Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Ce sont des dizaines de milliers d’argentins qui, samedi dernier, s’étaient retrouvés, dans la soirée, à la Plaza de Mayo au centre de la capitale, Buenos Aires, et au pied de la Casa Rosada, le palais présidentiel, dans ce lieu mythique qui a toujours accueilli les joies et des colères de la population alors que la veille, une foule encore, plus nombreuse, composée principalement de secteurs proches du gouvernement péroniste, était venue y célébrer, en musique et en présence du Président argentin Alberto Fernandez et des deux anciens présidents du Brésil et de l’Uruguay, Lula Inacio da Silva (probable candidat aux présidentielles brésiliennes de 2022) et José Pépé Mujica, le 38ème anniversaire du retour de la démocratie en Argentine après ces sept années de dictature (1976-1983) au cours desquelles 30.000 personnes furent portées disparues, 15.000 fusillées, 9.000 emprisonnées, 500 bébés enlevés à leurs parents et plus de 1,5 million contraintes à l’exil. Autant dire, pour tourner une page bien sombre de l’Histoire de l’Argentine…
Dans son allocution de la veille, le président argentin avait tenu à préciser que l’Argentine des ajustements [structurels] appartient à l’Histoire et qu’aucun remboursement ne se fera au détriment de la santé des argentins, de leur éducation, leurs salaires et leurs retraites mais s’est engagé, néanmoins, à honorer les engagements souscrits, par son prédécesseur, au titre du prêt qui lui avait été accordé par le Fonds Monétaire International (FMI).
Mais, c’est dans une autre ambiance – non moins festive, toutefois – que le lendemain, samedi, étudiants, syndicalistes et militants des organisations de la gauche radicale se sont retrouvés, sur cette même place de la capitale argentine, en brandissant des banderoles où l’on pouvait lire « Non à un accord avec le FMI ! », « La dette est envers le peuple, pas le FMI ! » ou encore « Payer la dette est un ajustement ! » et en scandant, à l’unisson, des slogans de la gauche radicale ; tout cela, entre fanfare, fumigènes, pétards assourdissants et fumée des « parillas » (grills).
En cause, la décision du gouvernement de centre-gauche de signer, avec le FMI, un accord au titre du réaménagement, d’ici 2024, de sa dette de 44 milliards de dollars ; une mesure qui va, sans nul doute, pousser le gouvernement à imposer une rigueur budgétaire accrue dans un pays où la pauvreté étrangle déjà 40% de la population.
C’est à ce titre, d’ailleurs, que, pendant toute la semaine, une délégation représentant le gouvernement et la Banque Centrale argentine a tenu plusieurs réunions, à Washington, avec des membres du FMI. Mais si, au cours de ces entretiens, il a été convenu que, d’ici la fin de l’année, l’exécutif argentin soumettra, à l’approbation du Parlement, un programme économique pluri-annuel qui aurait l’aval du Fonds Monétaire International, il y a lieu de signaler, toutefois, que, dans son communiqué en date de vendredi, le FMI a tenu à préciser que de plus amples discussions sont encore nécessaires avant la finalisation d’un accord entre les deux parties.
Au vu de tout cela, il semble que le Président argentin Alberto Fernandez aura bien du mal à honorer, comme il l’a promis, les obligations de son prédécesseur alors que le peuple s’y oppose fermement mais attendons pour voir…