Face à la Chine, l’Union Européenne change son fusil d’épaule

Nabil El Bousaadi

Les sempiternelles atteintes aux droits de l’Homme dans l’Empire du milieu, la pandémie du nouveau coronavirus, l’impérialisme de Huawei et les multiples discussions menées sur de nombreux dossiers mais n’ayant abouti à aucun résultat tangible ont fini par exaspérer une Union Européenne qui, en se trouvant, désormais, dépourvue du soutien de son allié historique américain lui-même engagé dans une dangereuse surenchère avec le géant asiatique, est plus déterminée que jamais à trouver sa propre voie pour défendre ses intérêts et rééquilibrer ses relations avec la Chine.

C’est dans ce cadre qu’en déplorant le fait que «c’était toujours le consommateur européen qui était mis en avant», Thierry Breton, le Commissaire européen à l’Industrie et ancien ministre français de l’Economie, avait récemment recommandé d’«aller plus loin (car) la politique industrielle en Europe ne pouvait plus être conduite avec pour seul but de réduire les prix pour le consommateur».

Aussi, ce lundi, à l’issue de leur rencontre de plus de deux heures en visioconférence avec le président chinois Xi Jinping, Charles Michel, le président du Conseil européen, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne et la chancelière allemande Angela Merkel, il semblerait que les relations entre l’Union européenne et la Chine soient entrées dans une nouvelle phase.

 Soucieux d’en finir avec les pratiques commerciales déloyales de Pékin, les dirigeants européens, devenus très méfiants envers le géant asiatique après avoir été, pendant très longtemps, aveuglés par la convoitise d’un gigantesque marché, entendraient, désormais, renoncer aux compromis faciles assortis de contreparties très peu exigeantes et, pour cela, faire montre de la fermeté indispensable au rééquilibrage de leurs relations commerciales avec Pékin.

«Nous ne sommes pas naïfs face à la concurrence parfois déloyale à laquelle nous devons faire face» avait dit, la veille, Ursula von der Leyen en préconisant de présenter, dans un premier temps, une vision à long terme apte à faire prospérer «aussi bien les start-ups que les PME» car il est urgent de rendre l’Union Européenne plus compétitive «face à la concurrence de plus en plus féroce des  entreprises chinoises largement subventionnées » qui viennent bousculer leurs consoeurs européennes sur leur propre territoire.

Lui emboîtant le pas, Margrethe Vestager, la vice-présidente de la Commission européenne chargée de la concurrence, insiste, de son côté, sur la mise en place de nouveaux outils et notamment sur le principe de réciprocité qui permettrait aux entreprises européennes de pénétrer le marché chinois sans aucun transfert de technologie car il est inconcevable de continuer à recevoir chez soi et à bras grands ouverts celui qui ne vous invitera jamais chez lui.

Aussi, en se disant, par ailleurs, préoccupés par les atteintes aux libertés qui ont cours à Hong Kong et aux exactions qui ont lieu au Xinjiang, les dirigeants européens ont demandé, ce lundi, au président chinois de permettre à des observateurs indépendants d’accéder au Xinjiang, ce vaste territoire autonome désertique et montagneux qui se trouve au nord-ouest de la Chine et où quelques 3 millions de musulmans «Oïgours» sur une population totale de 10 millions seraient, dit-on, enfermés dans des camps de concentration et soumis à des actes d’une violence inouïe et à une torture qui dépasserait tout entendement.

Mais, tout en rappelant qu’elle n’est pas prête à se faire dicter son comportement, la Chine a tout de même pris conscience du fait qu’elle devra, désormais, composer avec cet interlocuteur européen beaucoup plus exigeant que par le passé et accepter sa main tendue si elle veut tenir tête au géant américain.

En changeant son fusil d’épaule, l’Union Européenne va-t-elle pouvoir affronter l’ogre américain en mettant sa main dans la main de Pékin ? Attendons pour voir…

Étiquettes , ,

Related posts

Top