Le désenchantement

Mohamed Khoukhchani*

Face à l’image de notre pays qui ne cesse de se détériorer, à cause principalement du mauvais fonctionnement de l’intermédiation, à cause du relâchement des courroies de transmission, tout responsable soucieux de voir le Maroc occuper une bonne place parmi les États démocratiques ne doit rester indifférent.

Tout le monde sait bien que la force de toute démocratie qui se respecte, tout comme sa faiblesse ou sa fragilité, réside dans l’état de santé de ses organisations politiques et syndicales. Ce même état de santé dépend également de l’efficience ou non des acteurs les plus dynamiques de la société civile qui y opèrent conjointement avec les forces politiques et syndicales du pays.

Le Maroc, me diriez-vous, certes est loin d’être un cas isolé. C’est tout-à-fait juste, mais pourquoi jusqu’à peu de temps, d’aucuns, et pas des moins influents de la gente politique, considéraient que par rapport aux autres États de la région du Moyen-Orient/Maghreb, notre pays fait l’exception.

Tant que le Maroc, toutes institutions confondues, refuse encore de faire partie des États capables de garantir l’égalité des chances à tous les citoyens sans exception, le changement tant escompté par le pouvoir et le peuple demeure encore trop loin.

Sans que les décideurs n’aient la volonté de faire jouir leurs compatriotes des mêmes droits sans prêter attention à leur statut social, à leur origine ethnique, à leur conviction politique, à leur choix cultuel ou culturel, la société marocaine continuera de fabriquer en séries des chômeurs, des pauvres, des marginaux, des laisser-pour-compte, des personnes en situation difficile qui le jour où ils perdront complètement espoir, des idées noires leur traverseront l’esprit, des idées pires que celle d’emprunter des embarcations de fortune dans l’espoir de débarquer en Europe où de nouvelles épreuves plus ardues les attendent si la chance leur sourit et qu’ils réussissent la grande et pénible épreuve de la traversée de la mer méditerranée.

La démocratie représentative à la marocaine expérimentée depuis les années 70 du siècle dernier est à bout de souffle. Car les partis politiques qui ont mis la main à cette pâte bizarroïde ont tous déçu l’espoir porté sur eux par les électeurs. Il faut avouer qu’au Maroc, malgré les diverses tentatives pour asseoir en bonne et due forme des institutions nationales démocratiquement élues et jouissant d’une vraie liberté politique, le train démocratique multiplie les déraillements lors de chaque échéance électorale.

Il est à craindre, par conséquent, qu’avec la multiplication des protestations populaires accentuées par le développement des réseaux sociaux dénonçant tout responsable qui porte préjudice à la bonne gouvernance, que les partis politiques, version classique, finissent par disparaître. Car depuis déjà quelques années, ce sont les réseaux sociaux qui prennent la relève des organisations politiques et syndicales pour encadrer voire mobiliser les citoyens au point de soit les convaincre à boycotter certains produits de consommation, soit les pousser aux soulèvements contre les pouvoirs publics. Les partis politiques et les syndicats qui perdent progressivement leur impact sur leurs partisans ou adeptes risquent un jour de s’éclipser définitivement s’ils ne se remettent pas en question en mettant en place un nouveau système de démocratie interne dotant ainsi leurs instances dirigeantes de nouvelles méthodes d’encadrement au profit à la fois de leurs adhérents et des citoyens ciblés pour renforcer leurs rangs.

D’autant plus qu’avec tout ce qui se dit sur le compte de l’ensemble des leaders politiques et qu’avec tout ce qui s’écrit sur toutes les composantes de l’élite politique du pays dont certains préfèrent se servir au lieu de servir alors que d’autres sont mouillés jusqu’au cou dans des affaires de mœurs, il est regrettable de constater que la politique n’a plus de sens voire plus d’avenir dans notre pays et que les hommes politiques perdent de plus en plus leur crédibilité.

Maintenant que la démocratie représentative, version marocaine, est en panne, n’est-il pas urgent de l’améliorer en tentant la carte de la démocratie dite participative pour ne laisser personne en dehors du jeu politique?

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