Esclavagisme: le réveil tardif des institutionnels

Il faut reconnaitre que dans cette histoire tonitruante d’esclavagisme en Libye, la plèbe a été on ne peut plus prompte, réactive et organisée dans ses initiatives que les autorités/institutions. D’ailleurs, ce sont les internautes et les citoyens de part et d’autres dans le monde qui ont donné une forte résonance à cette affaire.

Aussitôt, l’information diffusée par CNN, les internautes se sont fait l’écho de cette «violation des droits de l’Homme» de grande envergure, notamment sur les réseaux sociaux, faisant monter d’un cran l’émotion et suscitant un impact profond. Sur facebook, les internautes ont, par centaines voire par milliers, changé leurs photos de profils par des slogans de prise de position: «nul ne mérite d’être vendu. Je dis non à l’esclavage » et ont relayé des appels à signature de pétitions d’ONG. Les commentaires acerbes et critiques dénonçant la pratique d’esclavagisme en plein cœur de l’Afrique et pointant du doigt la léthargie des autorités concernées n’ont pas tardé. Des vidéos de condamnation de ces actes datant de Mathusalem et appelant les autorités africaines et européennes à l’Action ont fortement été relayées en ligne. En l’espace de quelques jours, des appels à manifestation ont été lancés auxquels ont répondu des milliers de personnes dans le monde.

A l’instar du rassemblement d’un millier de personnes samedi dernier à Paris près de l’Arc de Triomphe à l’appel de plusieurs associations d’un Collectif contre l’esclavage et les camps de concentration en Libye (CECCL). Si la technologie y est pour beaucoup, tant son pouvoir de réunir des voix éparpillées à travers le monde est puissant, il faut toutefois saluer l’harmonie, la solidarité et l’entente dans les prises d’initiatives des masses populaires. Une leçon à l’adresse des chefs d’Etat et des institutions, notamment sur notre continent, comme l’a pointé du doigt un acteur associatif à Al Bayane. «Est- ce que ce sont les moyens qui manquent ou c’est la volonté qui fait défaut ?… On voit bien qu’il y’a un manque de solidarité et d’entente entre les dirigeants africains quand il s’agit des questions humanitaires», a noté Romaric Ngbatala, acteur associatif au Maroc.

Non sans surprise, les institutions et gouvernements (Afrique, Europe) ont plutôt emboité le pas aux masses populaires au lieu de les devancer. On aurait dit que c’est le «peuple» qui a fait prendre conscience aux autorités de l’ampleur de ce qui se passait depuis belle lurette dans les coulisses de plusieurs villes libyennes. Toutefois, mieux vaudrait ne pas jouer au défaitisme et négativisme à cette heure où il y’a péril en la demeure. Même si les réactions attendues les minutes ou heures suivant la diffusion de cette «vente aux enchères» sont venues des jours plus tard, l’on devrait néanmoins les saluer. Notamment la réaction du président du Niger, qui dès jeudi, a exprimé son indignation face à la «vente aux enchères des migrants». Mahamad Issoufou est allé un peu plus loin, demandant personnellement à son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, hôte du prochain sommet UA-UE prévu les 29 et 30 novembre, d’«inscrire le sujet à l’ordre du jour du sommet».

Le président de l’Union Africaine a pour sa part, «condamné fermement cette pratique d’un autre âge», précisons-le, vendredi 17 novembre. Alpha Condé, le président guinéen, a «invité instamment les autorités libyennes à ouvrir une enquête, situer les responsabilités et traduire devant la justice les personnes incriminées et à revoir les conditions de détention de migrants».

A l’heure actuelle, seules quelques voix éparses des gouvernements et institutions africains se sont exprimées, sans oublier qu’en Afrique ou en Europe, les déclarations l’emportent jusque-là sur des propositions d’actions concrètes. A savoir que Zeid Ra’ad Al Hussein, haut –commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, a récemment déclaré que «la communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Libye».

Une déclaration qui a joué sur la conscience des pays européens qui ont promis aussitôt mercredi 34 400 places pour accueillir des réfugiés directement depuis des pays d’Afrique et du Moyen-Orient, notamment la Libye. Si les pays de l’Union européenne semblent s’accorder et s’harmoniser un tant soit peu sur quelques «solutions» urgentes, chez nous, les autorités font encore cavaliers seuls face à un phénomène et un fléau humanitaire qui frappe d’estoc et de taille toute l’Afrique. A cette allure, l’on est en droit de se demander si l’Afrique sera en mesure de proposer d’une seule voix des solutions concrètes à cette question humanitaire, notamment au prochain sommet UE-UA à Abidjan où sera sans nul doute débattue la problématique.

Danielle Engolo

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