Récolte céréalière: la demande ne suit pas l’offre

La campagne agricole 2017/2018 a enregistré une production céréalière record au Maroc. Les chiffres officiels font état de plus de 98 millions de quintaux voire plus. Une production abondante qui a du mal à être écoulée sur le marché local.

Selon les opérateurs du secteur, l’offre abondante pâtit de nombreux dysfonctionnements, notamment du manque de volonté politique pour prioriser la filière céréalière. Sans oublier la mauvaise négociation avec les minotiers qui préfèrent le blé importé. On relève également des anomalies au niveau des structures de stockage qui sont sous-utilisées voire mal utilisées. Le déficit d’encadrement n’est pas en reste. Celui-ci reflète d’ailleurs la sous-utilisation des intrants et des semences certifiées et parfois la qualité non conforme de certaines céréales.

La clémence du ciel a été au rendez-vous cette année. En témoigne le rendement céréalier enregistré cette année qui dépasse les 98 millions de quintaux. Une abondance qui ne se traduit pas nécessairement par un gain et des bénéfices pour les agriculteurs. Ces derniers ne cachent pas leurs inquiétudes par rapport à la baisse des prix de vente du blé, toutes variétés confondues. Selon les informations recueillies auprès des fellahs, les prix de vente ne dépassent pas les 250 dirhams le quintal pour le blé dur et 200 à 220 dirhams le quintal pour le blé tendre. Le prix de l’orge se vend à peine entre 100 et 150 dirhams le quintal. Des niveaux de prix inférieurs aux prix de référence fixés par l’Etat et qui ne permettent pas la couverture du coût de revient en l’absence de toute marge bénéficiaire.

Cette baisse des prix de vente est non seulement la conséquence d’une offre céréalière record mais d’un manque de visibilité pour tout un secteur qui n’arrive pas encore à trouver sa vitesse de croisière dans le cadre du Plan Maroc Vert. De l’avis d’Abbès Tanji, chercheur agronome, plusieurs facteurs contribuent à cette situation défavorable de la filière céréalière. Il cite le manque de volonté politique claire pour faire de cette filière une priorité majeure et lui donner une meilleure visibilité à même de permettre au Maroc d’atteindre l’autosuffisance en produits céréaliers. On rappelle que la consommation par habitant par an au Maroc s’élève à 2 quintaux par an. Du coup, pour 33 millions d’habitants, le pays n’aurait besoin que de 70 millions de quintaux…

Ce manque de volonté politique est associé au manque de négociation avec les minotiers pour s’approvisionner en blé national. Les minoteries ont déjà fait le plein d’approvisionnement avant le mois de mai qui coïncide généralement avec la période de la récolte du blé, souligne Tanji.

Le problème du stockage se pose également avec acuité. Ce ne sont pas les structures de stockage qui manquent ; c’est plutôt leur utilisation qui fait défaut. Le rôle des CAM (coopératives agricoles marocaines) a été réduit à néant et la majorité est aujourd’hui en faillite face à la concurrence des minotiers. La filière céréalière souffre par ailleurs, du mauvais encadrement du ministère de tutelle. Les structures d’encadrement sont quasi-absentes, ce qui empêche une bonne utilisation des semences certifiées et des intrants. Le recours aux herbicides reste toutefois limité même si le prix de certains herbicides génériques ne dépasse pas 50 dirhams par hectare.

Le fellah reste apparemment le parent pauvre de la filière céréalière et agricole en général. Malgré la bonne récole céréalière, ses revenus sont loin d’être encourageants pour lui permettre d’engager la prochaine campagne agricole dans de meilleures conditions. L’agriculteur a aujourd’hui beaucoup de mal à maitriser son coût de revient.  Ce qui pousse à s’interroger sur les mesures pour améliorer la situation des Ruraux dans de telles conditions.

Fairouz El Mouden

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