L’Afrique

Par : Abdeslam Seddiki

En paraphrasant Alain Peyrefitte qui écrivait son essai devenu un best-seller, il y a près d’un demi-siècle (1973) «Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera» on peut dire la même chose à propos de l’Afrique : «quand l’Afrique s’éveillera, le monde tremblera».

Tout indique, en effet, qu’après l’éveil effectif de la Chine devenue deuxième puissance mondiale et va tout droit pour occuper le fauteuil de leader dans les deux prochaines décennies, c’est le tour de l’Afrique, longtemps oubliée, de faire parler d’elle dans la deuxième moitié de ce siècle. C’est du moins la conclusion qui se dégage d’un récent rapport que vient de publier l’IRES, intitulé «Pour un développement autonome de l’Afrique». (Rapport stratégique 2018)

Comme l’écrivait pertinemment le DG de ce think-tank : «l’autonomie ne signifie pas être indépendant. Elle incarne la capacité pour l’Afrique à décider pour elle-même et à faire entendre sa voix dans le concert des nations». Et de préciser : «L’Afrique est en marche et elle a besoin, pour devenir autonome, d’une nouvelle vision du monde qui soit panafricaine, en faveur d’un projet africain  planétaire et civilisationnel…  l’Afrique doit sauter les étapes, en termes de développement pour emprunter un autre chemin vers la croissance». En empruntant  une méthodologie historique et prospective, le rapport a analysé l’Afrique en trois moments : hier, aujourd’hui et demain.

 Hier en remontant plusieurs siècles en arrière pour démontrer que ce continent était loin d’être un no-mans land : il fut à la fois  le berceau de l’humanité, le berceau des civilisations et le berceau de mondialité. Ce qui fait que tous les vivants de cette planète ont quelque part une origine africaine! Aujourd’hui, et c’est un lieu commun de le dire, le Continent  se débat dans une série de problèmes et traverse des moments difficiles dont il commence à peine à se relever : guerres civiles, sécheresses répétitives dues aux changements climatiques,  pauvreté endémique, migrations humaines en masse,  une situation sanitaire dégradée…pour ne citer que ces exemples.  Le continent se prépare, tant bien que mal, à la transition  en trouvant des solutions idoines à trois «grands nœuds du futur» pour reprendre les termes dudit rapport: la poussée urbaine (accueillir 1 milliard de citadins d’ici 20 ans sachant que la population globale du continent fera plus que doubler entre 2015 et 2050); la transformation rurale (pour alimenter convenablement la population et combattre la sous-alimentation qui touche actuellement près de 20% des habitants); le double enjeu de la sécurité et de la gouvernance (conditions sine qua non pour le développement).

Pour gagner cette bataille, l’Afrique n’est pas désarmée. Elle a des atouts : richesses naturelles considérables, une jeunesse laborieuse, une culture de solidarité et de tolérance,  une diaspora attachée à ses origines, une volonté réelle d’épouser les valeurs universelles de démocratie et des droits humains… Ce n’est pas un hasard que l’Afrique est convoitée de toutes parts et les grandes puissances se bousculent au portillon car c’est là où les opportunités d’investissement s’annoncent extrêmement fructueuses. Mais l’Afrique, pour avoir vécu la colonisation dans sa chaire, restera attachée à son indépendance. Le rapport décèle trois orientations stratégiques pour acquérir cette autonomie: la prise en compte de son capital humain dans son entièreté (migrants, femmes et jeunes); le développement de l’ubuntu qui génère de nouveaux modèles de progrès humain à travers l’éducation, l’innovation ou la mobilité (l’ubuntu est une doctrine africaine qui prône l’amour de son prochain); la réconciliation de l’africain avec lui-même  pour maximiser ses ressources culturelles et naturelles.

Et le Maroc dans tout cela ? Il faut rappeler que notre pays prend toute sa part dans cette dynamique. Il apporte sa contribution à quatre niveaux : celui la gouvernance du continent à travers le maintien de la paix, le renforcement de l’unité africaine et une gestion intelligente et solidaire de la question migratoire; le développement humain en renforçant les compétences africaines et en accueillant des milliers d’étudiants dans ses universités; la transition économique dont le projet du gazoduc atlantique Maroc-Nigéria et la Casa Finance City en tant que hub financier vers l’Afrique sont des exemples patents; l’éco­-transition à travers le passage à un modèle économique plus soutenable, inclusif et respectueux de l’environnement. Le Maroc, parce qu’il est authentiquement africain, croit en l’Afrique, plaide toujours en sa faveur et tend sa main à tous les Africains. SM le Roi n’a eu de cesse de le dire et de le faire savoir à tous Ses interlocuteurs à l’occasion de Ses multiples déplacements africains qui l’ont conduit,depuis son accession au trône,  dans 27 pays. Derrière cette coopération tout azimut, il y a une vision clairement déclinée :

«Ma vision de la coopération Sud-Sud est claire et constante: Mon pays partage ce qu’il a, sans ostentation. Dans le cadre d’une collaboration éclairée, le Maroc, acteur économique de premier plan en Afrique, deviendra un moteur de l’expansion commune…

Certains avancent que, par cet engagement, le Maroc viserait à acquérir le leadership en Afrique. Je leur réponds que c’est à l’Afrique que le Royaume cherche à donner le leadership…

Mon pays opte pour le partage et le transfert de son savoir-faire; il propose de bâtir concrètement un avenir solidaire et sûr…» (Extrait du Discours Royal prononcé devant le 28ème Sommet de l’Union africaine, le 31 octobre 2017).

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