En arrachant la vie à 3.176 personnes – le bilan le plus meurtrier jamais enregistré en une seule journée – et en infectant 26.971 autres entre mercredi et jeudi derniers, le Covid-19 a fait franchir, aux Etats-Unis, la barre fatidique des 50.000 morts et contaminé 866.646 personnes. Or, vu l’insuffisance des tests de dépistage effectués, le chiffre des personnes officiellement infectées par le coronavirus pourrait, malheureusement, s’avérer bien en deçà de la réalité.
Face à ce macabre record qui a fait exploser le chômage et paralysé l’économie américaine, le Congrès s’est trouvé contraint, ce jeudi, d’approuver un nouveau plan d’aide de 483 milliards de dollars dont 100 milliards de dollars au titre de l’équipement des hôpitaux et du renforcement de leurs capacités de dépistage du coronavirus et le reste pour le redémarrage de la machine économique.
Si la pandémie qui s’est abattue sur les Etats-Unis n’a épargné aucune partie du territoire américain, force est de reconnaître, toutefois, que les tribus indiennes restent les plus vulnérables. Ainsi, s’agissant des contaminations au coronavirus, la tribu des Navajos, qui compte 156.000 âmes et occupe un vaste territoire aride et des plus isolés du pays, à cheval sur l’Utah, le Nevada et l’Arizona, a été très tôt frappée, de plein fouet, par le coronavirus qui a contaminé 1.360 personnes et tué 49 autres.
La première contamination ayant eu lieu le 17 mars et quatorze personnes ayant été infectés trois jours plus tard, le président de la tribu Jonathan Nez avait immédiatement imposé un confinement général. Or, après s’être trouvé en présence d’une personne contaminée, ce dernier s’était lui-même mis en quarantaine dans sa résidence de Window Rock dans l’Arizona dès la mi-Avril. Ayant lancé un appel à l’aide, le 22 Avril, sept médecins et quatorze infirmières de l’hôpital universitaire de San Francisco y ont répondu favorablement en venant aider leurs collègues Navajos débordés par la pandémie qui a emporté deux fois plus de personnes qu’en Californie même si la population y est quatre fois moindre.
Cette pandémie du coronavirus a mis à nu les problèmes chroniques que vit la tribu des Navajos, la plus étendue du pays et l’une des plus sous-équipées du fait même de la dispersion de ses zones d’habitat. Et si le Covid-19 exige, entre autres, de se laver régulièrement les mains, l’absence d’eau courante qui est déjà un facteur d’aggravation a été amplifié par l’impossibilité de respecter une distanciation physique du fait même de la pénurie de logements et du manque d’électricité.
Ces complications qui ne sont pas spécifiques aux Navajos peuvent, également, s’appliquer à l’ensemble des tribus amérindiennes. En cause, un taux de chômage astronomique, une absence de nourriture, l’alcoolisme ou encore des antécédents médicaux. Etant donc contraints de vivre généralement d’allocations et de bons alimentaires, les tribus amérindiennes accumulent «les facteurs de risques». Aussi, pour Trisha Burke, de l’association Native Hope, le coronavirus pourrait causer d’énormes dégâts au sein de ces communautés qui restent parmi les plus défavorisées des Etats-Unis. «La plupart des réserves n’ont pas d’hôpitaux mais des cliniques sous-financées et déjà débordées (…) Le Covid complique encore les choses. Ils pourraient avoir à faire trois heures de route pour rallier un endroit où se faire traiter».
L’actuelle pandémie du coronavirus ayant réveillé chez les tribus amérindiennes le douloureux souvenir de la colonisation européenne et des maladies infectieuses qui ont décimé leurs ancêtres, les responsables de la tribu de Crow Creek ont placé, le long des routes de leur réserve, des panneaux demandant aux visiteurs de ne pas s’y arrêter alors que leurs voisins Sioux ont instauré un couvre-feu et envisagent même de placer l’ensemble de leur territoire en quarantaine. Réussiront-ils de cette manière à enrayer la propagation du Covid-19 sur leur territoire ? Espérons-le et attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi