Le documentaire…un acte de résistance

«Tous les films, disait Christian Metz, sont des films de fiction»

J.- L. Comolli

Les rencontres de cinéma se suivent …et se ressemblent ; d’ailleurs, il faudra bien un jour tirer un bilan critique de cette boulimie qui s’est emparée du pays et voir quels gains en profitent au cinéma, à la culture et aux régions. Cependant, ces dernières années, certaines manifestations cinématographiques tentent de se démarquer et de se donner une légitimité culturelle en s’ouvrant sur un genre cinématographique noble : le documentaire.

De Laâyoun à Tanger, en passant par Agadir, Zagora et Khouribga, «le documentaire» se décline à travers moult formules dont certaines sont directement dictées par des chaînes de télévision imposant leur vision du monde à travers les fameux cahiers des charges devenus la matrice dramatique du tout audiovisuel. Et pourtant, le documentaire reste la forme cinématographique de résistance la plus appropriée face à la crise de sens générée par le trop plein d’images qui meuble notre horizon et notre environnement quotidien. Une image devenue une finalité en soi. Du selfie des réseaux sociaux au reportage télévisé des chaînes d’info en continu, les images circulent pour elles-mêmes. Sous l’effet de la révolution numérique, l’image puise sa réalité en elle-même (autoréférentielle).

Le documentaire cinématographique offre un contre-modèle. Il nous propose une idée sur le monde dans lequel nous vivons. Par son traitement du temps, son rapport aux gens, à l’espace, le documentaire nous aide à prendre une distance critique à l’égard du flux visuel qui nous étouffe, aussi bien à la télé que dans les médias sociaux.

A mon sens, un festival de cinéma dédié au documentaire est un acte militant, une insurrection cinéphile pour rappeler encore une fois que le documentaire est un lieu, un moment, un espace de résistance. Et d’abord un lieu de résistance à la télévision. Ceà quoi nous assistons hélas dans la majorité des rendez-vous dits du documentaire, c’est à l’omniprésence de longs reportages qui prétendent au rang du documentaire. Je rappelle cette distinction fondatrice : le reportage montre, le documentaire démontre. Il démontre car il est porté par un point de vue, un regard et une vision du monde nourrissant une thèse à défendre qui se décline à travers une forme qui est elle-même une thèse… de cinéma. Dans sa grammaire formatée par le média qui le véhicule, l’image du reportage se confond à elle-même, épuise en  elle sa réalité.

Dans le documentaire cinématographique, l’image reste liée à son référent. Elle puise son sens en dehors d’elle-même. Le sens est toujours dans une approche de l’altérité.

En outre, dans un reportage Tv, le sens et son récepteur» sont assignés d’emblée à résidence ; l’esprit critique est annulé par l’impact «travaillé» des images (le zoom sur les larmes des victimes) et leur montage cut. Dans le documentaire, le rythme, l’usage de longs plans fixes, le temps d’écoute …sont déployés au service d’une rhétorique pour rompre avec l’enchantement.

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