A l’initiative du Forum Parité et égalité
M’Barek TAFSI
Réunis dans le cadre d’une conférence, organisée samedi 25 février à Tamesna, près de Rabat, sous le thème de «la dimension juridique, humaine et sociale du code de la famille », des chercheurs d’horizons divers ont plaidé chacun, à sa manière, pour un code de la famille plus équitable et en phase avec l’évolution de la société et la modernité.
Hafida Ben Hmida : la réforme du code de la famille doit répondre aux impératifs de l’Etat de Droit
Ouvrant les débats devant une grande salle archi-comble du Centre culturel de Tamesna, la modératrice de cette manifestation, organisée à l’initiative du bureau exécutif du Forum de la Parité et de l’Egalité (FPE), une organisation parallèle du Parti du Progrès et du Socialisme, la coordinatrice provinciale du FPE Hafida Ben Hmida a souligné l’importance d’associer le grand public au chantier de la réforme du code de la famille. Elle en a profité pour saluer aussi la présence des membres du conseil communal avec en tête son président et les habitants de Tamesna, venus nombreux prendre part à cette manifestation.
Selon elle, il s’agit de parvenir à un consensus national autour de cette réforme qui doit viser à mettre à niveau ce code dont la dernière révision remonte à 19 ans. Il est donc nécessaire d’œuvrer pour adapter le nouveau texte attendu à toutes les transformations que le Maroc ait connues durant cette période, après l’adoption de la constitution de 2011 et les conventions internationales qu’il a ratifiées. Il est donc temps de faire en sorte que ce code en perspective réponde aux exigences de l’Etat de Droit, auquel l’on aspire, a-t-elle indiqué.
Charafat Afailal : La réunion de Tamesna n’est que le début d’un périple à travers les 12 régions du pays
Prenant la parole, la présidente du Forum de la Parité et de l’Egalité, Charafat Afailal a indiqué que la rencontre-débat de Tamesna n’est que le début d’un périple, programmé par son organisation dans le cadre du plaidoyer pour la réforme du code de la famille, à travers les douze régions du pays.
Depuis la dernière réforme de 2004, le Maroc a connu moult transformations, auxquelles il importe d’adapter la législation, a-t-elle dit, soulignant qu’il importe plus précisément de combler toutes les lacunes et les défaillances que connait la mise en œuvre du code de la famille en matière notamment de mariage, de divorce, de sauvegarde des droits de la femme et des enfants.
Il importe aussi de l’adapter à la Constitution de 2011 et de donner suite à l’appel de Sa Majesté le Roi dans un récent discours royal à la révision de ce texte.
Il s’agit notamment de trouver une solution à la question de la tutelle légale et de la pension alimentaire des enfants en cas de divorce, a-t-elle dit, notant d’entrée qu’il est injuste et irrationnel que la garde des enfants soit confiée à la femme divorcée et que la tutelle au père. Cette aberration est en fait à l’origine de beaucoup d’injustices envers les femmes divorcées et de leurs enfants, a-t-elle dit.
La réforme escomptée doit viser à mettre fin à cette situation, car nombreux sont les maris démissionnaires qui n’hésitent pas à abuser de ce droit de détenir la tutelle légale pour faire pression sur leurs épouses divorcées.
Bien qu’ayant la garde des enfants, la femme divorcée n’a pas le droit de retirer par exemple le passeport de son fils pour voyager avec lui ou autoriser ou non une opération chirurgicale dont l’enfant doit subir. Pour tous ces actes, la femme a besoin de l’accord du père divorcé.
Poussant pour loin son comportement revanchard, il refuse de lui verser la pension alimentaire des enfants, dont le montant reste dérisoire, a-t-elle ajouté, avant d’avancer que le FPE plaide pour une tutelle légale mixte. Il est préférable que cette tutelle légale soit accordée à celui qui a la garde des enfants, qu’il importe de protéger des suites fâcheuses de tout divorce.
Il est aussi injuste, a-t-elle poursuivi, de condamner des enfants nés innocents à vivre sans droits étant donné que le code de de la famille marocain ne reconnaît que deux types de filiation : la filiation légitime et la filiation illégitime. La filiation naturelle n’y est pas mentionnée. Pour savoir si l’enfant est considéré ou non comme un enfant légitime, il faut que le père le reconnait, sinon il ne l’est pas. Il n’est pas question pour le moment de recourir à l’expertise de l’ADN pour établir le lien de parenté d’un enfant.
La réforme attendue doit viser enfin de compte à préserver les droits de tous ces enfants nés hors mariage, qui n’ont rien commis pour devenir des proies faciles à tout genre de trafic, de traite d’êtres humaines et à tous les maux sociaux.
Et Charafat d’appeler dans le même ordre d’idées à mettre fin une fois pour toutes au mariage précoce des mineures à 13 ou 14 ans, dont la place naturelle est l’école et non pas au foyer. Dans le Maroc moderne, le mariage par la Fatiha n’a pas lieu d’être, a-t-elle martelé.
L’âge légal de mariage doit être fixé à 18 ans et aucune exception ou dérogation ne doit plus être admise à cet égard, a-t-elle souligné.
Taieb Lemnaouar : il est nécessaire d’œuvrer pour l’humanisation de la chariaa
Pour sa part, Pr Taieb Lemnaouar de Dar Hadith Hassania (Rabat) a traité de l’acte du mariage dans la Chariâ, tout en soulignant qu’il est temps pour les Ouléma d’oeuver pour l’humanisation de la loi islamique envers les enfants dits « illégitimes » et d’approfondir les recherches sur la problématique de la filiation.
Il est aussi nécessaire, a-t-il plaidé, de cesser de qualifier ces enfants comme étant ceux de Zina (adultère) pour le restant de leur vie et de les priver de tous les droits de citoyenneté, car ils sont innocents. Et c’est à la loi de leur reconnaitre cette innocence, eux qui n’ont rien commis pour être taxés d’illégitimes.
Il a traité aussi de la question de la Kafala d’un enfant, qu’il importe désormais de mettre à niveau dans le but de préserver les droits de l’enfant en question en cas de décès du Kafil. Il s’agit notamment d’assurer à cet enfant le droit d’hériter des biens du Kafil décédé, a-t-il ajouté.
Fouad Massarra : tout plaide pour la révision du code de la famille
De son coté, Pr Fouad Massara de l’Université Mohammed V de Rabat a fait savoir que tout plaide à présent pour la révision du code de la famille, dont les dispositions ne répondent plus aux exigences de la société marocaine.
Selon lui, cette réforme doit avoir pour objectif non seulement la sauvegarde de l’acte du mariage et de la famille en tant que cellule sociale indispensable, mais surtout des droits des enfants et des femmes divorcées.
C’est dans ce cadre qu’il importe de mettre fin au mariage par la Fatiha, a-t-il expliqué, soulignant que seul l’acte du mariage conclu selon les règles en vigueur est à même de préserver les droits des femmes et des hommes divorcés et de permettre à la femme de produire les preuves nécessaires pour bénéficier de tous les droits (pension, héritage, retraite, etc….) et de défendre les droits des enfants dont elle a la garde.
L’acte de mariage protège en fin de compte la famille contre la dislocation, a-t-il indiqué.
Me Naima El Kellaf : la réforme s’impose à présent
Prenant la parole, Maitre Maima El Kellaf du barreau de Rabat, a livré un plaidoyer solide pour un code de la famille plus équitable à même de mettre fin à toutes les injustices causées à la société et aux époux et enfants en cas de divorce.
Avocate de profession, Me Naima a estimé qu’il est incompréhensible que l’on opte pour le droit objectif pour réglementer les échanges commerciaux et autres rapports humains et la Chariâ pour réglementer le mariage.
C’est ainsi que la femme se trouve privée de son droit d’effectuer elle-même toutes les démarches de son propre mariage, de s’occuper des affaires de ses enfants dont elle a la garde en cas de divorce ou de contracter un nouveau mariage, à l’opposé du mari divorcé.
Il s’agit donc pour l’instant de combler toutes ces lacunes et autres qui caractérisent l’actuel code de la famille dans le but majeur de fixer, sans exception aucune, l’âge légal de mariage à 18 ans, de mettre fin à la polygamie et de ne maintenir que le divorce par un «commun accord» et celui du « Chiqaq », étant donné que les autres types sont tombés en désuétude.
Pour la réussite d’une telle réforme, il importe aussi de prévoir de prolonger l’âge obligatoire de l’enseignement à 18 ans, d’autoriser les actes civiles de mariage, de procéder à une révision en toute sérénité du régime de succession en vigueur et de structurer et renforcer le fonds de la Kafala et de compiler toutes les lois relatives au sujet dans le seul code de la famille. Sans oublier d’adopter un code de la famille entièrement conforme à la Constitution de 2011 et aux conventions internationales ratifiées par le Maroc.