Le digital devient fondamental

Dans le domaine de l’entreprise, le virtuel prend le pas sur le réel. Avec l’explosion des réseaux sociaux et d’internet, les entreprises adoptent un fonctionnement de plus en plus hybride pour allier ces deux univers indépendants et indispensables. La communication digitale constitue une passerelle entre eux et permet notamment d’utiliser le virtuel pour optimiser le réel. «S’adapter au digital est devenu primordial pour toute entreprise qui veut rester proche de ses clients/consommateurs et donc rester compétitive», nous déclare Omar Naimi, Digital Business Analyst. Et d’ajouter : «Aujourd’hui, Internet offre des avantages incomparables aux entreprises qui peuvent désormais toucher leurs cibles de manière plus efficace/efficiente et à moindres coûts à condition de maîtriser ce nouveau média». Et dire que plusieurs entreprises pourraient mettre les clés sous la porte si elles ne changeaient pas d’outils de communication et de méthode de travail. Pour plusieurs autres entreprises, la bataille du digital a déjà commencé depuis longtemps. Le digital n’étant plus une mode mais une nécessité, nos experts en la matière nous expliquent les enjeux de la communication digitale et pourquoi les entreprises marocaines ne doivent pas tarder à s’engager véritablement dans cette mue. Les propos.


Philippe Borremans, Consultant en communications digitales

«Je vois beaucoup d’entreprises « bricoler » avec les médias sociaux»

Al Bayane : Qu’apporte la présence digitale à une entreprise ?

Philippe Borremans : A partir d’une certaine taille, toute entreprise qui se respecte devrait avoir au moins une présence digitale, que ce soit sous la forme d’un site Internet ou sur les réseaux sociaux. La raison est simple : pendant que je dis ceci, il y a environ 3.709.862.501 personnes sur Internet dont 18,5 millions d’internautes marocains, soit plus de 58,3% de la population. De plus, 13 millions de Marocains utiliseraient Facebook, soit 39% de la population.

Outre un avantage fonctionnel, comme être trouvé via les moteurs de recherche et être en mesure de vendre des biens et des services en ligne, une présence digitale donne aux entreprises un surcroit de réputation. Avoir un site Web bien conçu apporte de la confiance aux clients potentiels et aux investisseurs. C’est autant important pour une multinationale marocaine qui voudrait attirer de nouveaux clients que pour un restaurant local qui veut prendre des commandes en ligne. Alors qu’un restaurant local peut seulement utiliser Facebook pour prendre des commandes et être trouvé en ligne, ce n’est pas une option pour la plupart des grandes entreprises.

Les entreprises devraient considérer leurs sites Web comme leur quartier général et leur présence sur les médias sociaux comme des avant-postes. Mais sans un bon plan de communication digitale et des objectifs clairement définis, cela reste un gadget « à la mode » et futile. Chaque site Web ou présence sur les réseaux sociaux devrait avoir un impact sur les objectifs d’une entreprise, d’une manière ou d’une autre.

Les entreprises marocaines commettent-elles encore des erreurs dans l’exploitation des médias sociaux comme outils de communication ?

Je vois beaucoup d’entreprises « bricoler » avec les médias sociaux. Elles ont mis en place une page Facebook, une chaîne Youtube, un profil Twitter, etc. parce qu’elles pensent qu’elles doivent être présentes partout. C’est une mauvaise approche pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, être présent partout exige un réel investissement en temps, en ressources et en bons contenus.

Deuxièmement, de nombreuses entreprises brûlent ce que j’appelle « les étapes de base » : avant de s’engager sur les réseaux sociaux, les entreprises doivent d’abord écouter et encore écouter. Cela leur permet de comprendre comment leurs clients potentiels et leurs parties prenantes utilisent les différents canaux. Grâce à ces informations, les entreprises comprennent où investir, ce qu’il faut faire et ce qu’elles doivent communiquer une fois qu’elles s’engagent dans les médias sociaux.

Une autre chose que j’ai remarquée, c’est que certaines entreprises pensent que la communication sur les médias sociaux est identique à celle du marketing traditionnel. Bien sûr, vous organiserez des campagnes publicitaires sur Facebook – parce que si vous ne le faites pas, seulement 2% de vos fans verront vos belles mises à jour – et Youtube, mais le style et le contenu doivent être différents.

Les médias sociaux sont par définition un canal de communication bidirectionnel. Le véritable avantage vient de l’interaction que vous avez avec vos parties prenantes. Donc le ton devrait être ouvert, accueillant et curieux. Vous voulez des commentaires, vous voulez une interaction car c’est de là que vient la vraie valeur.

Bio Express

Philippe Borremans est un consultant en relations publiques indépendant spécialisé dans les communications de crise et digitale. Il est l’un des fondateurs de Reputation & Co., un réseau de conseillers en communication senior, actifs en Europe et en Afrique du Nord. Auparavant, il était directeur de stratégie chez PR Media. Avant de déménager au Maroc, il était directeur des médias sociaux et coordinateur de la RSE au Van Marcke Trading Group. Entre 1999 et 2009, il a occupé plusieurs postes de communication chez IBM, y compris les relations publiques et la communication digitale. Philippe publie son podcast hebdomadaire «Wag The Dog FM» et est professeur invité régulier dans les écoles de commerce et les universités au Maroc dont l’ISCAE et l’Université Internationale de Casablanca.

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Yacine Kaïs, digital Communication Manager à Groupe Leyton

«Les entreprises marocaines considèrent encore le digital comme une extension de la communication»

Al Bayane : Pourquoi une entreprise doit-elle être visible sur le digital ?

Yacine Kaïs : L’accroissement de la notoriété et le renforcement de l’image de marque ont toujours été l’objectif principal des entreprises en matière de communication. Le digital les aide aujourd’hui non seulement à atteindre ces objectifs mais leur donne également des outils supplémentaires pour créer de la relation avec leur cible et enrichir leurs bases de données. Le digital offre des capacités de ciblage inédites grâce à la possibilité de tracer toutes les activités réalisées sur le web. Il est impossible de connaître avec précision la nature de l’audience d’un 4×3 ou d’une annonce presse, mais il est possible de tracer avec précision le nombre et l’origine des vues, des impressions, des clics ou encore des leads générés sur internet. Le digital permet ainsi aux marques de cibler exactement leur cible démographique et de mesurer avec précision leur retour sur investissement. Au-delà d’être un canal de communication, le digital est également, et de plus en plus au Maroc, un canal de vente, comme l’illustre l’évolution continue des montants dépensés par les internautes sur les sites e-commerce.

Que pouvez-vous nous dire de la maturité des entreprises marocaines en termes de communication digitale ?

Les entreprises marocaines ont désormais parfaitement compris l’importance du digital. Les dernières enquêtes montrent d’ailleurs une augmentation continue de la part du digital dans les dépenses de communication en corrélation avec celle de l’usage d’internet (18,5 millions d’internautes en 2016). Mais paradoxalement, les entreprises considèrent encore trop souvent la communication digitale comme une extension de la communication, une brique supplémentaire au sein du dispositif, au lieu d’être complètement intégrée au sein de la vision stratégique de l’entreprise. On constate par exemple qu’il est encore trop souvent confié à des profils débutants ou stagiaires. Pour réussir leur transformation digitale, les entreprises doivent s’entourer des bons profils, comprenant à la fois les enjeux stratégiques de l’entreprise et maîtrisant les compétences techniques, en constante évolution, spécifiques au métier.

Quelles seraient vos recommandations pour les entreprises marocaines en matière de communication digitale ?

On assiste à une hyper-concurrence de contenus sur le digital. L’internaute peut aujourd’hui accéder à une infinité de contenus sur internet, parmi lesquels les albums photos de vacances de ses amis, les derniers articles d’actualités ou des millions de vidéos divertissantes. Dans ce contexte, l’internaute devient allergique aux messages publicitaires et n’y prête que peu d’intérêt. L’enjeu pour les marques est de pouvoir se démarquer et de réussir à capter l’attention de leur cible. Elles doivent adopter une logique de producteur de contenu en développant une ligne éditoriale de la même manière qu’un média adresse son audience. Pour capter sa cible, la marque pourra en fonction de son positionnement, soit s’orienter vers des contenus utiles qui apportent des réponses aux problématiques rencontrées par leurs clients, soit vers des contenus divertissants. Au sein de cette stratégie, la vidéo doit occuper une place primordiale en tant que format le plus consommé par les internautes. C’est ainsi qu’une marque pourra sur internet capter l’attention de sa cible en lui apportant de la valeur, l’engager et la convertir.

Bio Express

Yacine Kaïs est Digital Communication Manager au sein du Groupe Leyton, cabinet international spécialisé dans le financement de l’innovation. Durant sa carrière, il a accompagné plus d’une vingtaine de marques dans la définition et la mise en œuvre de leur stratégie digitale en agence.

Propos recueillis par Kaoutar Khennach

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