrangers.

Lahcen Amdaouri, un paysan du village Aït Arfa, raconte amèrement comment ses revenus se sont réduits comme une peau de chagrin au fur et à mesure que le lac manquait d’eau à vue d’œil.

A l’instar des habitants des autres douars qui ceinturent le lac, les visiteurs revoient, incrédules, des scènes de désolation dans les paysages où ils avaient jadis coutume de se rendre.

C’est le cas de Marion Roussel, une touriste française, qui n’ayant pas caché son étonnement à la vue du lac et de son périmètre a émis l’espoir de le voir ressuscité.

« Le spectacle reste néanmoins beau et j’apprécie vraiment ces paysages reposants », a-t-elle nuancé.

Selon Mohamed Said Karrouk, professeur de climatologie à l’Université Hassan II de Casablanca, Dayet Aoua fait partie d’un chapelet de surfaces d’eau qui essaiment le Moyen-Atlas.

« Résultat d’une situation topographique précise, elle s’est forgée un microclimat typique sur le plan biologique, ayant favorisé l’émergence d’activités et d’interactions avec plusieurs composantes, dont l’élément humain », a-t-il indiqué à la MAP.

Il a expliqué que ces dayas se remplissent lorsque la situation hydrique est bonne au gré des précipitations et des chutes de neige, mais leur importance se réduit lorsque les apports en eau se font rares ou s’amenuisent à cause de la sécheresse.

Avec le développement de nouvelles activités humaines alentour, les dayas dont Dayet Aoua ont été amenées à jouer de nouvelles fonctions, a-t-il relevé, précisant que le problème se pose avec acuité pendant les saisons de sécheresse, quand les dayas ne peuvent plus répondre aux besoins de l’homme à cause de la rareté des ressources en eau.

Le directeur du Parc national d’Ifrane, Mohamed Moukhliss, reste plutôt optimiste quant à la situation de Dayet Aoua, en assurant que « les superficies des arbres fruitiers, qui consomment le plus d’eau, ont été réduites de près de 50%, ce qui est une très bonne chose ! »

Les paysans des zones avoisinantes ont même commencé à changer d’activités, s’est-il félicité, évoquant par la même occasion une série de mesures initiées avec plusieurs partenaires en vue de rendre à Dayat Aoua son lustre d’antan.

C’est dans ce cadre que s’inscrit la conclusion d’une convention-cadre entre la province d’Ifrane, l’Agence nationale des eaux et forêts, la commune rurale de Dayet Aoua, le Bassin hydraulique de Sebou et l’ONG Living Planet Morocco.

M. Moukhliss a signalé que ce projet comporte essentiellement l’approvisionnement de la daya à travers des séguias et l’alimentation de la nappe phréatique, « ce qui nous permettra de restituer au moins une partie de la daya, soit 30% de la surface du lac ».

Même son de cloche du côté de Yousra Madani, directrice de Living Planet Morocco, pour qui cette convention-cadre s’articule autour de la réhabilitation des zones humides, avec à la clé la zone naturelle de Dayet Aoua.

Notant que son ONG a contribué à ce projet à hauteur de 1,5 million de DH, le reste étant à charge des partenaires publics signataires, elle a précisé que la première action consiste à reconstruire et réhabiliter les séguias et les conduites d’eau et à protéger le périmètre du lac.

Oussama Belloulid, chargé du programme eaux douces au sein de la même ONG, a rappelé que ce projet a été précédé, dans une première phase, par une série d’études géotechniques approfondies, avant d’entamer les actions nécessaires à la réhabilitation de Dayet Aoua, qui couvre une superficie de 240 hectares.

M. Belloulid, également chargé de l’exécution du projet, a signalé que les travaux comportent la réhabilitation des séguias sur une longueur de 3 km, la prévention des fuites et des pertes souterraines et la sensibilisation des parties concernées à l’importance de la préservation des eaux de la daya.

« Pour ce faire, il faut qu’il y ait un régulateur, une partie qui surveille tout ça », a recommandé M. Karrouk, mettant l’accent sur l’importance de réhabiliter Dayet Aoua, une des curiosités naturelles qui font la richesse et la renommée du patrimoine écologique marocain.

Pour le sociologue et anthropologue Zoubir Chattou, il convient de repenser la manière d’accompagner la transition de l’activité agricole dans la région, qui consomme près de 85% des ressources en eau, vers d’autres modes de production moins intenses et beaucoup plus eco-friendly.

Dans ce sens, il a suggéré la promotion de nouvelles activités d’agriculture biologique et écologique, moins consommatrices d’eau et porteuses d’une meilleure plus-value.

L’espoir est donc permis de croire que Dayet Aoua parviendra, grâce à la clémence du Ciel et à la faveur du projet de restauration en cours, à reprendre ses poissons, ses oiseaux, ses visiteurs, mais surtout… sa mémoire d’eau!

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