Quel impact sur les politiques migratoires marocaines?

Par Abdelkrim Belguendouz*

Avec la présente édition, «Al Bayane» aura consacré tout le mois de mars 2018 et précisément chaque vendredi (2, 9, 16, 23, 30 mars) à la publication de notre contribution au débat public pour l’action sur un thème de grande actualité et porteur d’espoir. Il s’agit de l’Agenda Africain sur la Migration et de l’impact qu’il pourrait avoir sur les politiques migratoires marocaines dans leurs deux volets: immigration et asile au Maroc et Marocains résidant à l’étranger.

Dans la présente et dernière édition consacrée à cette étude ,    avant une conclusion générale en liaison avec les deux échéances internationales au plan migratoire à Marrakech en décembre 2018 (Forum Mondial Migration Développement et Pacte Mondial sur les migrations), nous focaliserons l’attention sur quatre autres propositions principales à l’adresse plus particulièrement des gestionnaires du dossier migratoire marocain, du gouvernement en général ainsi que des deux chambres du parlement marocain, compte tenu de l’aspect multidimensionnel et interministériel du dossier :

-opérationnaliser les droits politiques constitutionnels des migrants ;

-consacrer une session extraordinaire du Parlement au dossier migratoire et de l’asile au Maroc

-ratifier les instruments internationaux liés aux migrations et l’asile et harmoniser la législation marocaine en conséquence;

-confirmer le refus par le Maroc  de l’accord général de réadmission avec l’Union européenne.

1– Opérationnaliser les droits politiques constitutionnels    

des migrants

Nul doute que l’Agenda Africain sur la Migration , qui sera présenté à la fin de ce mois à Addis-Abeba dans le cadre de la Conférence de l’UA des chefs d’Etat et de gouvernement, prendra en considération également les droits civiques et politiques des migrants , que ce soit les droits des  immigrés établis dans les pays africains , ou bien les droits par rapport à leur État d’origine, des nationaux  des pays africains qui ont émigré à l’étranger.

Pour le Maroc, nous sommes encore devant un double déficit qu’il s’agit de combler, bien que les droits politiques en question, soient  bien inscrits dans la loi suprême du pays, rénovée en 2011 :

*Article 30 de la Constitution pour le droit de vote des étrangers aux élections locales marocaines. Il ne suffit pas de rappeler constamment cet acquis dans les forums internationaux, sans mettre en pratique cette disposition.

*Article 17 de la Constitution pour la députation des citoyens

marocains établis à l’étranger, au même titre que les ressortissants à l’étranger des pays africains suivants : Tunisie,  Algérie, Mozambique , Cap Vert , Angola , Sénégal. La reconnaissance concrète des Marocains établis à l’étranger en tant que citoyens marocains à part entière, est une nécessité absolue.

Or si les Marocains du Monde sont considérés désormais comme constituant la «13ème région » du Maroc, cette conception est faite avec une approche fondamentalement économique, en misant sur leur « citoyenneté financière » et nullement sur une citoyenneté au sens politique.

L’obstacle «technique», «matériel», «logistique» ou «organisationnel» mis en avant depuis des lustres par les responsables politiques du dossier électoral au Maroc (et en «off»  par d’autres ministres), appuyés en cela par les dirigeants du CCME et du CNDH (celui-ci prône non pas le vote direct dans les consulats, mais le vote par correspondance ou électronique vers le Maroc), ne constitue en fait qu’un pseudo argument. L’étude des bonnes pratiques au niveau électoral des pays africains précités, serait  très bénéfique pour le Maroc si , en parallèle, la volonté politique de considérer les Marocains résidant à l’étranger comme des citoyens marocains à part entière, y est.

2-Pour une session extraordinaire du Parlement

consacrée au dossier migratoire et de l’asile

Voilà donc une série d’actions concrètes et de réformes législatives précises à mener concernant le secteur des citoyens marocains établis à l’étranger, à ajouter à celles qui sont à entreprendre en matière d’immigration et d’asile au Maroc que nous avons mis en évidence dans les éditions  d’Al Bayane du 16 et 23 mars 2018. C’est dire que ce sont le gouvernement et l’ensemble des acteurs politiques qui sont interpellés. Il en est de même des parlementaires des deux chambres du fait de leurs fonctions législative et budgétaire et du contrôle qu’ils exercent notamment sur l’application effective des engagements pris par le gouvernement.

Tous les acteurs précités sont à mettre à contribution pour une réflexion d’ensemble et des débats de fond avec pour objectif l’élaboration et l’adoption de textes législatifs de qualité en la matière, dans le cadre d’une vision nationale globale, cohérente et intégrée relative aux MRE et d’une charte  nationale les concernant, avec leurs droits et leurs devoirs.

À ce propos et en coordination avec l’Exécutif , un plan de travail législatif d’urgence sur ce vaste domaine migratoire serait à élaborer et à suivre, en envisageant une procédure exceptionnelle d’adoption des textes (session extraordinaire pour chacune des deux chambres en septembre 2018 par exemple, avant l’ouverture de la nouvelle année législative), en cohérence notamment avec les responsabilités du Maroc en matière migratoire, particulièrement en 2018, qui sera «une année de l’Afrique, placée sous le signe de la migration», selon le mot du ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita.

Parmi les lois en attente, rappelons celles dont nous avons montré l’extrême urgence d’élaboration dans le cadre de la présente contribution, en précisant qu’aucun des projets de lois y afférent, n’est encore arrivé en Conseil de gouvernement :

* loi sur l’asile;

* révision substantielle de la loi 02-03 sur l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, l’émigration et l’immigration irrégulière ;

* révision en profondeur de la loi 19-89 portant création de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger ;

* loi portant création du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) constitutionnalisé, en application de l’article 163 de la Constitution 2011.

Sans compter la nécessaire révision de plusieurs dispositions de certaines lois en vigueur, en liaison avec la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc, telle que nous l’avons développé précédemment : code du travail, code de la nationalité, loi sur les associations etc…

Ratifier des instruments internationaux sur l’asile ou la migration

Il importe aussi que le parlement ratifie dans la session extraordinaire proposée, les instruments internationaux liés aux migrations ou à l’asile qui ne l’ont pas encore été et que la législation marocaine soit harmonisée en conséquence. Il s’agit notamment de prendre en considération les éléments suivants :

  • Nécessité d’adhérer à la Convention relative au statut des apatrides (1954) et à la Convention sur la réduction des cas d’apatride.
  • S’agissant des traités régionaux, il convient de ratifier la Convention arabe relative au statut des réfugiés du 3 septembre 1994.
  • Ratifier la Convention de l’OIT n°189(2011) sur les travailleuses et travailleurs domestiques.
  • Si le Maroc a ratifié en avril 2011 le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, il n’en est rien du Protocole adopté en l’an 2000 contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer, ce qui affaiblit du même coup la portée de ses engagements à l’égard des migrants.
  • Nécessité de ratifier les principaux instruments régionaux en matière de droits de l’homme, à savoir la Charte arabe des droits de l’Homme (première version adoptée à Tunis en mai 2004) et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (adoptée à Nairobi en juin 1981 et à la rédaction de laquelle le Maroc avait même participé), en cohérence avec l’esprit de l’Agenda Africain sur les Migrations qui place le respect des droits humains des migrants et de leur dignité  au centre de ses préoccupations, comme le relèvent les discours royaux que nous avons cités dans les premières parties de la présente contribution.

 4-Confirmer le refus par le Maroc de l’accord général

de réadmission avec l’Union européenne

Enfin, le Maroc devrait de notre point de vue, maintenir son refus  catégorique de signer un accord général de réadmission des immigrés irréguliers avec l’Union Européenne (irréguliers marocains et irréguliers étrangers en Europe ayant transité par le Maroc, principalement les Subsahariens) , en résistant aux multiples chantages et aux incessantes pressions de l’UE , qui fait de la réadmission une idée fixe.

Or la réadmission des Africains subsahariens signifierait notamment la mise en place par le Maroc de centres de rétention ou de détention pour abriter ces «irréguliers». Il s’agit aussi de sécuriser ces camps, de permettre l’identification des refoulés (pour les renvoyer vers leurs pays d’origine) et de bien s’assurer que les réadmis ne quittent à nouveau le Maroc à destination de l’UE . Or peut-on concevoir l’existence de cette situation, dans le cadre d’une atmosphère régie par ailleurs par une conception humaniste de la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc !?

L’aspect fondamentalement contradictoire ne peut être que souligné, venant conforter les raisons qui poussent déjà le Maroc, depuis 17 ans, à l’opposition à la conclusion de l’accord général de réadmission avec l’Union européenne.

4.1 –Une grande résistance marocaine

Faisant partie de sa propre expérience face à l’UE depuis la fin du siècle dernier, à l’occasion du Sommet européen de Tampere, une attitude gagnerait à être confirmée au niveau de l’Agenda Africain sur la Migration. Celle à travers laquelle le Maroc a toujours refusé de réadmettre les Africains subsahariens «irréguliers» en Europe, qui auraient transité par le Maroc, en dépit de quelques 17 rounds de négociations formelles avec l’UE .Tout comme il importe à notre sens que cette position soit étendue en particulier à certains alinéas de l’article 13 de l’Accord de Cotonou (ex-Convention de Lomé) , signé le 23 juin 2000 et entré en vigueur le 1er avril 2003 , par lequel l’Union européenne veut toujours imposer des accords généralisés de réadmission aux 79 pays ACP (48 pays d’Afrique subsaharienne, 16 des Caraïbes, et 15 du Pacifique) concernant leurs propres ressortissants , mais également des ressortissants d’autres États ACP en situation irrégulière en Europe, qui auraient transité vers l’UE par ces  États.

Dans l’alinéa C du paragraphe 5 de l’article 13, il est stipulé notamment que : «chacun des Etats ACP accepte le retour et réadmet ses propres ressortissants illégalement présents sur le territoire d’un État membre de l’Union Européenne à la demande de ce dernier et sans autre formalité (…)

Plus loin, il est précisé que : «À la demande d’une partie, des négociations sont initiées avec les États ACP en vue de conclure, de bonne foi et en accord avec les principes correspondants du droit international, des accords bilatéraux régissant les obligations spécifiques de réadmission et de retour de leurs ressortissants. Ces accords prévoient, si l’une des parties l’estime nécessaire, des dispositions pour la réadmission de pays tiers et d’apatrides. Ces accords précisent la catégorie de personnes visées par ces dispositions, ainsi que les modalités de leur réadmission et retour. Une assistance technique sera accordée aux États ACP en vue de la mise en œuvre de ces accords».

En d’autres termes , chaque État ACP doit réadmettre d’Europe ses propres ressortissants irréguliers, mais également les ressortissants d’autres pays ACP qui se trouveraient en situation administrative irrégulière au sein de l’UE et qui auraient transité par cet État, quitte à ce qu’il s’occupe lui-même de leur réadmission vers leur pays d’origine dans un second temps, avec l’appui « technique » et financier de l’UE.

Ainsi, dans le cadre de l’externalisation, chaque État ACP doit jouer le rôle de gendarme de l’Union européenne.

4.2 –Recyclage des idées sécuritaires par le Pacte

Par ailleurs, la formulation du projet de Pacte Mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières est instrumentalisée dans un même esprit à une vaste échelle par les grands pays d’immigration du Nord, qui prônent plus le contrôle, la reprise en main, la fermeté et la fermeture, «l’ordre», bref une ligne raide et dure. Dans ce texte, on assiste ainsi non pas à des progrès mais à une régression, à  des remises en cause des acquis tels que ceux stipulés dans la Convention internationale pour la protection de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille , les Conventions de l’OIT , la Convention de Genève sur les réfugiés , et en cherchant à faire admettre à tous et à cautionner , au nom d’un pragmatisme supposé , la nécessité de l’externalisation des frontières, de la déportation et de la réadmission .C’est ainsi que dans les «engagements s’appliquant aux migrants», le projet de Pacte stipule par rapport à la réadmission notamment ce qui suit :

Nous rappelons aussi que les États sont tenus de réadmettre leurs nationaux de retour et de faire en sorte que ceux-ci soient dûment accueillis sans délai injustifié , une fois leurs nationalités confirmées en application de la législation nationale. Nous prendrons les mesures pour informer les migrants des divers processus associés à leur arrivée et à leur séjour dans les pays de transit , de destination et de retour » (paragraphe 42) .

Nous encourageons fortement la coopération entre les pays d’origine ou de nationalité , les pays de transit , les pays de destination et les autres pays concernés pour faire en sorte que les migrants qui n’ont pas la permission de rester dans le pays de destination puissent retourner, en application des obligations internationales de tous les États ,dans leur pays d’origine ou de nationalité (…)Nous notons que la coopération en matière de retour et de réadmission, constitue un élément important de la coopération internationale en matière de migration . Une telle coopération devrait inclure une identification en bonne et due forme et la fourniture des documents de voyage voulus» (paragraphe 58).

4.3 – Objections

En relation avec ce qui précède, trois observations importantes peuvent être émises :

-En  premier lieu, n’est-ce pas là une reprise en force dans le projet de Pacte, des dispositions de l’Accord de Cotonou sur la réadmission que les pays ACP rechignent légitimement à accepter ?

-En second lieu, lorsqu’on invoque dans le projet de Pacte les «obligations internationales de tous les États» pour légitimer l’inscription de tous les États dans l’obligation de réadmettre par les pays de transit les migrants irréguliers qui seraient passés par leur territoire, n’est-ce pas là un usage abusif du droit international ? En effet, si la réadmission des nationaux est admise en droit international, par contre la réadmission de ressortissants de pays -tiers, c’est-à-dire de ressortissants autres que ceux des parties contractantes, ne constitue nullement une obligation en vertu du droit international. Ici, les pays du Nord cherchent à imposer de toute pièce une doctrine nullement fondée en droit international.

-En troisième lieu, un des passages du discours du ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à l’ouverture le 9 janvier 2018 de la Conférence ministérielle à Rabat sur la migration, attire l’attention et aurait besoin d’une nette clarification. L’inquiétude provient notamment du fait qu’au-delà d’une apparence d’équilibre , certaines questions comme le partage des responsabilités dans le domaine de la gestion des frontières, des retours, de la réadmission, sont au cœur de l’Agenda Africain sur la Migration: «le recrutement équitable des travailleurs migrants, la reconnaissance et le développement des compétences , l’intégration économique, sociale et civique des migrants, ainsi que le partage des responsabilités en matière de gestion des frontières, de retour, de réadmission, d’intégration et de réintégration, sont quelques uns des volets majeurs de l’Agenda Africain sur la Migration».

Est-ce à dire sur ce plan que, aux yeux de la diplomatie marocaine , globalement pour l’Afrique, y compris pour le Maroc, la question de la réadmission est saisie selon la même conception que celle prévalant dans le projet de Pacte Mondial pour des Migrations sûres , ordonnées et régulières, et qu’elle devient par ailleurs «négociable» avec l’Union européenne et dans le même esprit foncièrement sécuritaire, entre les pays africains !? L’enjeu est par conséquent de taille et mériterait un débat approfondi avant la finalisation de l’Agenda Africain sur la Migration, à moins qu’en séance à huit clos de la conférence ministérielle africaine du 9 janvier 2018 à Rabat, les choses aient pris, comme on le souhaite, un chemin plus cohérent avec la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc, et la position officielle du Maroc en ce domaine, pratiquement depuis le nouveau règne!

Il est de la plus haute importance en effet que la diplomatie marocaine se positionne stratégiquement dans le domaine migratoire à travers une vision sud-sud et qu’elle fasse infléchir, avec l’appui de tous les gouvernements des pays africains, l’attitude des pays du «Nord», en particulier ceux de l’Union européenne (les États-Unis d’Amérique s’étant retirés début décembre 2017 du Pacte Mondial pour les Migrations ainsi que du Pacte Mondial pour les Réfugiés).

Tout en refusant d’adhérer aux principaux instruments relatifs aux migrations, en particulier à la convention onusienne du 18 décembre 1990, les pays du « Nord» cherchent en effet non pas une plus-value, mais  à vider ces instruments de leur contenu progressiste et protecteur pour les migrants et à imposer aux pays du Sud bien des dispositions fondamentalement sécuritairez, même si le futur Pacte n’a pas une valeur contraignante. Pas contraignante pour les pays du Nord, mais que ces derniers imposeraient aux  pays du Sud!

EN GUISE DE CONCLUSION GÉNÉRALE

Au total, les nouvelles responsabilités assumées au plan africain et internationalement par le Maroc dans le domaine migratoire,  imposent une implication cohérente à plusieurs niveaux.

*Double interpellation

les gestionnaires à tous les niveaux du dossier migratoire marocain dans ses deux dimensions, celle de l’immigration étrangère et de l’asile au Maroc, et celle des Marocains établis à l’étranger, sont interpelés sur deux plans.

La première interpellation se justifie par l’Agenda Africain sur la Migration par lequel le Maroc joue un rôle de locomotive et de leadership, va apporter une contribution centrale et enclencher une dynamique envers le continent. Certains desdifférents enjeux de cet Agenda ont été analysés dans nos développements, en tirant des enseignements et des suggestions pratiques. Sa mise sur pied et son déploiement questionneront en retour le Maroc qui doit présenter de manière cohérente , une feuille de route retraçant de manière concrète et détaillée, les grandes lignes de son implication dans  cet agenda sur les migrations au niveau régional, en particulier celui de la CEDEAO qui le concerne au premier chef au cas où il y est admis de fait, avec la nécessité de se conformer sur son territoire au régime  communautaire de la libre circulation des personnes, impliquant des modifications majeures dans sa législation en particulier .

Le Maroc est impliqué par l’Agenda également au plan continental et international, mais d’abord au niveau national marocain,avec en particulier la nécessité urgente d’élaborer une stratégie nationale globale , cohérente et intégrée sur le volet MRE, stratégie qui fait encore cruellement défaut, en dépit d’un certain nombre d’opérations de «com» de certains responsables au département concerné pour camoufler ce déficit structurel .

Les responsables marocains du dossier migratoire , sont interpellés en second lieu par l’agenda mondial relatif au dossier migratoire dans lesquels le Maroc ,avec la double échéance de Marrakech en décembre 2018 , est destiné à jouer un rôle de premier plan et d’assumer des rendez-vous de cohérence en tant qu’acteur d’influence sur la question des migrations internationales.

FMMD et Pactes mondiaux sur les  Migrations  et l’asile

Il s’agit d’abord de l’hospitalité accordée à cette date à la rencontre internationale qu’il présidera et qui sera consacrée à l’adoption finale du Pacte Mondial pour des Migrations Sûres, Ordonnées et Régulières, suite à un vaste processus de consultations nationales, régionales et internationales sur la migration, puis à des négociations en la matière . Ce Pacte est destiné à avoir un début de concrétisation dés l’année 2019 par les acteurs concernés au niveau local, national, régional et international.

Il s’agit ensuite  duForum Mondial Migration- Développement, (FMMD) dont le Maroc est co-président avec l’Allemagne pour la période bi-annuelle 2017-2018, qui a pour tâche notamment l’établissement et l’adoption en décembre 2018 à Marrakech d’un «Contrat Social Mondial Migration-Développement», destiné à créer toute une dynamique.

Par la même occasion, il ne faut pas oublier l’échéance fin 2018 de la présentation du Pacte Mondial pour les Réfugiés à l’Assemblée générale dans le cadre du Rapport annuel du Haut Commissaire. Précisons que ce Pacte Mondial pour les Réfugiés  qui suit un mécanisme distinct  de préparation et de négociations (essentiellement à Genève) de celui relatif aux migrations, mais qui interpelle également la politique marocaine concernant l’asile avec tous les dispositifs législatifs et réglementaires y afférent.

Tous ces éléments constituent par conséquent une bonne opportunité pour le Maroc, s’agissant de tous les acteurs concernés, y compris les acteurs non étatiques, de se mettre à niveau sur tous les planssur ce dossier stratégique  concernant sa propre gouvernance migratoire au plan national, de se questionner et de s’interpeller en termes de politiques publiques  si l’on veut que son expérience au plan migratoire dans ses deux volets (immigration étrangère et asile au Maroc et Marocains résidant à l’étranger) soit probante et qu’il montre réellement  la voie en ce domaine, en tant que «modèle» à suivre .

*Impératifs pour être un modèle

Si comme l’a déclaré le ministre chargé des MRE et des Affaires de la Migration , Abdelkrim Benatiq, à l’occasion de la conférence ministérielle de Rabat sur les migrations le 9 janvier 2018, «le Maroc est prêt à partager son expérience dans le domaine migratoire avec les pays africains» , il y’a lieu , à notre sens, de distinguer lucidement le positif du négatif et de ce qui est moins réussi de cette expérience, en mettant en exergue les bonnes pratiques pour qu’elles soient imitées, et en évitant dans ce cas les mauvaises pratiques, les lacunes et les défaillances.

En effet, et de notre point de vue, si on estime au niveau gouvernemental que l’expérience marocaine se résume uniquement en bonnes pratiques, on objectera que ces  conditions ne sont pas totalement remplies, du fait que toutes les réformes indispensables au niveau juridique et au plan de la gouvernance  des diverses institutions liées au champ migratoire marocain (divers ministères, Fondation Hassan II pour les MRE, Bank Al Amal, CCME, Conseil Européen des Oulémas Marocains, CNSS etc..), n’ont pas encore, pour l’essentiel, été menées.

Ceci est en effet loin d’être le cas maintenant comme nous l’avons montré tout au long de cette contribution au débat public pour l’action, surtout pour la politique en direction des citoyens marocains établis à l’étranger pour lesquels on manque, encore une fois et encore, d’une stratégie nationale globale, cohérente et intégrée spécifique .Alors que la stratégie relative à l’immigration étrangèreet à l’asile au Maroc est en bonne voie, malgré certaines  limites qui sont à dépasser à la faveur notamment de l’Agenda Africain sur la Migration, qui doit être également une chance pour le Maroc lui-même.

C’est  une occasion propice et une aubaine hors norme d’y  renforcer la protection des migrants ( immigrés et émigrés) sur tous les plans et d’améliorer leurs  conditions de vie ainsi que la gouvernance des migrations au sens large, bref de se questionner vraiment  pour évoluer et accompagner le changement nécessaire en la matière: quels sont les points à améliorer, où n’a-t-on pas réussi et pourquoi, comment éviter de retomber dans certaines erreurs !?

Le Maroc peut être un bon «dynamiseur» au plan migratoire  si au même moment, il peut être réellement et objectivement un exemple à suivre.

*Nécessité de la recherche pour l’action

L’action dans le domaine migratoire  implique également une politique de recherche et de connaissance en la matière, non seulement à l’échelle de chaque pays africain, de chaque communauté  économique régionale (CER), mais aussi globalement au niveau institutionnel  de l’Union Africaine pour que l’UA se donne les moyens de connaître pour agir, en prenant en considération dans une approche bien informée  et documentée, toutes les facettes du fait migratoire avec ses dimensions multiples et la complexité de son contexte local ,  national, régional, continental et international, en n’oubliant pas qu’en fin de compte, la migration concerne d’abord des êtres humains. Dans cette perspective, la mise en place au Maroc d’un observatoire national des migrations (immigration et émigration), avec l’établissement d’un agenda national de la recherche en migration serait hautement bénéfique, l’esprit étant d’avoir une meilleure prise en compte des réalités de l’immigration étrangère au Maroc et de la communauté des citoyens marocains à l’étranger en pleine mutation, permettant notamment de garantir leurs droits et de préserver leurs intérêts.

L’espoir est permis. L’afro-optimisme peut gagner toutes les capitales africaines et toucher tous les acteurs concernés par le domaine migratoire, y compris les sociétés civiles au niveau du continent africain. C’est la nécessaire volonté politique forte dans le cadre de l’Union Africaine, qui peut faire en sorte que le pessimisme n’ait pas sa place concernant une meilleure gouvernance de ce dossier délicat et sensible, mais prometteur pour l’avenir et qui engage fortement le devenir des sociétés africaines, tant les enjeux multidimensionnels de ce dossier migratoire, sont de la plus haute importance pour l’ensemble du continent africain, pour l’UA et surtout pour la totalité de ses habitants quelque soit leur origine , dans le cadre de la dynamique d’un développement soutenu et durable par les Africains et par tous les travailleurs manuels et intellectuels provenant d’autres continents et qui y contribuent de manière positive et constructive.

(FIN)

Rabat, le dimanche 21 janvier 2018

*Universitaire et chercheur en migration

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