Point de vue: Les mentalités entravent le développement

Bien former le citoyen et rompre avec la culture autocratique en consolidant le droit conduiront inévitablement au développement d’une mentalité altruiste et civique. Cette moralisation de nos relations sociales mutuelles est une condition de développement que ce soit dans les affaires ou dans nos relations sociales quotidiennes. Réformer et assainir reviendront donc d’abord à adapter à cette exigence nos textes comme nos murs.

Coupable d’avoir négligé l’éducation et la culture au profit de l’enseignement utilitaire, notre pays a formé des cadres et des techniciens mais n’a pas formé des Hommes.
Les problèmes qui entravent le développement économique de notre pays s’expliquent par cette défaillance éducative autant que par l’inefficience de l’appareil de dissuasion juridique.

Et la réalité sociale le prouve: manque de conscience professionnelle et de dévouement; mauvais rapports entre Administration et administrés; entre l’investisseur étranger et le partenaire local, etc
Le malaise dont souffre notre société s’explique par la défaillance de notre système éducatif et culturel.

En fait, notre façon de penser, de voir, voire de nous compter, bref notre mentalité est au coeur et au centre des problèmes que nous vivons.
Nous sommes en droit de nous interroger sur les éléments qui façonnent notre mentalité. Comment se forment-ils?

La déficience éducative et culturelle, l’absence d’un système de dissuasion efficace sanctionnant les comportements anti-sociaux, encourage l’ancrage des conduites inopportunes et donne lieu à des abus manifestes. Le célèbre poète arabe Ahmed Chawki avait dit à juste titre que « Les nations sont l’émanation de l’éducation, lorsque celle-ci fait défaut, ces nations n’ont plus d’existence ».

L’éducation devant viser à former l’homme, à affiner et humaniser ses rapports avec ses semblables, n’existe désormais dans des cours que par le mot, car la cellule familiale, obnubilée par une modernisation sans âme, ne joue plus son rôle d’éducateur.

Il importe de signaler à cet effet que, pour des raisons d’ordre économique et souvent par nécessité, les parents actifs ne consacrent plus le temps nécessaire à aiguiser la conscience de leurs enfants et à inculquer les valeurs morales nécessaires à leur développement humain.

Certes, l’enfant doit savoir ce que représentent les notions de dignité humaine, de respect de l’autre, de tolérance, de droits de l’Homme, de l’esprit communautaire, de la responsabilité civique.

La cellule institutionnelle, l’école, ne permet toujours pas de combler les déficits de la cellule familiale et ce, en raison du rôle qui lui est dévolu. En effet, l’enseignement obligatoire est assujetti à des programmes stricts. Le « maître », qui était jadis source de savoir, devient un simple agent de transmission.

L’enseignement vise donc moins à éduquer l’enfant et élever son âme, aiguiser sa conscience qu’à former le citoyen utile au système.

Or, la dignité de l’homme ne réside pas dans son corps biologique, ni même dans l’intelligence mécanique de son cerveau, mais dans la qualité de son âme.

En fait, la trilogie physique (matière, temps, espace) prime sur la trilogie morale (le bien, le vrai, le beau).

L’existence du châtiment et de la dissuasion est indispensable dans une société moderne pour lutter contre les comportements anti-sociaux des individus.

Le droit, sur la base de ce soubassement moral incontestable, régit les relations entre les hommes au sein de la société. Ce système doit veiller à ce que soient réunies la solidarité, la confiance et la sécurité des citoyens. Mais est-ce toujours vraiment le cas?

Peut-être pas tout à fait. D’où la nécessité d’assainir.

Mais l’assainissement de la société nécessite la consolidation de notre système juridictionnel, afin que le rôle de régulateur de la vie sociale du droit garantisse dans son ensemble « la coexistence des libertés ».

Le rôle du droit et du système n’est donc pas seulement d’assurer l’ordre et la paix, mais de promouvoir plus de justice dans la société. Et on ne peut que regretter que la morale sociale, qui fait appel à la conscience et non à la contrainte, ne joue pas un rôle plus important.

Le déficit éducatif et moral a des retombées aussi bien au niveau de la société qu’au niveau des entreprises, structures complexe, fussent-elles publiques ou privées.

La réforme administrative, vecteur privilégié de l’assainissement moral, ne saurait se faire sans la valorisation des ressources humaines et l’instauration d’un management participatif prenant assise sur l’adhésion du personnel, les cercles de qualité, les réunions d’échange, qui constituent le moyen privilégié de promotion de ce niveau style de gestion basée sur l’enrichissement par les différences, via la communication.

Et l’on revient aux mentalités dont le changement doit se faire par une rupture culturelle. Il faut rompre avec la culture de sujétion, culture qui aliène le fonctionnaire, le déresponsabilise, fait de lui un sujet malléable à volonté, n’ayant aucune autonomie fonctionnelle et créative, cantonné dans un comportement de retrait et de passivité.

Il est dommage de constater à cet égard que certains systèmes éducatifs se sont attelés à former des hommes libres, autonomes, capables d’agir et d’assumer des responsabilités; mais que ces hommes dans les faits sont exclus de la scène de façon délibérée; n’est-ce pas là un gâchis aberrant des ressources humaines, gâchis étant synonyme de sous-développement.

Amine Sennouni

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