Journée d’études du GPPS sur le PLF 2020

En sa qualité de parti progressiste, patriotique, démocratique et responsable qui milite pour un Etat de Droit, des libertés, de la dignité et de la justice sociale, le Parti du progrès et du socialisme, qui a choisi de sortir du  gouvernement pour aller travailler dans l’opposition, va poursuivre sa mission en tant que tel. Il soutiendra ce qui mérite de l’être et en combatra ce qui doit l’être au sein du projet de loi de finances 2020, a indiqué le Secrétaire général du PPS, Mohamed Nabil Benabdallah. Il ne va pas tout rejeter. Bien au contraire, il va soutenir toutes les initiatives positives porteuses d’espoir, a-t-il souligné lors d’une journée d’études, organisée mercredi à Rabat par le Groupement parlementaire du progrès et du socialisme (GPPS) à la Chambre des représentants sous le thème : «le PLF2020 : les dysfonctionnements économiques et sociaux, quel rôle de la loi de finances dans leur traitement».

Mohamed Nabil Benabdallah: «Le PPS apportera une contribution responsable loin de tout nihilisme»

Au cours de cette journée de réflexion, tenue sous la modération de la présidente du GPPS, Aicha Lablak, et en présence de représentants des groupes parlementaires, des parlementaires du parti, de représentants de plusieurs autres organisations de la société civile et d’experts, le SG du parti est revenu sur le contexte dans lequel l’actuel PLF2020 est élaboré et présenté. Il a  déploré que depuis la formation de l’actuel Exécutif, le chef du gouvernement garde le silence, un mutisme qui accentue davantage la méfiance des investisseurs et l’incertitude des citoyens.

Rien ne filtre sur la politique que son équipe compte suivre pour mettre en application les hautes orientations royales, contenues dans les derniers discours du Souverain, pour mettre fin aux insuffisances, dysfonctionnements et manquements constatés.

Quant aux composantes de l’actuel gouvernement, elles continuent, comme par le passé, de se comporter comme bon leur semble, navigant chacune dans sa direction, sans coordination, harmonie ou solidarité.

Ce sont là les principales raisons qui ont poussé le PPS à quitter l’actuel gouvernement, estimant qu’il est de son devoir d’aller servir le pays et les masses populaires à partir de sa nouvelle position dans l’opposition, où il va s’activer en coordination avec d’autres forces pour le rétablissement de la confiance des citoyens et des opérateurs économiques dans les institutions du pays, sans laquelle il est impossible de réaliser les réformes requises.

Et c’est sur des faits et à travers des mesures concrètes et précises que la confiance se construit et non pas par le silence, a-t-il expliqué, ajoutant que le pays a besoin d’une coalition homogène et soudée pour mettre en exécution de telles mesures et réformes.

L’opinion publique a besoin d’être informée de la politique qui sera suivie dans tous les domaines (fiscalité, social, langues, etc.). Tout le monde est dans la salle d’attente, a-t-il rappelé, faisant savoir que le PPS n’a cessé de réclamer depuis le début de sa participation à ce gouvernement une telle entrée politique pour avoir une meilleure visibilité sur la politique suivie.

Ouvrant les travaux de cette journée,  la modératrice de cette rencontre, Aicha Lablak, a souligné que la signification de la loi de finances ne se limite pas à son aspect technique. Elle revêt aussi un aspect plus global lié à sa capacité ou non de répondre aux attentes des citoyens en matière de justice sociale et spatiale, de démocratie, de satisfaction des besoins sociaux et économiques, de services publics et autres.

C’est à travers une telle loi que le gouvernement se donne les moyens ou non de contribuer au renforcement de l’économie du pays et de produire suffisamment de richesses à répartir équitablement entre les citoyens et les espaces, a-t-elle noté.

C’est à travers les instruments de la loi de finances que le gouvernement met aussi à exécution les engagements qu’il prend dans son programme, a-t-elle dit, faisant savoir que son groupement a demandé, en coordination avec les groupes parlementaires de l’Istiqlal et du PAM, que le sujet de la déclaration gouvernementale soit la question centrale du passage mensuel du chef de gouvernement à la Chambre.

Dans une telle situation, il est difficile d’admettre que l’actuelle équipe gouvernementale a la capacité de rompre avec les anciennes pratiques nuisibles liées à l’économie de rente et aux tendances antisociales, a-t-elle  estimé.

Il est aussi légitime de s’interroger en l’absence de tout engagement politique si le gouvernement est en mesure de tirer les leçons qui s’imposent des dernières assises nationales de la fiscalité pour procéder aux réformes requises en vue de promouvoir une justice fiscale visant à assurer à l’Etat des recettes fiscales sans pour autant toucher au pouvoir d’achat des larges couches sociales et rassurer les petites et moyennes entreprises et les citoyens sur leur avenir.

Un riche débat a sanctionné les travaux de cette journée, qui sera suivie, selon Lablak, par diverses autres rencontres avec les représentants des travailleurs et d’autres organisations de la société civile, en vue d’élaborer des projets d’amendements qui seront portés et défendus par les parlementaires du parti.

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Ouammou: «Sans une déclaration gouvernementale, pas de justice sociale ni territoriale»

A défaut de déclaration gouvernementale, il est difficile d’admettre que le projet de loi de finances 2020 puisse contribuer à la promotion de la justice sociale et territoriale, comme l’a souligné le ministre de l’économie et des finances, a affirmé le Conseiller parlementaire, Me Abdellatif Ouammou.

Traitant du sujet «des fondements du PPS dans le traitement du PLF2020», lors de la journée d’études de mercredi, le Conseiller du parti du Livre a souligné la justesse des analyses du parti, qui l’ont amené à choisir de se positionner dans l’opposition, précisant entre autres que l’actuel PLF2020 ne peut pas contribuer à la promotion de la justice sociale, étant donné que son élaboration a été faite à l’intérieur de l’administration comme l’ont été les présentes lois de finances et qu’elle intervient dans un contexte marquée par l’absence de toute déclaration gouvernementale.

La loi de finances ne peut pas remplacer la déclaration gouvernementale. Elle ne peut pas non plus donner de visibilité sur la politique que le gouvernement compte mettre en œuvre pour atteindre les objectifs assignés à la loi de finances.  Surtout que le projet présenté garde la même structure et la même forme que les précédentes lois de finances, qui sont à l’origine de l’échec du modèle de développement, qui s’est essoufflé de l’avis de tous et qui doit être remplacé par un autre.

C’est ainsi qu’il est attendu, à la lecture de ce projet de loi de finances, que l’endettement de l’Etat va se poursuivre, que le remboursement de la TVA aux entreprises va accuser de nouveaux retards et que l’administration publique ne va pas améliorer sa gouvernance, a-t-il estimé, soulignant la nécessité de procéder à une révision de la structure des lois de finances pour pouvoir élaborer un modèle de développement plus performant, créateur de richesses et garant d’une plus grande justice sociale et spatiale.

En attendant, les membres de la coalition gouvernementale continuent de profiter de la situation pour se renforcer et renforcer leurs organisations respectives, a-t-il fait savoir, soulignant qu’il est du devoir de l’opposition de rappeler au gouvernement les priorités à atteindre pour lutter contre la pauvreté et la marginalisation, réconcilier les citoyens avec la chose publique et rétablir leur confiance dans les institutions du pays.

Le respect de «la chose jugée»…

Malheureusement, a-t-il dit, le PLF 2020 a repris dans son article 9 une ancienne disposition, selon laquelle les biens et les fonds de l’Etat et des collectivités locales ne peuvent pas faire l’objet de saisie.

En adoptant une telle disposition, le gouvernement donne ainsi son feu vert à l’Etat et aux collectivités locales de violer et de bafouer les droits des citoyens, jugés fondés par les tribunaux du pays, a-t-il déploré, appelant l’opposition et toutes les forces sérieuses du pays à dénoncer une telle dérive dans le PLF 2020, qui s’est soldée par une série d’amnisties au profit notamment des fortunes ayant fui le Maroc à un moment ou un autre.

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Abdelouahed Souhail: «revoir les institutions chargées du pilotage des politiques de développement»

Traitant du thème des dysfonctionnements économiques et des disparités sociales, dans lesquels intervient l’élaboration du présent PLF 2020, Abdelaouahed Souhail, membre du Bureau politique, a indiqué qu’il s’agit d’un contexte malsain, marqué par des crises ministérielles répétées, en particulier depuis les dernières élections législatives, au terme desquelles les tensions entre les composantes gouvernementales n’ont pas cessé de s’amplifier.

Quant aux perspectives de croissance, elles connaissent une tendance baissière avec des taux de croissance de l’économie nationale estimés à 3 ou 3,3% dans le PLF2020, contre 4,4% en 2017 et moins de 3% pour 2018 et 2019.

Et pourtant ce ne sont pas les moyens financiers surtout qui ont manqué notamment au Plan Maroc Vert, au Plan Halieutis ou au plan industriel Emergence, qui sont reconduits sans évaluation aucune pour faire le point de la situation et se faire une idée sur ce qui a été fait et ce qui reste à faire.

Selon lui, tous ces plans continuent sans s’interroger sur leur performance. Le secteur primaire connait un taux de croissance de plus en plus faible (3,1% pour 2020). Idem pour le secteur tertiaire  (2 ,7 à 3%), alors que le taux de croissance industriel stagne, en dépit du soutien accordé aux nouveaux créneaux (industries automobile et aéronautique).

Quant aux anciennes industries (cuir, textile, agro-industries), elles sont de plus en plus abandonnées.

Pour redresser la situation, le pays se doit de revoir non seulement son modèle de développement, mais également ses institutions chargées du pilotage de ses politiques de développement, a-t-il dit, appelant à l’application généralisé du principe de la reddition des comptes en cas de dysfonctionnement au niveau des équilibres macroéconomiques et des équilibres sociaux.

Il a également rappelé que ce PLF2020 intervient dans un contexte marqué par le fait que certains départements ministériels sont devenus le monopole de quelques  formations (finances, industrie, agriculture), ajoutant que la gestion d’un pays diffère de celle d’une entreprise et que le secteur public regorge aussi de grandes potentialités en mesure de mieux gérer les affaires du pays.

C’est pourquoi, il ne faut pas être surpris de constater que la perte de confiance se généralise de plus en plus au moment où l’on tente de faire croire aux gens que le PLF2020 a pour objectif de promouvoir la justice sociale et spatiale.

Bien au contraire, le PLF2020  prévoit une amnistie au profit de ceux qui ont fait fuir du pays leurs capitaux comme en 2014, consacrant ainsi le processus d’appauvrissement  de plusieurs catégories sociales (femmes, retraités) sans parler de la qualité des services publics (enseignement et santé) qui laisse à désirer.

Ce sont là les principaux points qui doivent focaliser l’attention de l’opposition appelée à défendre des projets d’amendement pour redresser la situation, a-t-il noté.

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Benmoussa: «La peur et les injustices, des traits saillants»

Prenant la parole, Dr Mohamed Benmoussa, expert et vice-président du «mouvement conscience», a estimé que le PLF2020 traduit en effet l’effort budgétaire  de l’Etat de soutenir les catégories sociales les plus fragiles et sa volonté de poursuivre ses investissements publics.

Au-delà donc de ces objectifs déclarés, l’on peut dire que le PLF2020 reflète les pathologies dont souffre le pays à savoir la peur, l’obésité, la paresse, la prodigalité et l’injustice.

La pathologie de la peur ressort du fait que le pays consacre quelque 77 milliards de dirhams à la sécurité intérieure (31,6 MM DH) et extérieure (45 MM DH), qui occupe la deuxième position derrière le service de la dette (96MM DH). La troisième position revient à l’éducation nationale.

Le pays a également peur de son avenir, suite à la baisse continue de la consommation des ménages et du passage de la classe moyenne à une classe inférieure.

Il y a aussi la peur des investisseurs, des banques, des épargnants et d’autres détenteurs de capitaux qui n’osent pas courir le risque de fructifier leurs fonds.

L’émigration clandestine croissante des jeunes et la fuite des cerveaux constituent aussi une manifestation de cette peur et de cette angoisse que connait le pays à différents niveaux, a-t-il dit.

Quant à l’obésité dont souffre le pays, elle ressort de l’ampleur de la dette publique et de la dépense publique, par lesquelles l’Etat transfère ses responsabilités sur les générations futures, a-t-il dit.

Pour ce qui est de la pathologie de la paresse, elle trouve ses échos dans les nombreuses vacances au sein de l’administration publique et le faible taux d’activité au sein des secteurs économiques qui créent peu de postes d’emploi (industries, agriculture).

L’oisiveté du secteur bancaire est également un autre indicateur. Malgré ses bons résultats, le secteur ne contribue pas au redressement de l’économie du pays. Cette situation est aggravée par le fait que deux ou trois banques seulement dictent leur loi sur le marché sans oublier l’accord implicite entre les banques et l’Etat.

Parlant de la prodigalité de l’Etat, Dr Benmoussa a affirmé que l’Etat gère mal ses ressources financières et ses dépenses  fiscales. C’est pourquoi il ne donne pas de suite aux rapports de la Cour des comptes pour corriger ce qui doit l’être, a-t-il ajouté.

Evoquant l’aspect d’injustice, Dr Benmoussa a fait savoir qu’il est lié au caractère libéral de l’économie. C’est l’émergence de la survivance d’une série de poches d’économie de rente (agréments d’exploitation des carrières de sable, de mines, de bateaux de pêches, de transports, dérogations et autres avantages fiscaux, télécommunications, hydrocarbures).

Cette situation perdure. Elle est tolérée par l’Etat pour permettre à d’aucuns d’accaparer la richesse du pays au détriment des larges couches sociales, aggravant ainsi l’injustice faite aux larges couches populaires, a-t-il expliqué.

Et pour boucher les trous nombreux du budget, l’Etat prévoit quatre amnisties au profit des fonds sortis illégalement du pays, a-t-il dit, soulignant que c’est là la négation d’un Etat de Droit et du principe de la reddition des comptes.

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Chiguer: «Un modèle de développement par défaut»

 Comme l’économie nationale n’a pas réussi à adapter le modèle de développement libéral, mis en place en 1993 au lendemain de l’application du plan d’ajustement structurel dicté par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, elle a développé une forme qui lui est spécifique. Dr Mohamed Chiguer, président du Centre des études et de recherches Aziz Belal, l’appelle modèle de développement ou de croissance par défaut, qui s’alimente des pratiques en place et en particulier de tout ce qui est rentier.

Et c’est ce modèle qui s’est essoufflé de l’avis de tout le monde et que l’élaboration d’un autre doit intervenir sous peu dans une conjoncture nationale et internationale pleine d’incertitudes.

Evoquant certaines dispositions de l’actuel PLF2020, il a estimé que les TPE et les PME ont besoin d’un meilleur traitement et en particulier d’un accompagnement au cours des premières années de leur existence pour s’en sortir.

Quant aux pathologies évoquées par Dr Benmoussa, elles se justifient pour une partie d’entre elle par le fait que les besoins du pays sont énormes en matière de sécurité, d’enseignement, de santé, etc.

Selon lui, ce n’est pas le montant de la dette qui pose problème, mais la manière d’utiliser cette dette qui importe le plus.

Il a par ailleurs estimé que le PLF 2020 s’inscrit dans la continuité des précédentes  lois de finances dont l’élaboration est assurée en premier et dernier ressort par l’administration. Chiguer conclut par l’impératif pour le pays de concilier entre équilibres macroéconomiques et équilibres sociaux et d’œuvrer non seulement pour l’avènement d’une société industrielle mais pour passer à une société de savoir comme c’est le cas ailleurs dans les sociétés développées.

M’Barek Tafsi

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