Immuniser la profession de journaliste pour le bien de la démocratie et de la liberté de la presse
Reporters sans frontières (RSF) s’est trompée de nouveau et a manqué d’objectivité et de réalisme en classant le Maroc à la 135e place dans son rapport annuel pour l’année 2019, c’est-à-dire derrière des pays où il n y a pas de liberté de la presse et où des journalistes sont même assassinés, a affirmé Pr Khalid Naciri, ancien ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, également membre du Bureau politique du Parti du progrès et du socialisme.
Pr Niciri, qui était l’invité mardi du Forum de la MAP, dans le cadre des manifestations organisées à l’occasion du 60ème anniversaire de l’agence, a rappelé que le Maroc, qui poursuit son processus démocratique en toute confiance, n’a besoin de personne pour faire briller son image.
Classer le Maroc derrière des pays – qu’il a omis de citer par respect- et où la liberté de la presse est systématiquement bafouée n’honore en rien une ONG, sensée faire preuve d’objectivité et de professionnalisme pour contribuer à la défense de la liberté de la presse dans le monde, a-t-il dit.
«Le prix de son ouverture et de sa transparence».
Selon Pr Naciri, cette attitude ne le surprend guère. «Lors d’un entretien avec Robert Menard, ancien secrétaire général de RSF, à qui j’avais posé la question de savoir, en tant que ministre de la communication, pourquoi le Maroc est perçu de manière négative, ce dernier m’avait surpris en me disant que le Maroc paie le prix de son ouverture et de sa transparence». Quant aux pays qui gardent leurs frontières hermétiquement fermées, ils ne craignent rien puisque rien ne filtre sur la situation de la liberté de la presse qui y prévaut.
Pour ce qui est du Maroc, il a été toujours un pays ouvert sur son environnement régional et international pour « accéder au savoir et à la science même en Chine », comme le précise un Hadith du prophète Sidna Mohamed, a-t-il dit.
C’est ce qui avait marqué aussi les efforts entrepris et les grandes options prises au lendemain de l’indépendance du pays en 1956, en ce qui concerne la cause de la démocratie dans le pays, dont la construction se poursuit depuis, non pas de manière linéaire mais connait des hauts et bas. Et c’est ce qui se reflète inéluctablement sur la situation de la liberté de la presse et des libertés tout court, a-t-il dit.
Depuis lors, la presse au Maroc avait été dominée par la presse partisane, qui a beaucoup perdu de sa lueur d’antan et plus tard de la presse non partisane, baptisée injustement d’indépendante, car tout journaliste est encadré par un référentiel quelconque à respecter.
«Les fakes news… un effet néfaste sur l’opinion publique»
Mais ce qui importe pour le moment, c’est de renforcer la crédibilité de l’information et le respect de la déontologie de la profession tout en mettant en garde contre les fakes news qui peuvent avoir un effet néfaste sur l’opinion publique.
Après avoir abordé, quoique de manière brève, l’évolution du secteur (Forum national de l’information de 1993 et code de la presse et le Conseil national de la presse en 2016), Khalid Naciri a insisté sur la nécessité pour les journalistes d’immuniser davantage l’espace de la presse contre les intrus, les dérapages et l’utilisation politicienne de la profession pour participer de manière effective à la consolidation du processus démocratique en cours et à la mise en œuvre de la Constitution de 2011.
Pour ce faire, la vigilance doit être toujours de mise chez les journalistes qui doivent œuvrer dans le sens de doter le secteur des garanties et des immunités dont il a besoin pour être au service de la démocratie et de la liberté de la presse, a-t-il noté, sachant que le Maroc «n’a pas encore traversé la rivière et asséché ses pieds» comme dit l’adage marocain.
Autrement dit, il reste beaucoup à faire pour prémunir la profession de tous les dérapages probables en renforçant son cadre juridique dans le but de faire de la presse un outil au service de la démocratie, a-t-il dit, estimant que la démocratie n’a aucun avenir dans le pays sans respect de la déontologie de la presse.
Revenant sur l’importance du sujet de cette rencontre «la presse pouvoir ou contre-pouvoir !», Pr Naciri a rappelé qu’il s’agit d’une question qui est au cœur de la philosophie démocratique et de l’idéal démocratique. Selon lui, la question ne se pose pas ainsi car la presse est un pouvoir et un contre-pouvoir, un 4ème pouvoir qui se situe après les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
D’après lui, le pouvoir non gouvernant de la presse, par opposition aux pouvoirs gouvernants des trois autres, joue désormais dans les sociétés modernes une influence plus grande que celles des autres, qui fait de lui le 1er pouvoir et non pas le 4ème.
C’est ce que laisse entende l’expérience des journalistes militants engagés, dont l’action est menée au service de la cause de la démocratie, a-t-il expliqué, notant toutefois que le journaliste n’est pas un acteur direct, en dépit de son rôle dans le façonnement de l’opinion publique, mission dont le journaliste doit prendre conscient. Ce 5ème pouvoir (opinion publique), enfant légitime de la démocratisation de la vie publique (réseaux sociaux) est à l’origine d’un climat politique nouveau dont personne ne parlait. C’est là peut être le résultat de cette accélération de l’histoire, dont on parlait déjà au cours du 20ème siècle, et qui rend difficile toute prévision, a-t-il affirmé, appelant à davantage de vigilance et de liberté de la presse pour le bien de la démocratie et du pays.
M’barek Tafsi