Attendons, pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Venues en marge des commémorations de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, les circonstances de la disparition, à Londres, d’une jeune femme de 33 ans ont non seulement donné l’occasion à la population de dénoncer le sentiment d’insécurité qui règne dans les rues de la capitale britannique mais également provoqué un vif émoi outre-manche.
Sarah Everard, qui était une jeune cadre dans le secteur du marketing et qui résidait à Brixton, a disparu le 3 mars dernier vers 21 h, à Clapham un quartier du sud-est de Londres, au moment où elle rentrait chez elle à pied après avoir rendu visite à une amie.
Après avoir donné l’alerte le 6 mars, la police londonienne a arrêté Wayne Couzens le 9 mars et le lendemain, la dépouille d’une jeune femme fut retrouvée dans un bois près d’Ashford dans le Kent. Il s’agissait bien de celle de Sarah Everard.
Inculpé le 12 mars pour « enlèvement » et « meurtre », Wayne Couzens, 48 ans, qui relève de la police londonienne et qui appartient plus précisément à une unité armée et en uniforme chargée de protéger les ambassades et autres représentations diplomatiques ouvertes à Londres a été déféré, le 16 mars, devant la justice londonienne.
Voilà pour les faits mais l’affaire ne s’arrêtera pas avec l’arrestation et l’incarcération du meurtrier même si, pour faire taire ces nombreuses femmes qui ont dénoncé le sentiment d’insécurité qui les guette et qui a été récemment conforté par un sondage de « YouGov » dans lequel 80% d’entre elles déclarent avoir été victimes, au moins une fois au cours de leur vie, de harcèlement dans les lieux publics, Cressida Dick, la cheffe de la police de Londres, a tenu, malgré tout, à faire, du meurtre de Sarah Everard, un cas isolé en rappelant qu’il est « heureusement incroyablement rare qu’une femme soit enlevée dans les rues de la capitale». Mais ces propos n’ont point été du goût de la députée Jess Phillips qui a estimé qu’il était de son devoir de rappeler, ce jeudi, aux députés de la chambre des Communes, les noms des 118 femmes qui ont été victimes de meurtre, l’année dernière, dans le pays.
En suscitant, ainsi, une très vive émotion au Royaume-Uni, cette affaire « Sarah Everard » a non seulement libéré la parole des femmes mais également déclenché des appels à cesser de « culpabiliser » ces dernières et à « éduquer » les hommes.
Aussi, c’était pour rendre hommage à Sarah Everard, que le mouvement « Reclaim these streets » (Récupérez ces rues !) avait appelé à un rassemblement, le week-end dernier, au quartier où avait disparu la jeune femme mais la rencontre fut annulée par la police pour «raisons sanitaires». Or, si, plus tôt dans la journée et pour rendre hommage à la défunte, Kate Middleton, la duchesse de Cambridge, s’était rendue au kiosque à musique du quartier devenue un lieu de recueillement, il faut rappeler que, dans la soirée, de très fortes tensions ont éclaté entre les forces de l’ordre et les personnes venues rendre hommage à la victime des bougies à la main. Des photos et des vidéos ayant circulé sur les réseaux sociaux et montrant des femmes maîtrisées et parfois même menottées par la police témoignent de la violence que les forces de l’ordre ont opposé aux participantes ; ce qui a provoqué l’indignation de nombreux britanniques même si, dans un communiqué, la commissaire-adjointe Hellen Ball a tenu à préciser que ces interventions étaient « nécessaires » face au risque accru de transmission du Covid-19.
Aussi, Priti Patel, la ministre britannique de l’Intérieur et Sadiq Khan, le maire travailliste de Londres, ont-ils exigé des explications de la part de la police sur sa gestion de l’évènement alors que, de son côté, Keir Starmer, le chef de l’opposition travailliste a déclaré, sur son compte « Twitter », que la stratégie choisie par la police, ce jour-là, « n’était pas une bonne méthode de maintien de l’ordre » et que le chef des Libéraux-démocrates, Edward Davey, a appelé la cheffe de la police à démissionner sans délai après avoir « perdu la confiance de millions de femmes à Londres » ; ce que l’intéressée a balayé d’un simple revers de manche en signalant que si ce rassemblement avait été légal elle s’y serait elle-même rendue.
Enfin, après que, comme lors de la vague « MeToo », les femmes aient inondé les réseaux sociaux de récits de leurs expériences et d’appels au changement, le Premier ministre Boris Johnson qui s’est dit « profondément préoccupé par les images des incidents survenus samedi lors de la veillée » a présidé une séance de travail tenue à l’effet d’examiner les mesures qu’il y aurait lieu de mettre en place pour contrecarrer les violences faites aux femmes et assurer leur sécurité.
Mais si, au cours de cette réunion, il a été décidé de renforcer la vidéosurveillance et la présence de policiers – aussi bien en civil qu’en uniforme – aux alentours des bars et des boîtes de nuit de la capitale britannique et des autres villes du Royaume-Uni, ceci sera-t-il suffisant pour assurer la sécurité des femmes et enrayer les violences dont elles sont victimes ? Attendons pour voir…