Souleymane Cissé, décédé mercredi à l’âge de 84 ans à Bamako
Le cinéaste malien, Souleymane Cissé, décédé mercredi à l’âge de 84 ans à Bamako, a été jusqu’à sa mort un monument du cinéma africain auréolé de prix, totalisant plus de 50 ans de carrière et ayant fait rayonner le 7e art du continent partout dans le monde.
Il devait présider à partir de samedi prochain le jury long métrage fiction de la 29ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Burkina Faso.
Né à Bamako le 21 avril 1940, Souleymane Cissé qui fait son entrée dans le cinéma en 1970 a réalisé de nombreux films? dont ‘’Baara’’ (Le travail) en 1978 Etalon d’or de Yennenga au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) l’année suivante, suivi de ‘’Finyé’’ (Le vent) en 1982 qui sera aussi distingué en 1983 d’un Etalon d’or du Yennenga, faisant de lui le premier réalisateur à être lauréat de cette récompense deux fois. Ce film sera aussi récompensé d’un Tanit d’or aux journées cinématographiques de Carthage, en Tunisie (1982).
« Baara » relate l’histoire d’un jeune ingénieur, révolté par l’attitude de son PDG, qui décide d’organiser une réunion avec les ouvriers pour faire valoir leurs droits. Son patron le fait aussitôt enlever puis assassiner. « Finyé », quant à lui, est une chronique sur la révolte des étudiants maliens face au pouvoir militaire. Ce dernier film sera aussi sélectionné au festival international de Cannes en France en 1982.
Mais c’est « Yeelen » (La lumière), son film initiatique sur le douloureux chemin que prend l’enfant pour devenir adulte tourné entre 1984 et 1987, qui obtiendra le prix spécial du jury au festival de Cannes, en 1987. Il devient alors premier cinéaste africain à décrocher une telle distinction à Cannes.
Souleymane Cissé tourne « Waati » (Le Temps, 1995), qui retrace l’histoire de Nandi, une enfant noire d’Afrique du Sud au moment de l’Apartheid, qui fuit son pays pour partir en Côte d’Ivoire, au Mali et en Namibie, avant de revenir dans son pays d’origine après la fin du régime. Il réalise ensuite « Min yé » qui aborde le thème de la polygamie. Ce film, dans lequel jouent Sokona Gakou, animatrice à Africable, et Assane Kouyaté, est présenté au Festival de Cannes 2009.
Dans sa riche filmographie, Cissé qui a reçu en 2023 en France la Carosse d’or en « reconnaissance de sa brillante carrière » lors de la 76e édition du festival de Cannes. Le trophée avait fait l’objet d’un vol à Bamako l’année dernière, mais il a été finalement retrouvé quelques jours après une grande campagne menée par les autorités maliennes.
Formé à l’école de cinéma VGIK de Moscou comme Sembene Ousmane Fondateur depuis 1997 de l’Union des créateurs et entrepreneurs du cinéma et de l’audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAO) qu’il a présidé, Souleymane Cissé a pris goût au cinéma à Dakar où il a passé son enfance alors que son père y travaillait dans le cadre des colonies de l’Afrique occidentale française (AOF).
Après des études de philosophie, il ira se former entre 1963 à 1969 de l’école de cinéma VGIK de Moscou, où il obtient son diplôme de réalisateur là où des années auparavant le cinéaste sénégalais Sembene Ousmane était passé.
En 2012, Souleymane Cissé va présenter aux JCC un film hommage à celui que l’on appelait « l’Aîné des anciens » intitulé « O ! Sembene ». Ce documentaire personnel permet à Cissé de faire son deuil après la disparition de Sembène Ousmane le 9 juin 2007. « Lorsque j’ai été informé du décès, je me suis rendu à Dakar et j’ai commencé à filmer sans savoir quoi capter », avait-il dit lors de cette projection à Tunis. Son lien avec Dakar était « très profond » et le cinéaste malien ne manquait pas de l’évoquer à chaque sortie. Porte-flambeau d’un cinéma engagé Souleymane Cissé est considéré comme le porte-flambeau d’un cinéma engagé, a estimé le journaliste critique Baba Diop qui cite la plus grande œuvre du réalisateur malien comme étant « Yeelen » (La lumière).
« +Yeelen+ est sa plus grande œuvre qui a ébloui le public africain et mondial parce qu’il ouvre une nouvelle écriture cinématographique vers la science-fiction alliée à la tradition qui était très chère à Souleymane Cissé », a analysé Baba Diop qui précise que tout le monde a été unanime sur ce film.
Selon lui, le réalisateur malien disparu ce mercredi a eu, à travers ses films, « un engagement social pour la classe ouvrière, les minorités et se battait contre l’injustice ». « C’était un réalisateur qui avait une connaissance aigue de sa société et de ses cultures qu’il a toujours revendiquées », a dit le critique rendant hommage à Souleymane Cissé.
Pour l’enseignant Maguèye Kassé, par ailleurs critique de cinéma, « l’Afrique a perdu un cinéaste dont l’esthétique est particulière ». « Dans ses films décomplexés, il a mérite de mettre le doigt sur un certain nombre de travers de la société. Il fait partie de ceux qui avaient à cœur de participer à la transformation sociale », a déclaré le professeur Kassé analysant chacun des films de Souleymane Cissé. Il ajoute que Cissé faisait partie des « cinéastes prometteurs » qui se sont engagé sans partie pris idéologique après la génération de Sembene Ousmane. Souleymane Cissé a été élevé par le président de la République Amadou Toumani Touré, au rang de Commandeur de l’Ordre national du Mali, le 1er janvier 2006. Il est également élevé au grade de Commandeur des Arts et Lettres de la République Française.
En 2022, sa fille Fatou Cissé lui consacre un documentaire portrait « Hommage d’une fille à son père : Souleymane Cissé » dont la première mondiale a lieu au festival de Cannes la même année.