Attendons pour voir…
Nabil El Boussadi
Pékin a publié, la semaine dernière, « l’édition 2023 » de la carte officielle de la Chine. Mais si, d’ordinaire, la publication de la carte d’un pays, quelle qu’en soit l’étendue, n’a rien de particulier ni d’extraordinaire dans la mesure où ses frontières sont, généralement, « figées », la spécificité de cette nouvelle « édition » de la carte officielle de l’Empire du milieu réside dans le fait que la Chine semble avoir fait fi du droit international en s’attribuant quelques 100.000 kilomètres carrés supplémentaires car, en de nombreux endroits, le tracé de la nouvelle délimitation du territoire chinois empiète très clairement sur le périmètre de certains pays voisins.
Ce nouveau tracé révèle, ainsi, qu’en mer de Chine méridionale, Pékin a délibérément pris possession de certaines zones maritimes qui appartenaient aux Philippines, à la Malaisie et au Viet Nam, et ne s’est pas privé d’empiéter aussi bien sur l’Etat d’Arunachal Pradesh au nord-est de l’Inde qui, à ses yeux, fait partie du Tibet que sur l’île de Bolchoï Oussouriisk que la Russie et la Chine se partagent depuis 2004.
La Chine a, également, inclus dans son territoire le glacier de l’Aksai Chin, sur les hauteurs de l’Himalaya, qui, du fait de son emplacement non loin de la frontière sino-indienne, est à l’origine de très vives tensions entre les deux pays depuis une dizaine d’années et, bien entendu, l’île de Taïwan que Pékin considère comme étant un territoire qui lui a été arraché, par la force, durant la guerre civile de 1949 et qui, à ce titre, devra, tôt ou tard, lui être restitué.
Mais, en considérant que cette nouvelle délimitation de l’Empire du milieu illustre, une nouvelle fois, la volonté expansionniste de ses dirigeants qui prennent le risque d’accroître les tensions avec leurs voisins et que les « mesures prises par la partie chinoise ne font que compliquer le règlement de la question frontalière », le gouvernement indien a adressé une très « vive protestation » à la République Populaire de Chine avec laquelle il partage une frontière qui s’étale sur 3.500 kilomètres et qui est, très souvent, une source d’accrochages. Le dernier en date, survenu en décembre dernier, s’était soldé par la mort de quatorze soldats des deux côtés ; à savoir, dix indiens et quatre chinois.
La question du tracé de la frontière séparant l’Inde et la Chine sera, sans aucun doute, abordée lors du sommet du G20 de New Delhi des 9 et 10 septembre et auquel, sauf changement in extremis, le président chinois Xi Jinping sera représenté par son Premier ministre.
Interrogé, mardi, par la chaîne NDTV, le chef de la diplomatie indienne, dont le pays avait commencé, la veille, à entreprendre des manœuvres le long de sa frontière avec la Chine, a notamment déclaré, en parlant de ses voisins chinois, que « c’est une vieille habitude chez eux, ça a commencé dans les années 50 » avant d’ajouter : « nous connaissons précisément l’étendue de notre territoire et les frontières que nous devons défendre. Donc, faire ce genre d’affirmations absurdes ne conduira personne à s’approprier le territoire des autres. Que les choses soient claires ! ».
Autant dire que si, au cours, des entretiens qu’ils avaient eu, la semaine dernière, en Afrique du Sud, en marge du sommet des BRICS, le président chinois Xi Jinping et le Premier ministre indien Narendra Modi avaient convenu d’« intensifier les efforts » de désengagement et de désescalade, la publication de cette « édition 2023 » de la carte de Chine est venue tout remettre à plat et raviver les tensions entre les deux géants asiatiques et puissances nucléaires que tout oppose.
Mais pourquoi donc la Chine a-t-elle subitement décidé de redessiner ses frontières avec l’Inde notamment alors qu’elle sait pertinemment qu’une telle initiative ne peut que raviver les tensions – déjà très fortes – entre les deux pays ? Attendons pour voir…