Les arts populaires et l’enjeu de la préservation, de la continuité…

DNES à Marrakech Mohamed Nait Youssef

Du 4 au 8 juillet, la ville rouge a célébré la 53ème édition du Festival National des Arts Populaires (FNAP) en présence de 700 artistes ayant livré pendant cinq jours de festivités des performances et prestations folkloriques sur les différentes scènes. En effet, cette manifestation fédératrice a pu réunir des expressions artistiques diverses montrant la richesse, la splendeur, la singularité et l’originalité des arts populaires marocains. Du Nord, du Sud, de l’atlas et de l’oriental, les troupes représentant les différentes régions du Royaume ont charmé le public par des chorégraphies, des danses, des mouvements, des gestuelles et  des costumes  pour le grand plaisir des festivaliers et visiteurs de Marrakech. Il est 11h. Un air triste domine l’école Ben Abbad où les troupes ont été logées : un membre de la troupe Akallal Sif de Zagora quitte le monde des vivants suite à un accident. Vêtues de tenues traditionnelles, les différents artistes s’apprêtaient à rendre hommage à leur confrère. Un devoir de mémoire.  Cette  ambiance de solidarité révèle l’un des aspects de la philosophie du festival : l’entraide et le partage. Chose qu’on a déduit suite aux échanges avec des chefs de certaines troupes folkloriques participant au festival.

L’enjeu de la préservation du patrimoine folklorique

L’un des enjeux majeurs du festival réside dans la préservation du patrimoine folklorique national, tout en accordant particulier aux artistes, aux artisans et aux différentes expressions artistiques populaires. «Nous considérons ce festival comme ‘’vétéran’’ des festivals et l’un des événements importants œuvrant pour la préservation du  patrimoine culturel immatériel. », estime  Brahim Bikri, président de l’association marocaine pour la préservation du patrimoine culturel  à la ville de Fès et président de la troupe Aissaoua de Fès.  Ce qui est  essentiel, a-t-il révélé,  c’est la transmission de cet art aux générations futures pour garantir la continuité. «C’est ma troisième participation à cette manifestation artistique et j’ai amené mon fils pour assurer la relève. De nombreux arts populaires sont en voie de disparition, mais il est de notre devoir de sauvegarder cet art en garantissant sa pérennité et son originalité.», nous a confié Brahim Bikri.

De la région d’Azilal, l’artiste Mohamed Mabrouk a fait le déplacement pour  faire connaître l’art de Boughanim d’Aït Abbas, une expression artistique en voie de disparition. «C’est en 2018 que j’ai commencé à pratiquer cet art afin de le persévérer de la disparition. Et c’est en  essayant  de s’ouvrir sur le monde, en participant aux différents festivals, qu’ont pu montrer notre art et ses spécificités », nous explique Mohamed. Il y a ceux qui ont intégré la troupe de Boughanim d’Aït Abbas depuis  1976, mais de nouveaux membres ont apporté de la fraîcheur à cet art authentique. « Nous essayons d’initier  les jeunes à cet art pour le sauvegarder de la disparition. C’est une grande responsabilité à remplir », a-t-il affirmé.

Assurer la relève, garantir la continuité…

De Aït Baamrane, El Bachir El Ouazani de l’association «main dans la main» pour le patrimoine, n’a pas manqué le rendez-vous artistique phare de l’année. «C’est notre 5ème participation pour enrichir les spectacles du festival national des arts populaires en apportant notre propre touche esthétique, mais aussi de transmettre notre identité à l’autre et pour les générations à venir pour prendre la relève. », a-t-il indiqué. Avec peu de moyens, la troupe essaye de véhiculer les lettres de noblesse de cet art ancestral. « C’est l’un des soucis qui nous hantent : assurer la relève. C’est essentiel », poursuit-il.

Dans le même ordre d’idées, Lhoucine Boujaa, chef de la troupe Taskiouine, une des troupes importantes, a souligné l’importance de la transmission de cet art aux jeunes. «Nos ancêtres nous ont légué cet art que nous œuvrons pour le préserver à travers le jeu, les costumes, les mouvements…. Pour ce faire, nous avons intégré les enfants et les jeunes pour que cette expression artistique puisse continuer.», a-t-il fait savoir.

Depuis sa création, Fatna Lkahouli, alias Fatima Chelha, et sa troupe participent chaque année au festival des arts populaires organisé par l’association Grand Atlas. «C’est une fête artistique populaire, mais aussi une plateforme pour rencontrer les autres artistes et troupes folkloriques marocaines », a-t-elle affirmé. Et d’ajouter : « J’y participe depuis 13 ans déjà. Je me souvenais très bien de nos grands réalisateurs avec lesquels nous avons travaillés, entre autres, Tayeb Saddiki, Al Joundi, Abdessamad Dinia, Zinoun… Je répétais avec ces réalisateurs au palais El Badi où nous avons l’habitude de jouer », se souvient-elle. 

Selon Fatna, les jeunes d’aujourd’hui ne veulent pas s’adonner à cet art. «Nous faisons de notre mieux pour sauvegarder cet héritage artistique et musical ancestral en gardant nos habits traditionnels, nos danses, nos mouvements et nos gestuelles. On essaie toujours d’intégrer des jeunes dans notre troupe en s’inspirant des vétérans. La relève doit assurer », a-t-elle fait savoir.

Mohamed Imghi,  maestro de la troupe Ait Hdidou d’Imilchil, a pu retrouver les passionnés du folklore. Pour sa troupe, le FNAP est une occasion pour présenter  le meilleur de son art. «Nous prenons part au festival depuis ses débuts. Jadis, on participait avec 40 ou 30 personnes. Mais aujourd’hui malgré que le nombre ait diminué,  la flamme de l’art et de la passion reste la même. Il faut dire que le FNAP nous permet de briller et de montrer notre art au public et de le conserver de l’oubli », a-t-il affirmé.

Encourager les jeunes talents…

Le Festival National des Arts Populaires mise sur les jeunes talents pour verser un nouveau sang dans les veines du folklore marocain. «Il y a un peu de tout. On a demandé à toutes les troupes de préparer des troupes jeunes troupes, on va essayer quand on aura suffisamment de troupes jeunes de faire quelque chose en marge du festival pour les jeunes talents. Chose qui permettra de préparer la relève. Ça, on l’a déjà fait au niveau de Gnaoua avec le ministère de la Culture pour assurer la succession. Donc on a demandé à toutes les troupes connues de préparer cette succession de jeunes et on va le faire un petit festival de jeunes talents en marge des grands festivals, et on donnera des prix à ce moment-là pour encourager les jeunes à pratiquer cet art », nous affirme Mohamed Knidiri président du Festival National des Arts Populaires. 

Top