Ayant présidé aux destinées de l’Equateur durant dix ans (2007/2017), Rafael Correa qui avait quitté son pays au moment même où il avait quitté le palais présidentiel pour aller s’installer en Belgique et à l’encontre duquel les procureurs avaient requis la peine maximale en l’accusant d’être à la tête d’une «structure criminelle», a été condamné, ce mardi 7 Avril, en première instance, par la Cour nationale de justice équatorienne et par contumace, à huit années d’emprisonnement. Il lui a été, également, interdit d’exercer toute activité politique pendant vingt-cinq ans.
Son vice-président Jorge Glas – déjà emprisonné pour une affaire de corruption entrant dans le cadre du fameux scandale Odebrecht – et 17 autres prévenus, tous accusés, au même titre que l’ancien chef de l’état, d’avoir perçu des pots-de-vin d’un montant global de 7,5 millions de dollars en contrepartie de l’octroi de contrats publics, ont écopé de la même peine. L’argent provenant de ces malversations aurait servi, en grande partie, au financement, de 2012 à 2016, des campagnes électorales du parti au pouvoir.
Mais si, pour le Tribunal, «l’instruction a prouvé l’existence d’une structure de corruption supervisée par Rafael Correa, ce dernier nie en bloc toutes ces accusations et les impute à son successeur Lenin Moreno dont il est devenu le principal opposant.
Se disant donc victime de persécution politique et accusant les magistrats d’être aux ordres du pouvoir, l’ancien président a, dès l’annonce de la sentence retenue contre lui dans le cadre du dossier baptisé «Pots-de-vin 2012-2016», écrit sur son compte «Tweeter»: «Je connais le processus et ce que disent les juges, c’est du mensonge. Ils n’ont absolument rien prouvé. Témoignage complètement faux et sans preuves… Ils cherchaient à utiliser la justice pour obtenir ce qu’ils n’ont jamais eu par les urnes. Je vais bien. Je m’inquiète seulement pour mes collègues… Nous gagnerons sûrement au niveau international car tout cela n’est qu’une mascarade».
Les avocats de Rafael Correa qui, durant sa présidence, avait mené une politique «marquée à gauche», ont immédiatement annoncé qu’ils allaient interjeter appel et plusieurs personnalités de gauche en Amérique latine lui ont apporté leur soutien. L’une d’entre elles, à savoir, l’ancien candidat à la présidence de Colombie, Gustavo Petro, ira même jusqu’à déclarer que «la sentence prononcée contre Rafael Correa exprime la décision de l’oligarchie équatorienne d’empêcher le retour du progressisme au pouvoir».
Si donc la condamnation de l’ancien président équatorien est confirmée en appel ou même en cassation avant les élections présidentielles de 2021, ce dernier ne pourra pas déposer sa candidature. Dans le cas contraire, il ne pourra pas, non plus, briguer un troisième mandat présidentiel puisque la Constitution le lui interdit mais rien ne l’empêchera, toutefois, d’être candidat à la vice-présidence ou à l’Assemblée.
Enfin, même si, sur les réseaux sociaux, les anti-corréistes, tant de droite que de gauche, se félicitent de la décision prise par la Cour nationale de Justice équatorienne et que Martha Roldos, la directrice du site internet «Mil Hojas» qui avait publié le reportage «Riz Vert» sur la base duquel le parquet avait ouvert son enquête estime que Rafael Correa aura été «le plus corrompu et le plus corrupteur de tous les présidents», rien ne permet d’affirmer que le jugement prononcé à l’encontre de l’ancien président équatorien n’émanerait pas d’une justice «paralysée» en ce moment où, du fait de la pandémie du Covid-19 qui s’est abattue sur la planète, l’Equateur est le pays qui, pour l’heure, a enregistré le plus grand nombre de morts par habitants de l’ensemble du continent. Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi