Trois questions à Houda Hjiej, pédopsychiatre
Propos recueillis Par Karima Hajji Rabat, 09/01/2023 (MAP)
Les récents indicateurs relatifs à la prévalence du divorce au Maroc tirent la sonnette d’alarme quant à l’ampleur de ce phénomène, ce qui réaffirme la nécessité de mener des études sociologiques et psychologiques approfondies afin d’examiner les raisons pour lesquelles les couples y ont de plus en plus recours, et de proposer des recommandations et des solutions efficaces à ce phénomène sociétal.
Dans le cadre du débat sociétal sur la hausse des cas de divorce, avec un total de 26.957 cas pour l’année 2021, une attention particulière est donnée au côté matériel de la chose incluant le statut des « enfants du divorce » dont la garde et la pension, au détriment du bien-être psychique de ces enfants qui se trouvent au cœur des perturbations du divorce impliquant un changement radical de leur vie après la séparation des parents.
Dans cet entretien accordé à la MAP, la pédopsychiatre Houda Hjiej répond à trois questions en vue d’éclairer le lecteur sur les caractéristiques psychologiques prédominantes qui apparaissent chez les enfants après le divorce des parents et les cas nécessitant l’accompagnement d’un spécialiste, et propose en outre un ensemble de conseils destinés à protéger l’enfant des conséquences psychologiques de cette situation stressante.
1- Quelles sont les caractéristiques psychologiques saillantes qui apparaissent chez les enfants après le divorce des parents ?
En réalité, le divorce ne provoque pas toujours des troubles psychologiques chez les enfants, mais la plupart d’entre eux ressentent un ensemble de peurs, notamment celle de perdre les deux parents ou l’un d’eux.
Les enfants des couples divorcés ressentent des peurs par rapport à tout ce qui touche leur vie quotidienne et se posent de nombreuses questions à cet égard comme : « Vais-je continuer à fréquenter la même école ? », « Aurai-je la même qualité de vie qu’avant la séparation de mes parents ? »
Les troubles psychologiques dont souffrent certains enfants après le divorce résultent principalement de l’environnement négatif qui règne avant, pendant et après la séparation des parents, c’est-à-dire à l’heure où les conflits et les problèmes familiaux surviennent.
Par ailleurs, si l’étape du divorce se passe sans conflit entre les parents et que l’enfant est assuré qu’il continuera à voir ses parents de façon régulière, alors le divorce n’entraîne aucun trouble psychologique.
2- En cas de divorce, les parents peuvent-ils assurer eux-mêmes l’accompagnement psychologique des enfants, ou bien faut-il faire appel à un spécialiste ?
Le père et la mère doivent être orientés au début pour aider leurs enfants à faire face aux répercussions du divorce, en créant un environnement rassurant propice à une acceptation des évolutions de la chose. Dans le cas d’un enfant souffrant de troubles nécessitant un traitement, il est nécessaire de solliciter l’intervention d’un spécialiste pour garantir un accompagnement psychologique.
3- En cas de divorce ou de séparation, comment peut-on protéger l’enfant d’éventuelles séquelles psychologiques ?
Avant d’atteindre le stade du divorce, il ne faut pas afficher les hostilités et laisser éclater les différends en présence de l’enfant, mais plutôt essayer de déculpabiliser ce dernier et de le rassurer au cours de cette période de grande incertitude.
Les enfants doivent également comprendre que la séparation se produit entre deux adultes à savoir le père et la mère et non entre les parents et l’enfant. Il est également primordial de maintenir un dialogue continu pour rassurer et réconforter l’enfant afin que l’étape du divorce puisse passer en toute sécurité.
Après le divorce, il est essentiel que la partie n’ayant pas la garde des enfants respecte les dates de visite et que les deux parents tiennent leurs promesses, n’imposent pas trop de changements dans leur mode de vie et leur donnent suffisamment de temps pour accepter chaque changement qui se produit, aussi petit soit-il.
Il est aussi conseillé aux parents séparés de ne pas projeter leurs problèmes sur leurs enfants et de ne pas les utiliser comme un moyen de discréditer ou de se venger de l’ex-conjoint.
De même, les parents devraient veiller à protéger les enfants et ne pas exercer de pression psychologique sur eux.