«Nous avons conclu que notre stratégie et nos capacités actuelles étaient clairement perçues par les Russes comme potentiellement insuffisantes pour les dissuader de faire deux choses : lancer des frappes nucléaires limitées pour faire pression lors d’un conflit conventionnel en train de s’aggraver et utiliser plus largement les armes nucléaires pour l’emporter face aux forces conventionnelles de l’Otan si les menaces échouaient» a déclaré Greg Weaver, le responsable des capacités stratégiques des forces armées américaines après la publication, ce vendredi, d’un document portant sur la nouvelle «posture nucléaire» adoptée par les Etats-Unis en «réponse à l’expansion des capacités (nucléaires) de la Russie».
Il n’en fallait pas plus pour faire dire à Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, que la décision des Etats-Unis de se doter de nouvelles armes nucléaires – même dites de faible puissance – révèle leur forte « dépendance aux bombes nucléaires» et viole les termes du Traité sur leur non-prolifération signé en 1968. Et le diplomate iranien de déclarer que «l’obstination» du président américain qui découlerait «d’une inconscience dangereuse» va immanquablement tuer l’accord international sur le nucléaire et «rapprocher l’humanité de l’anéantissement».
Mais la République Islamique d’Iran n’a pas été le seul pays à marquer sa désapprobation puisque, dans un communiqué publié le lendemain par une diplomatie russe «profondément déçue», il est dit que «dès la première lecture, le caractère belliqueux et anti-russe de ce document saute aux yeux».
Aussi, en espérant que Washington puisse prendre conscience «du niveau élevé que représentent ses directives d’un point de vue de planification militaire pratique», Moscou qui rejette les accusations américaines «farfelues» et «infondées» afférentes aux violations par la Russie des accords sur le contrôle des armements, entend prendre «les mesures nécessaires» à sa sécurité en tenant compte de l’approche américaine en tant que «tentative injuste de rejeter sur les autres sa propre responsabilité».
Idem du côté du ministère chinois de la Défense qui, en rappelant que «la paix et le développement sont des dynamiques mondiales irréversibles» invite les Etats-Unis à «renoncer à leur mentalité de guerre froide, prendre au sérieux leurs responsabilités sur la question du désarmement et corriger leur perception des intentions stratégiques de la Chine» au lieu d’aller à leur encontre.
Il semble donc que le nouveau président de la plus grande puissance mondiale ne soit pas prêt, au grand dam de tous les pays du monde et au risque de déstabiliser le fragile équilibre international, à renoncer à la prolifération des armes nucléaires, s’il dénonce, jour après jour, tous les accords internationaux conclus par ses prédécesseurs. Continuant sur sa lancée le voilà qui s’attaque, désormais, à un accord signé depuis un demi-siècle, par la quasi-totalité des Etats de la planète; à savoir, ce Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui avait énoncé, dès son préambule, la claire intention de tous ses signataires «de parvenir, au plus tôt, à la cessation de la course aux armements nucléaires et de prendre des mesures efficaces» pour aboutir, à terme, à un total désarmement nucléaire.
Mais jusqu’où donc ira l’entêtement de Donald Trump? Ce dernier ne serait-il pas, comme l’a ouvertement déclaré le chef de la diplomatie iranienne et comme d’autres se plaisent à le penser sous cape, en train de rapprocher « l’humanité de son anéantissement»? Y’aurait-il, à l’heure qu’il est, une instance s’occupant de géopolitique internationale capable d’affirmer qu’il n’en est rien et que le bellicisme outrancier affiché par le président américain et faisant craindre une relance de l’armement nucléaire et l’imminence d’un conflit susceptible de ravager la planète n’est qu’un leurre destiné à préserver l’équilibre du monde par la dissuasion? Osons l’espérer même si, à première vue, cela semble insensé…
Nabil El Bousaadi