Eloge de la pensée

Ce fut l’un des événements forts de la dernière édition du salon international du livre : la rencontre avec la philosophe et spécialiste des images Marie-José Mondain autour de son nouvel ouvrage La confiscation.

Un essai qui se présente comme une riposte à l’entreprise de confiscation des mots, des images et du temps. Toutes les forces de domination passent d’abord et s’expriment à travers la reconfiguration du champ symbolique. Le pouvoir, tout pouvoir, se décline dans une multitude de « pouvoirs » qui légitiment et perpétuent le pouvoir qui les génère et les nourrit de son capital et de sa violence. Les dominés se retrouvent alors en situation de reproduire les représentations et les mythes produits par les dominants. Tout projet d’émancipation et de démocratisation de l’espace public ne peut aboutir s’il ne prend pas en charge cette dimension de la lutte en investissant le champ symbolique, dans sa dimension sacrée (le religieux dans le cas de nos sociétés) ou d’une manière générale dans ce qui relève des échanges immatérielles : les mots (politique, démocratie ont été récupéré et dévalorisés), les images et le temps (un enjeu majeur qui a été souvent occulté faute de …temps).

Les images ont ainsi constitué une problématique centrale des travaux de Marie-José Mondzain. Elle a mené par exemple une réflexion tonique surlaquestion cruciale  de la réception des images, du partage des images (voir avec d’autres et partager du sens) et de l’éducation du regard. Dans un environnement marqué par un flux d’images à travers des circuits de plus en plus inédits (de quoi stimuler une recherche de nature médiologique selon le concept de régis Debray) et où tout le monde est de venu un JRI : un journaliste reporter d’images. Lors de célébrations, lors d’une rixe dans la rue, ou tout simplement à chaque instant de la vie quotidienne…on voit quelqu’un sortir son Smartphone est se remettre à filmer et à partager et à tout de suite visionner. Dans la perspective dessinée par Marie-José Mondzain, la censure apparaît alors comme un faux problème, voire une proposition hypocrite. L’alternative étant la formation des citoyens, l’éducation aux images, la libération du regard. Cette nécessaire construction du regard qu’appelle M.-J. Mondzain de ses vœux passe avant tout par la parole ainsi que par une mise à distance des images. Elle écrit dans ce sens «je crois que si j’ai consacré tant d’années à la question de l’image et à celle des images, c’est pour défendre le principe de la pensée malgré tout. Cet enjeu concerne d’abord la fidélité à la parole et la fiabilité de son usage dans un monde dominé  par le régime du spectacle».

C’est aussi à ceux qui fabriquent, produisent et diffusent les images de travailler à cette mise à distance. Le spectateur doit rester libre de construire sa place dans l’espace narratif. En ce sens, la propagande ou la publicité, même si elles mettent en scènes des images agréables, sont, pour l’auteur, des machines à produire de la violence. Elles mettent en place des dispositifs identificatoires et fusionnels. Il y a abolition intentionnelle de pensée et de jugement. L’image est engloutie dans l’assentiment. Le contrôle et le verrouillage de l’image assurent alors le silence de la pensée.

Mohammed Bakrim

Top