Par: Abdeslam Seddiki
Il faut souligner de prime abord que la décision prise par le CC, à une large majorité, de sortir du gouvernement a été une décision sage ne serait-ce que par le fait qu’elle nous permet de nous pencher sur l’état de santé de notre parti qui commence à montrer des signes apparents de fatigue, perd de sa vigueur et de sa combativité et s’éloigne quelque peu des masses populaires qu’il est censé représenter.
Il faut rappeler que le parti ne découvre pas l’opposition, il y a passé plus d’un demi-siècle contre 21 ans au gouvernement. Ce qui lui donne suffisamment de ressorts pour passer d’une phase à une autre. D’ailleurs, il a réussi parfaitement son premier test lors du processus d’examen du PLF 2020. Sans tomber dans la surenchère stérile ou verser dans le populisme primaire, le groupement parlementaire du PPS a fait preuve à la fois de pondération et de fermeté en fonction des thèmes débattus. A chaque fois qu’une mesure va pas dans le sens de l’intérêt national et répond aux besoins des couches populaires, il n’a eu de gêne de la soutenir. Et vice versa.
Il nous appartient aujourd’hui d’affermir davantage ce choix démocratique et d’assurer le passage vers l’opposition. Dans ce sens, un effort particulier doit être fait au niveau de la formation notamment des jeunes adhérents et des élus qui sont en contact permanent avec la population et les représentants des autres forces nationales. Un retour aux fondamentaux s’impose plus que jamais. Ce qui ne signifie, en aucune manière, d’opter pour un «repli idéologique» pour se sentir à l’aise dans un certain conformisme intellectuel. Au contraire, face à la désaffection du politique et de l’éloignement des jeunes des partis politiques, nous sommes appelés à améliorer notre offre politique pour la rendre plus attractive et captivante.
C’est ainsi que notre référentiel idéologique, qui demeure valable dans son ensemble, mérite un examen critique comme nous l’avions toujours fait lors de nos congrès précédents. Il est vrai que l’application des principes du socialisme, tel que nous le concevons et pour lequel nous plaidons, est tributaire de l’état des rapports de forces. Mais en même temps, nous ne saurions accepter le fait que dans notre pays domine un certain capitalisme que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de connivence, un capitalisme dominé par l’économie de rente au mépris des règles de la concurrence. C’est pour cela que le parti doit tout déployer, en coordination avec les autres forces du progrès et en s’appuyant sur le mouvement social, pour l’avènement d’une alternative démocratique et progressiste.
Le parti se doit d’être présent plus que jamais dans le mouvement social et participer, sans se voiler la face, à son combat pour donner plus de sens aux revendications populaires dès lors qu’il les juge légitimes et réalistes. Si le parti ne le fait pas, avec constance, détermination et esprit de suite pour en faire son cheval de bataille, ce sont d’autres milieux, appartenant le plus souvent aux extrémistes de gauche et de droite, qui le feraient. Avec les conséquences que l’on sait. Pour ce faire, les organisations du part, à tous les niveaux doivent travailler à plein régime et sans relâche.
Le Bureau Politique ferait mieux de déplacer, autant que faire se peut, ses réunions hebdomadaires vers les différentes villes. Par ailleurs, Il faut trouver le moyen de faire participer davantage les membres du CC pour qu’ils ne se sentent pas, à tort d’ailleurs, appartenir à une structure qui s’apparente à une «chambre d’enregistrement». Enfin, nous avons besoin de toutes les militantes et de tous les militants, un effort de réconciliation doit être entrepris sans exclusive aucune et sans porter de jugements hâtifs sur tel ou tel militant.
Un parti, comme le nôtre, n’est pas fait pour travailler en vase clos. Il doit être ouvert non seulement à l’ensemble des militants mais aussi à tous les sympathisants et à toute personne souhaitant apporter sa contribution sans pour autant qu’elle partage l’ensemble de nos positions et adhère à notre référentiel idéologique. L’expérience a montré que c’est dans le combat social sur le terrain qu’on découvre les meilleurs éléments sur lesquels il faudra compter à l’avenir.
La question des alliances est stratégique. Elle doit être clarifiée pour ne pas se tromper d’ennemi. Si notre alliance avec les forces se réclamant d’une sensibilité de gauche et celles qui ont une identité nationale bien affichée – ce qui correspond à l’ancienne Koutla démocratique- ne pose aucun problème et n’en a jamais posé par le passé, on ne doit pas faire l’économie d’une réflexion sur les contradictions qui traversent la société marocaine. Une réflexion de fond s’impose sur les relations entre le grand capital et l’islam politique. Malgré leurs divergences apparentes sur certaines questions, force est de constater plutôt une convergence d’intérêts et une alliance objective entre ces deux composantes. Pour faire court, disons que tous les marginalisés, les chômeurs et les laissés pour compte produits par le système constituent une «armée industrielle de réserve» pour le grand capital et une «armée de réserve électorale» pour l’islam politique. C’est le danger qui guette la société marocaine et l’une des causes de son blocage.