Quatre questions à l’analyste financier à Wall Street, Youssef Squali

Impact de la Covid-19 sur les marchés

Le directeur général pour la recherche à la «SunTrust», sixième plus grande banque aux Etats-Unis, l’analyste financier Youssef Squali répond aux questions de la MAP sur l’impact de la crise de la Covid-19 sur l’économie et les marchés boursiers américains.

Depuis mars dernier, le monde a beaucoup changé et les marchés financiers ont connu une période pour le moins difficile. Quels sont les enseignements à tirer et quelles séquelles, à votre avis, l’économie et les marchés financiers garderont de cette crise?

En effet, le monde a été chamboulé depuis mars dernier, et ceci à cause de la pandémie de la Covid-19, un fléau qu’on n’a certainement pas vu venir, et qui est en train d’avoir un impact sur l’économie américaine comparable à celui de la dépression de 1929.

Ceci dit, il faut se rappeler d’une chose importante, cette crise est avant tout une crise sanitaire à la base, et non financière ou économique. Les pays à travers le monde ont forcé la fermeture presque totale de leurs économies respectives, et ralenti leurs activités économiques alors que jusqu’en début mars (en dehors de la Chine en tout cas), les économies des pays industrialisés se portaient très bien. Maintenant qu’on est en plein dedans et qu’on a dépassé le plus dur, du moins c’est ce qu’on espère, on commence à voir le bout du tunnel.

En termes de leçons à tirer de cette crise, je pense que c’est encore trop tôt. Ceci dit, ce qu’on voit déjà est qu’il va y avoir des industries qui vont disparaître ou qui vont être structurellement changées, comme le cas de la vente au détail. D’un autre côté, d’autres aspects de l’économie devraient bénéficier de ce chamboulement.

Pour ce qui est des marchés financiers, ils étaient les premiers à sonner l’alarme fin mars, quand la plupart des indices étaient déjà en chute libre. Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que pour les investisseurs, mis à part l’éventualité d’une seconde vague de la Covid-19 en hiver, le risque que représente ce virus est déjà passé, et en effet, les indices à ce jour le prouvent. Ils ont déjà récupéré pratiquement toutes les pertes des quatre derniers mois. Notre indice d’Internet et Nouvelles Medias est déjà en progression de 22% depuis le début de l’année.

Dans votre entretien avec la MAP en mars dernier, vous avez prédit que les grandes entreprises de technologie resteront les valeurs sûres de Wall Street après la pandémie. Ce scénario s’est avéré juste cette semaine avec le Nasdaq qui a réalisé un bond de 45% depuis fin mars. Comment expliquez-vous le succès de ces géants de la Silicon Valley?

Ces compagnies représentent les piliers de l’industrie Tech des Etats-Unis. La pandémie a forcée les consommateurs à rester chez eux, confinement oblige, et donc à consommer à distance à travers des plateformes comme Amazon. De plus, avec les gens cloitrés chez eux, impossible de voir leurs proches, le besoin de se connecter à travers les réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp, Snapchat et Twitter a explosé.

Les investisseurs qui ont vu cela venir ont pu en tirer profit en achetant ces valeurs, relativement sûres, au creux de la vague, fin mars et en avril. Aujourd’hui, on continue à recommander ces valeurs à long terme, tout en soulignant le risque accru de volatilité à court terme. Etant donné les valorisations élevées, et un climat macro-économique assez périlleux, il faut faire encore plus attention.

Durant le confinement, on a constaté un engouement sans précédent pour les nouvelles technologies de l’information et de communication comme outils du télétravail. Pensez-vous que ceci va contribuer davantage à la solidité boursière des grandes entreprises de la Silicon Valley ? Et qu’en est-il des nouveaux venus, comme Zoom?

Il est évident que les crises économiques créent des opportunités d’innovation. On a vu cela après la crise de 2001, celle de 2008 et je pense que ce sera le cas après la crise actuelle.

Facebook et Twitter ont été créés en 2004 et 2006 Snapchat en 2011. Vous avez parlé de Zoom, c’est une entreprise qui n’a même pas dix ans, elle a été créée en 2011 aussi, et aujourd’hui c’est l’une des grandes bénéficiaires de la crise actuelle. En termes de ce qu’on voit en ce moment, on observe des innovations très intéressantes au niveau de la télémédecine, de l’enseignement à distance, et de logiciels de collaboration qui permettent aux employés de travailler à distance tout en travaillant ensemble.

Ce que je trouve intéressant est le fait que ces outils de travail sont disponibles à des prix très réduits, voir même gratuits, ce qui permet non seulement aux grandes entreprises de les utiliser, mais aussi aux petites et moyennes entreprises, là où l’innovation a souvent lieu. Cet accès devrait permettre à ces jeunes entreprises d’être plus dynamiques, plus innovantes et surtout ouvertes au monde.

Sur le plan personnel et professionnel, comment avez-vous vécu le confinement à New York et comment se présente l’avenir du travail pour vous?

Nous avons décidé de commencer à travailler à distance à partir du 8 mars, plus tôt que beaucoup d’autres banques et entreprises à New York; nous avons aussi gelé tous les déplacements inter-villes et internationaux, et du coup je travaille à partir de mon bureau à domicile, équipé pour me permettre de continuer de travailler sans rupture. Ce qui est intéressant, à mon sens, c’est que la productivité de l’équipe n’a jamais été aussi bonne, comme pour nos résultats d’ailleurs, même si nous sommes dispersés à travers plusieurs villes aux Etats-Unis et à l’international. Donc pour l’instant, hamdoullah, on touche du bois!

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