«Rhino-pharyngites, angines ou otites, motifs de 50% des consultations des bébés»

L’hiver est bien parmi nous, et de la plus belle manière qui soit : neige, pluie, vent glacé, températures à la baisse. Il est vrai que l’hiver a son charme, ses particularités,  mais le froid hivernal signifie aussi un retour en force  des virus et microbes qui font une apparition fracassante, entrainant dans leur sillage de multiples maladies infectieuses virales et bactériennes  qui touchent un très grand nombre de nos concitoyens des deux sexes et de tous les âges.  Mais ce sont surtout les jeunes enfants qui sont le plus exposés aux maladies ORL telles que les rhino-pharyngites, laryngites, sinusites, otites, angines,  bronchite, sans oublier la bronchiolite du nourrisson. En effet, les nourrissons et les jeunes enfants ont un système immunitaire encore immature et se défendent mal contre les virus. En cette période marquée par un froid rigoureux, ces infections qui concernent le nez, la gorge et les oreilles constituent l’une des causes majeures  des consultations des enfants chez le pédiatre ou spécialiste ORL. Pourquoi les enfants sont-ils autant touchés par les troubles ORL ? Quels sont les facteurs les favorisant ? Comment les traiter ? Le docteur Khaloufi Lahbib, spécialiste ORL, nous en dit davantage dans cet entretien.

Al Bayane : Les infections ORL des jeunes enfants sont-elles fréquentes?

Docteur Khaloufi Lahbib : Absolument, les consultations pour rhino-pharyngites, angines ou  otites  concernant  les bébés et les jeunes enfants représentent près de 50% des motifs de visites chez le médecin qu’il soit spécialiste ou pédiatre.

Quels sont les facteurs prédisposant à ces maladies?

Il y a plusieurs facteurs, notamment le fait que les voies aériennes soient une porte d’entrée de nombreux germes. Les jeunes enfants ont un système immunitaire immature et fragile qui les rend vulnérables aux virus. D’autres facteurs interviennent dont particulièrement celui de la vie en collectivité qui favorise aussi la transmission des infections. C’est la raison pour laquelle les enfants accueillis en structures collectives (crèches – maternelles)  sont malades plus souvent et plus tôt que ceux gardés à domicile par leurs parents. On peut aussi citer le reflux gastro –œsophagien, l’hypertrophie des végétations adénoïdes.

Il faut aussi noter que le tabagisme passif auquel certains parents soumettent leurs enfants est un facteur prédisposant.

Quelles sont les infections ORL les plus fréquentes?

Au premier rang des affections ORL des enfants, on retrouve les rhinopharyngites.

Il faut savoir que la rhinopharyngite peut être de source bactérienne, mais dans la majorité des cas, elle est causée par un virus. La rhinopharyngite se transmet facilement par les objets manipulés par l’enfant ou même par simple contact avec d’autres personnes atteintes.

Concernant les symptômes de la rhinopharyngite, ceux – ci peuvent être variables et dépendent en grande partie de la capacité de résistance de l’organisme de chaque enfant ainsi que de la réactivité de son système immunitaire. Ainsi, les symptômes peuvent être différents  d’un malade à un autre. Mais en général, la rhinopharyngite se manifeste par une rougeur importante à la gorge qui peut être accompagnée d’une rhinorrhée, qui est un écoulement nasal purulent vert ou jaune. Le signe le plus flagrant reste la forte fièvre qui peut atteindre 40° C degré. La rhinopharyngite peut gêner l’alimentation de l’enfant, et si elle n’est pas bien traitée, elle peut se compliquer par une laryngite ou une sinusite ou des otites.

Pourquoi la laryngite est-elle si crainte?

La laryngite est une inflammation aigue du larynx  provoquée chez l’enfant le plus souvent par un virus. La respiration d’air particulièrement froid ou le surmenage vocal favorisent les laryngites.  Elle s’exprime par une gêne respiratoire impressionnante pouvant aboutir à l’asphyxie. Elle est fréquente chez l’enfant entre 1 an et 6 ans. Si l’enfant a la voix très enrouée, qui s’éteint par moment, il a peut-être une laryngite. Demandez-lui s’il ressent aussi l’un des symptômes suivants : douleurs à la gorge, chatouillements dans l’œsophage, difficulté à déglutir et avaler, toux sèche et irritante.

Vous pourrez aussi vérifier si l’enfant présente une légère fièvre (moins de 38.5°C).

Les signes de gravité de la laryngite sont une respiration de plus en plus difficile, l’arrêt des pleurs de l’enfant, le thorax en creux à chaque inspiration, des sueurs et pâleur du visage et les lèvres cyanosées (bleutées). Ces signes sont l’expression de la gravité de la laryngite, et il faut agir très  vite et consulter le médecin le plus proche.

Que pouvez – vous nous dire au sujet des otites?

S’il existe plusieurs formes d’otites, la majorité des enfants de moins de 3 ans souffrent de ce que l’on appelle une otite moyenne, c’est-à-dire qu’ils ont du pus à l’intérieur de la cavité où se trouve le tympan. L’otite est une complication habituelle de la            rhinopharyngite. Ces otites sont très fréquentes chez les jeunes enfants. Pourquoi ?  Parce que la cavité tympanique communique avec le nez par la trompe d’Eustache, ce qui va permettre la propagation des infections. Il faut savoir que ces otites sont favorisées chez l’enfant par les végétations adénoïdes, fréquentes chez le jeune nourrisson. Il est utile de rappeler que les enfants exposés à la fumée secondaire, c’est-à-dire au tabagisme passif, courent beaucoup plus de risques d’attraper des otites. Sans compter que la guérison est souvent plus longue. Il est prouvé que les enfants dont les parents fument à la maison ont jusqu’a 4 fois plus d’otites que les enfants qui vivent dans un environnement sans fumée.

Quid des sinusites de l’enfant?

La sinusite est une des complications classiques de la rhinopharyngite. Il ne s’agit pas des sinusites comme celles des adultes,  car ces cavités naturelles ne sont pas perméables chez l’enfant avant 3 ou 5 ans. Les seuls sinus perméables sont l’ethmoïde et la seule sinusite chez ces enfants est l’ethmoïdite, qui faut – il le rappeler ici est une sinusite extrêmement sévère, qui débute brutalement par un rhume banal et purulent. On peut avoir le nez bouché, ou alors le nez qui coule, des  maux de tête, douleur au front, fièvre (parfois élevée), douleurs sous l’œil avec œdème (gonflement) de l’angle interne de l’œil, l’enfant est très abattu, il ne peut plus ouvrir son œil. La prise en charge de l’ethmoïdite est une urgence, l’hospitalisation est préconisée dans ces cas.

Et concernant les angines?

L’angine est un grand classique de l’hiver comme c’est le cas en ce moment. Elle est le plus souvent virale, mais peut aussi être bactérienne (streptocoque beta-hémolytique du groupe A, cause habituelle des angines bactériennes).

Les manifestations de l’angine sont la fatigue, le mal à la gorge (douleurs lors de la déglutition), fièvre comprise entre 38 et 40°C, gorge enflammée, mal à la tête, présence de ganglions dans le cou, vomissements parfois…

Le traitement des angines permet de soulager les symptômes lies à l’infection des amygdales et du pharynx (douleurs à la déglutition, fièvre…) et d’autre part, de prévenir les complications que peuvent entrainer les angines d’origine bactérienne. De ce fait, la prise en charge sera tout à fait différente selon que l’angine est due à une infection virale (le cas le plus fréquent) ou à une infection bactérienne. Dans le premier cas, un traitement symptomatique suffit. Dans le second, des antibiotiques sont nécessaires, mais c’est uniquement au médecin de décider. Il ne faut jamais s’aventurer vous-même dans ce que votre enfant doit prendre comme traitement. L’automédication peut s’avérer dangereuse.

Peut-on prévenir les maladies hivernales?

Oui bien entendu que l’on peut prévenir ces maladies. Il convient d’être prudent, d’agir avec discernement, d’avoir une attitude responsable. Il convient de savoir qu’en matière de lutte contre les maladies, il n’y a pas de recette miracle. Et comme dit l’adage : « mieux vaut prévenir que guérir ». Il ne fait aucun doute que la prévention reste la meilleure approche. De ce fait, nous sommes tous responsables si nous voulons réellement contribuer à asseoir sur des bases saines la lutte contre les maladies et ce, grâce à l’adoption d’attitudes citoyennes. Tout d’abord, il y a la prévention individuelle contre les infections. Celle-ci passe par plusieurs mesures simples.

D’abord, l’hygiène des mains qui est très importante. Plus de 80 % des maladies sont véhiculées par les mains et les virus se transmettent entre autres par les mains. Il faut donc se laver les mains plusieurs fois par jour : avant et après les repas, en rentrant chez soi, après être allé aux toilettes, après avoir éternué, toussé ou s’être mouché. Un lavage des mains efficace doit durer au moins 30 secondes. Ne pas fumer dans une pièce où se trouvent plusieurs personnes ou dans les lieux publics. Ne pas tousser ou éternuer sans au préalable avoir mis un mouchoir devant sa bouche. Ne pas embrasser les personnes surtout les petits quand on est malade. Il faut également aérer toutes les pièces de son logement 10 minutes par jour, y compris en hiver. En effet, les atmosphères confinées favorisent la prolifération des virus. Pour conclure, il est utile de rappeler que le meilleur moyen de se prémunir contre les maladies hivernales reste la prévention.

Ouardirhi Abdelaziz

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