La fin du changement horaire au Maroc approche-t-elle à grands pas ? La récente proposition de la Commission européenne de mettre fin à cette mesure en Europe à la fin de 2019, pourrait laisser présager une pareille volte-face au Maroc.
Même si rien n’a encore été entériné, plusieurs pays sont en cours de concertation sur le sujet. Et toute décision prise en Europe pourrait avoir une incidence sur cette mesure au Maroc. En cause, depuis plusieurs années, le Royaume a adopté cette mesure pour réduire le décalage horaire avec les partenaires européens et diminuer de ce fait, les consommations d’énergie induites par ces écarts. Une décision qui ne fait pas toutefois l’unanimité au Royaume, depuis des années, malgré ses avantages avérés.
Depuis quelques années, citoyens européens, administrations, entreprises tirent à boulets rouges sur la pratique du changement horaire saisonnier (Hiver/été). Une mesure qui a été progressivement adoptée à partir de 1980, dans l’optique de mettre fin aux divergences nationales entre les calendriers. Toutefois, avec le temps, le changement d’heure a perdu de sa cote et de sa crédibilité. Une consultation publique menée auprès de 4,6 millions de citoyens européens, par la Commission européenne en été 2018 a montré que 84% des citoyens européens se déclaraient en faveur de la fin du changement d’heure en hiver et en été dans leurs pays. Un taux très élevé. En cause, plusieurs citoyens européens se plaignent de l’incidence de cette mesure sur la santé. D’autres études jugent d’ailleurs la principale motivation de cette mesure, notamment les «économies d’énergie», de marginales.
Dans son dernier discours annuel sur l’état de l’Union prononcé la semaine dernière, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait plaidé pour l’abolition dès l’année 2019 du changement d’heure. Selon cette proposition, le dernier passage obligatoire à l’heure d’été devrait avoir lieu le dimanche 31 mars 2019. Après ce dernier changement, chaque Etat membre devrait notifier la Commission au plus tard en avril 2019, sur son intention d’adopter soit l’heure d’hiver, soit l’heure d’été.
En moins d’une semaine, certains pays se sont prononcés sur la proposition de la Commission européenne, notamment le trio du Benelux. Le week-end dernier, le premier ministre belge, Charles Michel, qui préside le groupement des trois pays (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) s’est déclaré en faveur d’une concertation entre les trois pays pour choisir entre les heures d’été et d’hiver. Les trois pays devraient se concerter sur le sujet, en marge du prochain Conseil européen prévu le 18 octobre.
Si plusieurs autres pays se prononcent à cette allure, l’échéancier fixé par le président de la Commission européenne, aurait des chances d’être respecté, surtout eu égard à la forte adhésion des citoyens européens à cette réforme. Mais qu’adviendrait-il des pays comme le Maroc, dont la pratique du changement d’heure est rattachée à celle de l’Union Européenne?
Comme chaque année, le Maroc devrait changer encore d’heure du 27 au 28 octobre prochain, pour passer à l’heure d’hiver. Une pratique qui remonte à 2012 et qui, vise à réduire les consommations d’énergie, et accroitre ainsi la compétitivité de l’économie marocaine. Concrètement, le passage à GMT + 1 au Maroc, dépend fortement des pays de l’Union Européenne. Il vise à réduire le décalage horaire avec l’Europe, réaliser des économies d’énergie, en faisant correspondre les heures d’activité avec les heures d’ensoleillement. En France, la mesure aurait permis d’économiser 250 000 tonnes de pétrole par an. Au Maroc, l’application de GMT +1 en 2014, aurait permis d’économiser 58, 7 millions de DH en fioul, permettant ainsi d’éviter des émissions en CO2 de 28000 Tonnes. Selon l’ONEE, en 2016, l’application du changement horaire aurait permis d’économiser en moyenne 84 MW.
Toutefois, les avantages avérés de cette mesure adoptée ne convainquent pas toujours les opérateurs économiques marocains. Nombreux sont les industriels qui remettent en cause la pertinence de l’application du changement d’horaire et pour qui, les avantages de cette mesure seraient « limités ». Sans oublier que de nombreux citoyens restent dubitatifs quant aux avantages de cette mesure au Maroc. Et ne manquent pas de monter au créneau à chaque changement saisonnier.
Si l’Europe vient à mettre fin à cette décision, le Maroc pourrait peut-être en faire autant, puisque l’adoption de cette mesure visait à s’adapter aux opérateurs économiques européens. Sans oublier que la vague de méfiance des citoyens vis-à-vis de cette mesure en Europe pourrait bien toucher le Royaume. D’ailleurs, le ministère de la réforme de l’administration et de la fonction publique, a lancé récemment une étude pour évaluer l’application du changement d’heure de 2012 à 2017. L’étude devrait analyser entre autres les aspects économiques et sociaux liés au changement d’heure, l’évaluation de l’impact sur le décalage horaire avec l’Europe, l’évaluation du changement horaire sur les heures de lever et coucher de soleil sur l’ensemble du territoire marocain… Ces résultats pourront certainement déterminer la décision du Maroc de continuer d’appliquer cette mesure ou pas. Sachant bien sûr qu’il serait aberrant de continuer de l’appliquer au Maroc, au moment où les pays européens venaient à l’abolir.
Danielle Engolo