Nacer Jabour, chercheur à l’Institut National de Géophysique, Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique
Propos recueillis par Karim Ben Amar
Suite au séisme meurtrier survenu en Turquie et en Syrie qui a fait près de 22.000 victimes. Depuis le lundi 6 février, date de la catastrophe, une vague de solidarité se fait ressentir dans les quatre coins du globe. À l’instar du monde entier, au Maroc, la crainte est bel et bien présente. Les marocains, depuis ce tremblement ravageur, sont de plus en plus préoccupés par la menace d’un séisme ou d’un tsunami dans notre pays. Les citoyens se posent bien des questions sur les risques de tremblement de terre au Maroc. Pour répondre à ces interrogations, la rédaction Al Bayane s’est entretenue avec le chercheur et chef de division à l’Institut national de géophysique, Nacer Jabour. Il se livre sans détour. Interview.
Al Bayane : Comment peut-on prévoir le déclenchement d’un séisme ?
Nacer Jabour : Les expériences menées par plusieurs centres de recherche sismologiques sur la thématique de la prédiction des tremblements de terre n’ont pas encore de résultats positifs. Ces expériences ont permis de comprendre davantage sur les changements du champ géophysique autour des sources ou foyers des séismes sans pouvoir déterminer à l’avance le temps et le lieu de déclenchement. Les approches probabilistes donnent une évaluation de l’aléa avec une incertitude liée aux méthodes utilisées dans le calcul qui est utile pour dimensionner les constructions mais pas dans la prédiction comme définie par les sismologues.
Le Maroc est-il une zone à risque ? Si oui, quelle région est la plus exposée ?
Oui, le Maroc est situé sur une zone sismique même si elle est caractérisée par un niveau de sismicité modéré. En dehors des zones désertiques situées au sud de l’Anti-Atlas, qui sont relativement stables, le reste du Maroc comporte un certain pourcentage d’aléas sismiques. Les zones d’Agadir et d’Al Hoceima sont plus signalées par les réseaux de surveillance sismique, en particulier Al Hoceima et la zone off-shore de Driouch.
Le tremblement survenu en Turquie et en Syrie a choqué le monde entier. Un séisme d’une telle ampleur est-il envisageable au Maroc ?
Les catalogues de la sismicité historique et instrumentale ne mentionnent pas des évènements sismiques d’une telle magnitude sur la terre sèche. Par contre, en milieu océanique, des tremblements de terre de cette taille sont reportés. Le séisme de 1755 en Atlantique a marqué les annales de la sismologie moderne. Ce choc sismique de forte magnitude a provoqué un tsunami dévastateur sur les côtes du Portugal de l’Espagne et du Maroc.
Existe-t-il au Maroc, un système d’alerte ? Quel est son processus ?
Les systèmes d’alerte sismiques sont configurés pour donner les informations sur les tremblements de terre après leur occurrence. L’alerte sismique comporte le lieu exact du foyer sismique avec les coordonnées géographiques, la magnitude ainsi que le temps origine de la rupture. Par contre, le tsunami peut être prédit par une alerte précoce puisqu’il est généré suite au mouvement du fond marin et les vagues déclenchées par ce mouvement arrivent avec un retard par rapport aux ondes sismiques qui sont relativement plus rapides. Donc sur ce cas, nous disposons d’un temps de réaction nous permettant de préparer des plans d’urgence.
Comment peut-on amortir les effets et les dégâts d’un tremblement ?
Les enquêtes macrosismiques qui sont faites après les grands tremblements de terre montrent que la vulnérabilité des constructions est la cause des effondrements et par conséquent le nombre élevé des victimes, morts et blessés. L’amélioration de la qualité des constructions est toujours recommandée pour atténuer les effets dévastateurs des séismes. D’ailleurs les codes de construction parasismiques sont toujours révisées après les investigations des comportements des structures bâties, immeubles à usage habitation, écoles, hôpitaux et autres ouvrages d’art.
Un travail de sensibilisation aux risques naturels est très important pour permettre aux citoyens d’acquérir des connaissances qui leur permettront de se préparer à faire face à tous les risques naturels qui risquent de les impacter dans leurs régions respectives.
Le Maroc dispose actuellement d’un règlement de construction parasismique, il répond aux attentes de tous les citoyens. Il faut juste insister sur son application, sur une large catégorie de constructions pour atteindre un bon niveau de protection.