Le nouveau modèle de développement
Par : Abdeslam Seddiki
C’est désormais une vérité admise par tous : pas de développement sans démocratie. Cette dernière constitue un véritable oxygène pour le progrès économique et donne aux citoyens la raison d’exister. Fini le temps où on opposait démocratie et développement. Cela relève de l’époque de la guerre froide où il était de bon ton pour les deux camps adverses de faire la démonstration de leur force: d’un côté on avance les progrès en matière de libertés politiques; d’un autre côté, on fait valoir les acquis sociaux dont jouit la population.
Certes, on trouvera toujours des nostalgique de de cette époque. Ils estiment que la démocratie ne constitue nullement une exigence pour le développement arguant pour cela l’expérience vécue par un certain nombre de pays du sud-est asiatique qui se sont développés avec des régimes politiques autoritaires. Mais aujourd’hui, les temps ont changé et l’histoire ne se reproduit pas à l’identique. Ces mêmes pays ont été acculés à se démocratiser.
D’ailleurs, plusieurs études empiriques ont démontré la corrélation positive entre la démocratisation d’un pays et la croissance économique. Ainsi, un groupe d‘auteurs ont analysé l’évolution de 164 pays entre 1960 et 2010 et montrent que le passage d’un système non démocratique à un système démocratique engendrerait une augmentation du PIB de 20% par habitant sur les trente annéesqui suivent. Très souvent, la démocratisation d’un pays donné a un impact positif sur les autres pays avoisinants.
Bien sûr, ce résultat n’apparait pas d’une façon automatique. Certaines études ont montré également que la démocratie pourrait avoir un faible impact sur la croissance du moins dans une première phase dans la mesure où le processus démocratique provoque une certaine désorganisation des structures. Dans tous les cas, la démocratie s’avère indispensable pour la continuité du développement et la stabilité d’un pays.
«La démocratie est le seul régime politique compatible avec le développement humain dans son sens le plus profond, car, dans une démocratie, le pouvoir politique est accordé et contrôlé par le peuple sur lequel il s’exerce. La dictature la plus modérée imaginable serait incompatible avec le développement humain, car ce dernier suppose que la population en soit pleinement propriétaire. Il ne peut être accordé depuis en haut» (PNUD, 2002, p. 55).
Trois arguments sont exposés pour appuyer cette thèse : en premier lieu, les démocraties sont plus performantes que les régimes autoritaires pour gérer les conflits ; le deuxième argument est relatif au fait que les démocraties sont mieux placées pour éviter les catastrophes et préserver la vie en cas de situation grave. ;le troisième argument fait référence au « rôle constructif » (A. Sen) joué par les démocraties en faveur du développement. En facilitant la diffusion de l’information et l’organisation de débats publics, les démocraties favorisent la vulgarisation du savoir et la transformation des comportements.
Le Maroc a fait son choix en faveur de la démocratie, l’article 1 de la Constitution de 2011 est suffisamment explicite : « Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équilibre est la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes». Le choix démocratique fait désormais partie des constances fédératrices de la Nation à côté del’islam modéré, de l’unité nationale et de la monarchie constitutionnelle. Il s’agit maintenant de rendre ce choix effectif et de lui donner un contenu concret et irréversible.
Il va sans dire que la démocratie n’est pas une situation, mais davantage un processus. On ne passera pas d’une situation de non démocratie à une situation de démocratie à la suite d’une simple consultation électorale. C’est donc un processus évolutif dans le temps et perfectible en permanence. L’essentiel étant de constater cette évolution favorable à l’édification démocratique et ne pas montrer des signes d’hésitation ou de recul, sous l‘effet des pressions exercées par les adversaires de la démocratie.
Par conséquent, pour son plein épanouissement, la démocratie a besoin de démocrates, de vrais démocrates. Car il ne suffit pas d’organiser des élections régulières, fussent-elles entièrement transparentes pour bâtir un système démocratique. La démocratie, pour devenir une réalité, doit avoir un contenu concret en matière de droits économiques et sociaux. Les gens exigent aujourd’hui, de vivre décemment et d’avoir le droit à la parole sur tout ce qui concerne les affaires du pays.
Bref, si la démocratie ne garantit pas nécessairement le meilleur, mais elle préserve du pire. C’est ce qui a fait dire à Winston Churchill : “La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes”. Dans le même ordre d’idées, le philosophe Karl Popper écrivait : « Je n’ignore rien des difficultés et des dangers inhérents à la démocratie, mais je n’en pense pas moins qu’elle est notre seul espoir. Bien des exemples montrent que cet espoir n’est pas vain».