Abdallah Belghiti Alaoui
Faudrait-il en guise de prélude à ce propos indigné faire usage du fameux mot « J’accuse » lequel en une autre époque et dans un autre contexte avait exprimé la voix de la justice bafouée par un procès intenté à un homme innocent accusé injustement de trahison et de collaboration avec l’ennemi.
Son seul tort fut d’être de confession juive et choisi comme bouc émissaire ce qui avait permis à toutes les forces occultes de se déchainer contre un homme complétement innocent. L’affaire Dreyfus est connue de tous, elle avait fait date et marqué la justice française de la tâche noire de l’iniquité inqualifiable.
Le crime innommable commis à l’encontre d’une fillette de 13 ans dans un douar près de Tifelt par trois adultes l’ayant violée sauvagement et ce plus d’une année et menacée de mort en cas de divulgation de ce crime soldé par une grossesse à un âge d’innocence absolue, a suscité l’émoi, la colère et surtout l’indignation de tous à l’encontre d’un jugement plus qu’allégé presque complice et surtout un jugement qui va même à l’encontre de ce que stipule la loi.
La responsabilité de ce drame n’incombe pas uniquement et seulement aux monstres qui par préméditation se sont organisés afin de commettre un viol affreux avec une récidive qui s’est étalée durant des mois. La victime, enfant de 13 ans, n’a pas seulement subi le martyr le plus terrible qu’un enfant puisse subir, elle a aussi enduré la terrible épreuve du silence menacée de mort et terrorisée par ses violeurs de faire subir le même sort à propre famille une fois serait-elle excédée par la souffrance la menant à se plaindre et faire part à ses proches d’un secret que même un adulte ne saurait garder.
La responsabilité de ce crime odieux certes incombe aux criminels mais elle incombe aussi à l’Etat qui n’a pas permis à cet enfant de bénéficier de son droit constitutionnel à l’éducation et condamnée ainsi à vivre dans un Douar isolé sans école ni transport scolaire.
La même responsabilité incombe au législateur qui n’a pas modifié la législation pénale suivant l’évolution de la société et conformément aux engagements internationaux de l’Etat marocain en matière de protection de l’enfance. Certes nul ne peut nier les acquis accumulés depuis plus de deux décennies en matière de défense des droits de l’enfance, ce qui s’est traduit en partie par la ratification du Maroc de plusieurs traités internationaux soucieux d’assurer le bien-être des enfants du monde, mais la persistance des pratiques du mariage précoce, le travail des enfants en bas âge persiste et les abus sexuels contre la petite enfance sévissent encore.
Ce constat interpelle la société marocaine avec toutes ses composantes et représente un défi qui devrait mobiliser les partis politiques, la société civile et tous les citoyens et citoyennes épris de justice et désireux d’accélérer le processus visant l’institution d’un Etat de droit qui garantit les droits de tous et en premier lieu les droits de l’enfance et de la jeunesse de ce pays à l’éducation, la santé physique et mentale et aux loisirs instructifs.
A cet égard l’élaboration d’un code de l’enfant est susceptible de créer une synergie qui permettra à la fois aux différents acteurs d’apporter leurs propositions afin de définir les droits fondamentaux des enfants, préciser les moyens d’y parvenir et surtout et déterminer sans équivoque le partage des charges entre l’Etat d’un côté et l’ensemble des composantes de la société civile et politique d’un autre.
Le crime odieux ayant porté une blessure sans égale au corps et à l’âme d’une fillette socialement démunie et privée de ses droits fondamentaux accumule des délits sévèrement punis par le code pénal marocain, à savoir l’organisation d’une bande criminelle et association de malfaiteurs, préméditation, récidive et viol répétitif d’un enfant et en présence d’un autre enfant comme témoin oculaire. Ce crime conformément aux dispositions de la loi pénale est-il passible de deux ans de prison et amende de réparation du tort ou bien le jugement prononcé par le juge a fait fi de la loi et pour quelle raison ?
Nul ne doutera de l’iniquité de ce jugement qui représentera dans les annales de la justice marocaine une tâche noire, et sera cité parmi les jugements les plus injustes et le moins conforme à l’esprit de la loi pénale à l’échelle internationale. Au-delà des dispositifs de la loi positive ce jugement est une atteinte aux valeurs de la morale humaine et aux et aux préceptes de toutes les croyances universelles.
De ce qui précède j’accuse en mon âme et conscience le juge de tolérance envers des criminels dépourvus de toute humanité, j’accuse le juge de manquer de la moindre compassion envers un enfant martyrisé et enfin j’accuse le juge de ne pas rendre justice conformément à la loi et d’avoir transgressé le serment de juger avec équité et impartialité.
J’appelle en tant que citoyen le parquet à faire appel afin que l’honneur de la justice marocaine soit sauvegardé, j’appelle les législateurs à modifier la loi pénale pour la rendre plus dissuasive en matière de viol et de maltraitance de l’enfant.
J’appelle à la tenue d’une séance extraordinaire du Parlement de l’Enfant afin que les enfants qui siègent au sein de cette institution puissent manifester leur compassion et leur solidarité envers la victime et sensibiliser tous les enfants marocains aux dangers de l’atteinte à leur intégrité physique et morale.
Je rends en guise de conclusion un vibrant hommage à l’association qui s’est portée au secours de la victime et soutenir sa famille en cette terrible épreuve.
Directeur de la revue philosophique « Alazmina Alhadita ».