Débat confiné avec la Jeunesse socialiste de Paris

Abdelahad Fassi Fehri: «la démocratie, une entrée principale pour un  nouveau modèle de développement»

Salah El-Ouadie: «les partis politiques téléguidés n’ont plus de valeur»

«Nous sommes à la croisée des chemins et il serait aberrant de considérer la crise provoquée par la pandémie comme une parenthèse», a souligné Abdelahad Fassi Fehri, membre du Bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (PPS), lors du débat confiné, organisé samedi 16 mai par la section de Paris de l’Organisation de  Jeunesse socialiste, diffusé sur la plateforme Facebook et animé conjointement par Samih Kawtar et Ayoub Bouchane.

La conférence dont a également pris part Salah El-Ouadie, président du Mouvement Damir, fut une occasion pour débattre des défis qui guettent le pays et des perspectives qui sont toujours incertaines.

La démocratie, une priorité

Il est certes vrai que la crise pose  des problématiques à tous les étages, mais il serait aberrant de se projeter dans le futur en privilégiant souvent les mêmes outils de changement, a martelé Abdelahad Fassi Fehri.

Pour l’ancien ministre de l’Habitat, il serait inutile de multiplier les diagnostics qui n’ont plus d’utilité dans la mesure où les problèmes du Maroc sont déjà connus.

En termes plus clairs, un véritable changement exige une révision radicale de nos visions, voire  une réflexion créative  qui s’inscrit catégoriquement à l’opposé des paradigmes surannés, a-t-il insisté. Le but escompté, a-t-il poursuivi,  est celui de mettre le cap sur une société plus développée. Comme quoi, une véritable sortie de crise ne peut se concevoir sans s’atteler à l’élaboration d’une stratégie incluant toutes les dimensions relatives au développement humain : économique, social et  écologique. Sans omettre la démocratie, condition sine qua non d’un  changement positif, a-t-i déclaré.

Pour le militant du PPS,  la fragilité de notre tissu économique, la persistance de fortes disparités sociales et de l’économie informelle ne sont plus à démontrer.  Il faut dire, a-t-il souligné qu’un modèle de développement en bonne et due forme doit renforcer les valeurs de solidarité, la valorisation des rôles sociaux de certains corps de métier (enseignant, médical, sécurité…) et la promotion de l’indépendance du pays aussi bien au niveau du secteur de  l’industrie que celui de l’agriculture.

Des pistes de réforme à privilégier

«La sortie de la crise nous impose dès à présent à  maintenir l’élan de solidarité à travers la mise en place des mécanismes institutionnels visant la répartition équitable des richesses,  l’élargissant de la couverture sociale, l’adoption d’un revenu universel garantissant la dignité aux catégories vulnérables», a-t-il avancé, tout en appelant à accélérer le projet de la mise en place d’un registre social unifié.  Le membre du bureau politique du PPS a ainsi réitéré la position de son parti, celle de l’urgence à  procéder à une profonde révision du système fiscal  en mesure d’établir  l’impôt sur la fortune. A cela s’ajoute la valorisation de l’économie sociale reléguée au second plan par l’Exécutif. Abdelahad Fassi a invité dans ce sens le gouvernement à promouvoir ce qu’il appelle «l’investissement responsable», qui valorise les salariés, respecte le Code du travail et se conforme aux normes écologiques.

Il va sans dire, selon l’intervenant, que  toute réforme quelle qu’elle soit a besoin d’une mobilisation de tous les acteurs. «Le processus de l’élaboration de la stratégie est plus important que les résultats», a-t-il noté en substance. Démocratie oblige!

Réhabiliter l’action politique

Cependant, l’aboutissement de la réforme nécessite de mettre un terme à la banalisation de l’action politique dans le dessein de renforcer davantage la confiance entre l’Etat et la société, et ce en procédant d’abord  par la concrétisation des dispositions de la constitution 2011.

 En termes plus clairs, la démocratie constitue une entrée principale pour l’élaboration  du nouveau modèle de développement.  La consécration de  l’espace démocratique exige une  société civile qui dispose d’un rôle influent ainsi que des partis politiques qui s’impliquent davantage au sein des affaires courantes de la société, a-t-il déclaré tout  en s’interrogeant sur l’absence desdits  partis dans le  Comité de Veille Economique.

De leurs côtés, les partis politiques sont appelés à se livrer à un exercice autocratique et de ne plus sombrer dans un pragmatisme excessif en impliquant davantage les intellectuels dans leurs productions idéologiques a-t-il plaidé.

Une nouvelle prise de conscience

Par ailleurs, Salah El-Ouadie, pour apporter sa pierre à l’édifice a mis l’accent sur l’importance de se doter d’une nouvelle vision en vue de pouvoir  affronter sereinement  l’avenir, sinon on serait condamné de rester en  marge de l’histoire. Une vision devant s’affranchir des formules tenues par les partisans d’une mondialisation prêchant  en faveur d’une société économicienne, a-t-il assené. Le militant des droits de l’Homme a ainsi  appelé à la création des  conditions permettant de  partir sur de nouvelles bases.

Comme quoi, une nouvelle prise de conscience politique s’impose pour espérer la sortie de la crise.

Pour ce faire,  il a recommandé l’appropriation des outils de la bonne gouvernance politique et la mise en œuvre du principe de la responsabilité et la reddition des comptes. «La décision politique doit faire l’objet de contrôle et d’audit», a-t-il martelé. Abondant dans le même ordre d’idées, Salah El-Ouadie a recommandé aux partis politiques de se conformer aux mutations profondes que connaît le monde d’aujourd’hui et de faire leur   aggiornamento.

Pour un front moderniste

Cette prise de conscience politique requiert une rupture entre la sphère politique et celle de la religion et une forte mobilisation de la nouvelle génération qui déploie  une posture plus négative au lieu de faire montre d’engagement.

Evidemment, ces mesures doivent être accompagnées du renforcement du rôle social de l’Etat et de sa fonction régalienne afin d’assurer son indépendance nationale.  Pour lui, il est temps de procéder à la révision des politiques sectorielles, comme c’est le cas pour l’agriculture en vue de garantir la sécurité alimentaire du pays.

Et ce n’est pas tout, «la réforme exige aussi la moralisation de la vie publique et la lutte contre la corruption et toutes les formes de rentes», a-t-il indiqué, faisant dans ce sens allusion à ceux qui ont pu faire fortune vu leur rapprochement avec les sphères du pouvoir.

Grosso modo, «le monde des affaires et l’action politique ne font pas bon ménage», a-t-il assené.

Le président du Mouvement Damir a souligné l’impératif de la réforme du mode de scrutin afin d’assurer une homogénéité gouvernementale et le respect de la vie interne des partis politiques. «Les partis politiques téléguidés n’ont plus de valeur aujourd’hui», a-t-il déclaré.

D’une manière globale, la bataille de la démocratie a besoin d’un front moderniste et progressiste pour aller de l’avant, a-t-il laissé entendre.

 Khalid Darfaf

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