Le risque de l’asphodèle

Quand la crise perdure, que les difficultés s’amoncellent et que l’ambition du projet politique se dégrade, la nécessité d’un gouvernement fortement représentatif des aspirations de la population devient une urgence.

La guerre perdure en Europe ; et même de loin, elle a des conséquences sur le quotidien des marocain(e)s. L’inflation continue à se manifester et l’incertitude grandit à tous les niveaux. La société devient frileuse et prête l’oreille à tout ce qui se dit en y cherchant une information qui pourrait être utile.

Il est certain que des changements s’opèrent. Les changements climatiques impriment la réalité à travers la planète. L’ordre mondial est perturbé, la mondialisation est à rude épreuve et la souveraineté retrouve sa gravité dans la question essentielle de l’autonomie des Etats dans leurs besoins alimentaires et sécuritaires.

Et comme l’exprime si bien l’adage populaire : « quand deux taureaux se disputent dans un champ, gare à l’asphodèle qui le couvre ». Il en va ainsi des états dans cette souffrance imposée ; comme il en va ainsi des démunis, des défavorisés, des exclus et des sous-développés, individuellement et collectivement.

Dans notre beau pays,la population découvre l’origine lointaine de certains produits qu’elle croyait parvenir de la ferme avoisinante, du port ou de l’usine proches. C’est la conséquence de l’offre du marché et des choix qu’il impose. Faire son omelette avec des œufs importées, la manger avec du pain dont la farine vient d’ailleurs et exporter en exploitant sa ressource en eau pour remplir les poches des citadins agriculteurs !

Dans son aliénation à la consommation, età défaut d’avoir lue le rapport sur « les stocks de sécurité au Maroc » de la Cour des Comptes (Décembre 2016), la population ne savait pas ce que pouvait signifier un stock de sécurité, les conditions d’approvisionnement et les capacités de stockage. Elle se fiait à ses gouvernants pour s’occuper de cette logistique. Et croyait bien faire.

L’envolée des prix des hydrocarbures et ses répercussions, le triste sort que connaît la Samir, les bénéfices accumulés par certains opérateurs économiques et le « jemenfoutisme » à cet égard du gouvernement ont ébranlé sa conscience.

La faiblesse du gouvernement à apporter des solutions aux affres que connait la population a exacerbé son ressentiment. Elle s’interroge sur l’éventuelle mise en berne du « nouveau modèle de développement » qui a renouvelé l’ambition politique dans les domaines, entre autres, de la santé, de l’éducation et de la politique sociale en général.

De plus en plus, la défiance politique l’emporte sur la mobilisation. L’action publique est devenue beaucoup plus une action de mise en scène qu’une action visant le bienêtre de la population à travers la consolidation du processus démocratique dans tous ses aspects économiques sociaux, culturels et politiques.

Le risque de l’asphodèle, celui de briser des jeunes pousses, fières mais fragiles, dans ce combat inégal pour une vie digne et juste devient patent.

La fuite des compétences le montre alors que les cerveaux restent attachés à la mère patrie, à son intégrité territoriale, à son émergence économique et à sa transformation sociale et culturelle.

La procrastination des réformes conduisant à l’investissement dans le capital humain et à l’affranchissement des forces vives de la nation donne l’occasion aux forces obscurantistes et nihilistes de s’incruster dans notre société, entravant son progrès et son émancipation.

Notre société serait-elle réfractaire à la réforme, comme l’avancent certains pour préserver leur physiologie de sangsue. Ou,comme d’autres se le demandentplus subtilement, pourquoi la réforme n’arrive pas à prendre dans notre société alors que l’ensemble des acteurs socioéconomiques, politiques, culturels et cultuels ne cessent de la préconiser ? 

Le changement suscite certainement des oppositions suite à son incompréhension et au refus de ses conséquences, par des préjugés et par esprit de conservation en relation avec un intérêt établi. Ces obstacles à la réforme se manifestent de mille et une façons et utilisent mille et un subterfuges pour empêcher le progrès.

Mais nécessité oblige,pour éviter le risque de l’asphodèle !

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