Equateur: Le président décrète l’état d’urgence…

«Afin d’assurer la sécurité des citoyens et d’éviter le chaos, j’ai décrété l’état d’urgence au niveau national» a déclaré à la presse, ce jeudi 3 octobre, le président équatorien Lenin Moreno à l’issue d’une réunion de son gouvernement ayant fait suite aux grèves qui ont paralysé le pays dans un mouvement d’une ampleur inédite depuis 2007 et qui, d’après le ministre de la Défense, se seraient soldées par l’arrestation de 277 personnes pour des actes de vandalisme alors que 21 policiers ont été blessés.

Cet état d’urgence, tel que prévu par la Constitution, peut rester en vigueur 60 jours et être prorogé pour une période de 30 jours supplémentaires. Il permet d’établir des zones de sécurité, de suspendre ou de limiter certains droits comme celui de la libre circulation, d’imposer une censure aux médias et, enfin, de charger les forces de police et l’armée du  maintien de l’ordre public.

Si l’économie du pays oscille entre stagnation, déficit et endettement et que l’accord conclu en mars dernier avec le Fonds monétaire international (FMI) avait prévu un soutien financier de 4,2 milliards de dollars en échange d’un programme de réformes économiques étalé sur trois années, force est de reconnaître que la goutte qui a fait déborder le vase est tombée ce 24 Septembre lorsque, pour faire face à la crise, le gouvernement de Quito a emprunté près de 2 milliards de dollars augmentant, ainsi, de 10 milliards les obligations de la dette et ramenant les engagements du pays à 47% du PIB.

Cette situation a contraint le président Moreno à mettre en place tout un ensemble de mesures impopulaires. C’est donc à ce titre que, ce mardi soir, la chaine nationale de télévision a annoncé la suppression de la subvention sur les carburants ; ce qui, en ramenant les droits de douane à 123%, a fait passer le prix d’un «gallon» (3,7 l) de diesel de 1,03 à 2,30 dollars et celui de l’essence de 1,85 à 2,40 dollars.

Mais s’il avait débuté par l’appel des syndicats des transports à un arrêt indéfini du secteur violemment touché par un doublement du prix des carburants, ce mouvement de grève a fini par faire tâche d’huile poussant le chef de l’Etat à dénoncer avec force ceux qui «imposent le chaos (…) car cette époque est révolue». La ministre de l’intérieur Maria Paula Romo a signalé que dix-neuf manifestants avaient été interpellés.

Ainsi, à Quito, les taxis et les autobus étant à l’arrêt et les écoles fermées, élèves et étudiants se sont joints aux contestataires en bloquant les rues avec des pneus enflammés et en affrontant violemment et à l’aide de cocktails molotov les forces de l’ordre près du siège du gouvernement, obligeant ces dernières à riposter en leur lançant des grenades lacrymogènes qui ont fait près d’une trentaine de blessés.

En rappelant, enfin, que l’Assemblée nationale est habilitée à examiner l’état d’urgence tel que décrété par le chef de l’Etat et à en dénoncer tous les abus, la député Gabriela Rivadeneira a proposé la tenue d’une session extraordinaire du Parlement à l’effet de débattre de la révocation du président Moreno et de fixer la date des élections présidentielles anticipées.

Sera-t-elle suivie par ses pairs à l’Assemblée ? Allons-nous assister, dans les prochaines semaines ou – pourquoi pas ? – dans un délai plus court, à la révocation du Président Lenin Moreno au pouvoir depuis 2017 ? Attendons, pour voir…

Nabil El Bousaadi

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