La Berlinale renoue avec les tapis rouges
Retrouvailles avec le grand écran sous les auspices de Fassbinder: la course au prestigieux Ours d’Or est lancée jeudi à la Berlinale avec le premier film en compétition, une relecture passionnée du maître du cinéma allemand, signée François Ozon.
Après un ersatz de festival, uniquement via internet en 2021, la Berlinale renoue avec les tapis rouges, les projections officielles et un jury international, présidé par le grand nom américain du thriller M. Night Shyamalan (« Sixième Sens », « Incassable »), qui débattra « en présentiel ».
Dix-huit films sont en compétition jusqu’à la cérémonie du 16 février et c’est le réalisateur François Ozon qui ouvre le bal, en habitué de cette manifestation où il a reçu le Grand Prix du Jury en 2019 pour « Grâce à Dieu ».
Le stakhanoviste le plus éclectique du cinéma français promet une belle histoire de passion dévorante et un (auto)portrait de cinéaste, à travers une relecture des « Larmes amères de Petra von Kant », oeuvre de l’un de ses modèles, le cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder, décédé il y a quarante ans.
La présence au générique de ce « Peter von Kant » de l’actrice française Isabelle Adjani, apporte une modeste touche de glamour à un début de festival qui risque d’en manquer: les grosses productions américaines et leurs cortèges de stars feront largement défaut dans la capitale allemande où le nombre des contaminations liées au variant Omicron du Covid-19 est au plus haut.
Parmi les autres films en lice pour succéder à l’Ours d’Or 2021, décerné au Roumain Radu Jude, une promotion de dix-huit cinéastes dont sept réalisatrices, avec une présence particulièrement marquée du cinéma français.
La Berlinale retrouve en compétition des personnalités connues, parfois déjà primées, à l’instar du vétéran italien Paolo Taviani, 90 ans, avec « Leonora Addio », son premier film depuis la mort de son frère et acolyte de toujours, Vittorio. Ils avaient ensemble remporté l’Ours d’Or il y a dix ans.
La présentation du premier long-métrage autour des attentats du 13-Novembre à Paris, centré sur un récit de survivant du Bataclan, sera forcément scrutée. « Un año, una noche » est signé de l’Espagnol Isaki Lacuesta, avec l’Argentin Nahuel Perez Biscayart et la Française Noémie Merlant.
La cinéaste Claire Denis sera pour la première fois en compétition, pour un film co-écrit avec l’autrice Christine Angot (« Avec amour et acharnement ») et, d’une manière générale, le cinéma et les acteurs français (Juliette Binoche chez Claire Denis, Charlotte Gainsbourg et Emmanuelle Beart chez Mikhaël Hers…) seront très représentés.
En dehors de la compétition officielle, la Berlinale attend le sulfureux roi du « giallo » italien Dario Argento pour un nouveau film « Occhiali Neri », où il dirige une nouvelle fois sa fille Asia, ou la dernière comédie absurde du Français Quentin Dupieux, « Incroyable mais vrai ».
L’actrice française Isabelle Huppert doit recevoir un Ours d’Or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
Les arrivées des équipes de films et les premiers mots du jury, où siègent également le cinéaste japonais Ryûsuke Hamaguchi, le Brésilien Karim Aïnouz ou le producteur franco-tunisien Saïd Ben Saïd, ne feront pas oublier la situation sanitaire très précaire en Allemagne.
Masques, tests quotidiens et jauges ont été mis en place et les organisateurs ont dû se résoudre à raboter la compétition, qui se tient sur six jours contre une dizaine habituellement. Au total, le nombre de films projetés à Berlin est en recul de 20 à 25%.
Mais il était grand temps pour la Berlinale de revenir à une édition « physique », au risque de se marginaliser.
Car si les festivaliers américains continuent de ronger leur frein, avec une seconde édition « virtuelle » de Sundance qui vient de se clôturer, en Europe, les rendez-vous majeurs de Venise et de Cannes se sont tenus en salles en 2021 et préparent déjà leurs prochaines éditions sur le Lido et la Croisette.