Digitalisation: Les banques marocaines à avant-garde

Obligées de faire évoluer leurs modèles pour faire face aux nouvelles attentes de leurs clients et ne pas se faire doubler sur leur créneau par d’autres entreprises non bancaires, les banques marocaines ont pris les devants en ce qui concerne la digitalisation de leurs prestations. Trois d’entre elles viennent d’être récompensées de leurs efforts par le cabinet Trusted Advisors, le tout conforté par une étude sur la question. Mais le chemin vers une digitalisation entière reste long.

Les banques marocaines montrent-elles la voie à tous les autres secteurs d’activité ? En tout cas, selon les mots du Président Directeur Général du groupe Attijariwafa bank, Mohamed El Kettani, les futurs concurrents d’une banque ne seront plus ses confrères mais plutôt les grandes entreprises numériques du monde. Au rang de ces entreprises, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui mettent les bouchées double pour ratisser large et incorporer dans leurs palettes de prestations les services financiers.Et le fait que la thématique de la digitalisation soit centrale à la stratégie “Energies 2020“ lancée par la première banque marocaine sur la période 2016-2020 démontre toute l’importance des transformations que les banques marocaines doivent subir et conduire pour ne pas rater le coche. Car, ailleurs, le processus de digitalisation a pris une avance considérable.

Au Maroc, les banques semblent bien plus avancées sur la question. D’ailleurs, BMCE Bank, Groupe Crédit Agricole du Maroc et Société Générale Maroc viennent d’être distinguées pour des réalisations encourageantes en matière de transformation digitale au sein de leurs organisations respectives.

Des initiatives avant-gardistes

En effet, l’étude intitulée «La transformation digitale des banques au Maroc» et réalisée par Trusted Advisors Group, spécialisé dans le conseil, les études et l’accompagnement des entreprises, a identifié des facteurs clés de succès et d’échec des processus de digitalisation des banques au Maroc autant qu’elle a primé les trois banques pour leurs avancées en la matière.

La BMCE Bank a été récipiendaire du prix de la «Meilleure Maturité des Initiatives d’Innovation Digitale» pour l’ensemble de ses programmes de digitalisation. Pour faire aboutir ses projets, la banque bleue a actionné plusieurs leviers. Elle a créé et dédié une entité aux initiatives de digitalisation et le programme de transformation est suivi au plus haut niveau. L’ambition de ce programme étant de faire du digital un vecteur de création de valeur et d’opportunités commerciales. La banque n’a pas manqué de mettre en place une conduite du changement à destination notamment de ses collaborateurs à travers des actions de mobilisation, de communication, de montée en compétences, d’appropriation et de suivi. D’autre part, les clients ont bénéficié d’un accompagnement à travers des communications ludiques  et pédagogiques pour les sensibiliser à l’utilisation des produits et services digitaux et des actions de proximité en agence (formation à l’utilisation des services LSB, BMCE Direct par  les collaborateurs commerciaux du Réseau).

Le Crédit Agricole du Maroc a été, quant à elle, distinguée du prix du « Meilleur alignement entre business model et nouvelles technologies ». Cette réussite se base sur une vision stratégique déclinée en trois principaux chantiers pour la banque : la  dématérialisation  des  processus  internes,  la digitalisation de la relation client et la création de nouveaux services et produits digitaux. Les “Relais Digital“ sont une concrétisation de cette ambition. En effet, ce nouveau genre d’agence de proximité digitalisée et interactive qui vise à rapprocher la banque de sa clientèle du monde rural et à lui proposer des services transactionnels, d’information et d’orientation en dehors du réseau de commercialisation classique.

Enfin, le prix du « Meilleur déploiement agile de la transformation digitale» est allé à la Société Générale Maroc.Les pré-requis de ce déploiement réussi tournent autour d’une vision stratégique claire de la  transformation digitale et une feuille  de route validée, et partagée avec les  principaux acteurs et contributeurs ; une organisation agile qui s’adapte rapidement au marché, le développement d’une culture  de l’ouverture, du changement et de la coopération active ; un  management  et  des  méthodes  de  travail  plus  collaboratifs et plus  interactifs et un socle IT supportant la stratégie digitale. C’est le projet «Bankaty», ayant permis de développer la nouvelle solution d’ouverture et de gestion de compte en ligne, a été désigné comme illustrant parfaitement un déploiement agile.

Des facteurs clés

L’étude a aussi identifié plusieurs facteurs-clés de réussite et d’échec de la transformation digitale. Parmi les facteurs de réussite, la mise en place d’une vision stratégique, la mobilisation et l’adhésion de l’ensemble des ressources humaines et la conduite du changement constitue les éléments principaux. L’absence de ces pré-requis, dans un processus de transformation digitale constitue un frein pour mener à bien ce projet. Ces pré-requis, s’ils constituent le socle de la transformation digitale, ils ont surtout pour objectif de mettre le client au centre de toutes les préoccupations. « La transformation digitale n’a de sens que si elle est ressentie comme gagnante entre les clients et la banque », avance l’étude. C’est l’approche gagnant-gagnant, liant clients et organisation. Cette approche collective implique par conséquent une mise à contribution du client dans tout le processus et permet surtout de garantir l’anticipation des besoins clients «en toute réactivité et innovation».

Les freins à une transformation digitale sont également nombreux. D’abord, le manque de cohérence entre la stratégie et les actions mises en œuvre. Aussi, faire dépendre le changement d’une ou de certaines personnes-clés, tout en omettant d’impliquer l’ensemble des ressources constitue un frein au développement d’une digitalisation réussi.La transformation digitale doit s’articuler autour d’une culture et/ou d’une organisation. Aussi, la rigidité dans les plans d’actions et leur implémentation ainsi qu’une communication externe non cohérente avec les attributs des services offerts peuvent nuire à l’image que la banque souhaite mettre en avant dans son processus de transformation digitale.

En dehors des freins, des facteurs d’échec ont été relevés dans cette étude. Enfin, les facteurs d’échecs les plus courants cités par les répondants sont l’absence d’adhésion et de fédération des différentes parties prenantes. Cela peut découler de lacunes dans les programmes de formation interne ou du manque de sponsoring, de pilotage ou d’une mauvaise gouvernance. D’ailleurs, 95% des répondants à cette enquête estiment que la fonction RH n’est pas ou pas suffisamment impliquée dans la démarche de transformation digitale.

Partout, du chemin à faire

Alors que les banques semblaient en queue de peloton, il y a encore quelques années, la tendance s’est considérablement inversée. Mais le chemin qui reste à parcourir est encore long. Selon le rapport annuel « State of Digital Sales in Banking 2017 » d’Avoka (plateforme de business digital), seulement le tiers des banques ont achevé leur transformation digitale.Aussi, et toujours selon ce rapport, plus de la moitié des banques ne sont pas en mesure de proposer la plupart de leurs produits en ligne. Il en va de même pour l’offre sur mobile : seulement 43% des produits bancaires peuvent être achetés via un smartphone. Malgré cela, 28% des comptes bancaires et crédits étaient accessibles sur smartphone en 2017. Ce chiffre était de 20% une année auparavant. Enfin, lorsqu’un client potentiel tente d’ouvrir un compte en ligne, le taux d’abandon s’élève entre 70 et 90%.  Ce qui enjoint aux banques d’améliorer l’expérience utilisateur du numérique pour répondre aux attentes des consommateurs.Toutefois, et nonobstant la forte demande des clients pour des services et produits digitalisés, un sondage réalisé au Canada et aux Etats-Unismontre que les clients tiennent toujours aux interactions humaines. Tout le challenge des banques réside donc dans le dosage parfait entre ces nouveaux moyens digitaux et le maintien d’une relation humaine entre la banque et ses clients.

Soumayya Douieb

“Wind of change“

Fin des années 80 et début des années 90 : le monde vit la fin de la guerre froide, la chute du mur de Berlin, la réunification des deux Allemagnes et la dislocation de l’Union Soviétique. “Wind of change“ (Vent du changement), une chanson du groupe de musique allemand Scorpions devient l’hymne de ce “Vent de l’Est“ qui balaie les résistances, emmène avec lui la démocratie et tous les espoirs d’un monde nouveau aussi bien pour la nouvelle Allemagne que dans les ex-pays de l’URSS.
Début des années 2010, l’irruption impromptue et disruptive des GAFAM, des Fintech (sociétés de technologies financières)dans le secteur financier provoque des remous auprès des banques traditionnelles. Promptes à dormir sur leurs lauriers, celles-ci sont désormais forcées de hâter le mouvement et d’entamer une transformation en profondeur de leurs modèles. Ce nouveau vent du changement, cette fois-ci venu de l’Ouest, menace même jusqu’aux fondamentaux des banques. Et la baisse de fréquentation des agences oblige les banques à lancer des plans de transformation digitale, aux forceps. Pour concurrencer ces nouveaux venus qui opèrent essentiellement sans ou avec peu de coûts de structures tels que les agences en représentent pour les banques, ces dernières doivent réaliser des économies d’échelle, revoir leur capillarité, spécialiser leur réseau en proposant de nouveaux usages à leurs clients. En clair, les banques sont aujourd’hui tenues de digitaliser tous les services à faible valeur ajoutée afin que du temps et de l’espace soient dégagés en agence pour des services et prestations à forte valeur ajoutée. Attijariwafa bank, par exemple, procède depuis ces dernières années à un redéploiement de ses agences et en ferme de nombreuses à travers le pays, parallèlement au développement d’une présence sur internet.L’époque de la bancarisation par l’ouverture d’agences semble révolue.L’arrivée des banques 100% en ligne sur le marché de la banque de détail et la désintermédiation poussent les banques classiques à repenser leur entrée en relation en maximisant les interactions avec leurs clients à travers le multicanal, les réseaux sociaux, etc. Dès lors, les banques sont appelées à passer d’une stratégie de produits à une stratégie de services.

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