Ruée vers l’hydrogène de l’industrie allemande

Climat

Concilier puissance économique et transition écologique : le défi majeur du prochain gouvernement allemand suscite déjà la mobilisation des grands industriels du pays qui placent leurs espoirs dans le développement de la filière hydrogène.

Chimie, acier, transports… l’hydrogène vert, qui permet de stocker et transporter de l’énergie issue de sources renouvelables, pourrait décarboner de nombreuses activités dans lesquelles l’Allemagne est en pointe.
Le gouvernement d’Angela Merkel a donc débloqué l’an dernier 9 milliards d’euros, dans le cadre de son plan de relance post-pandémie, pour devenir « numéro 1 » mondial du secteur.

Et le déploiement de l’hydrogène industriel au service de la transition énergétique est l’un des sujets qui fait consensus entre les principaux candidats à la chancellerie, en lice pour les législatives de dimanche.

Le temps presse pour l’Allemagne : le pays a récemment dû relever ses objectifs climatiques, et compte désormais atteindre la neutralité carbone en 2045, contre 2050 auparavant, après une décision de la Cour constitutionnelle critiquant le manque d’ambition des pouvoirs publics.

En parallèle, l’Allemagne fermera ses dernières centrales nucléaires fin 2022, et veux sortir du charbon d’ici 2038, deux défis de taille qui nécessitent un développement du renouvelable.

En dix ans, le développement des énergies renouvelables a été spectaculaire : leur part dans la production d’électricité a pour la première fois atteint 50% en 2020, selon l’institut de recherche Fraunhofer, contre moins de 25% en 2011.
Mais le pays se heurte au problème de l’intermittence de ces ressources, l’éolien dépendant du vent, et le solaire du climat, empêchant une stabilité de l’approvisionnement. Récente illustration : la production d’électricité via le charbon a dépassé l’éolien au premier trimestre 2021, un revers lié aux conditions météorologiques.

« L’hydrogène permettrait d’utiliser les énergies renouvelables de façon beaucoup plus efficiente », confirme à l’AFP Heinrich Klingenberg, expert référent pour la ville de Hambourg.

La cité portuaire a récemment annoncé pour 2025 un ambitieux « pôle européen de l’hydrogène », doté de l’un des plus gros électrolyseurs du monde, en lieu et place d’une ancienne centrale à charbon.
L’hydrogène brûle plus proprement que les carburants fossiles et ne libère que de la vapeur d’eau.
Siemens, Thyssenkrupp, Daimler.. les géants industriels allemands rivalisent de projets consacrés à l’hydrogène, aidés par les financements publics allemands et européens.

En mai, 62 projets d’investissement ont été approuvés par Berlin, pour un total de 33 milliards d’euros, dont 8 milliards d’argent public.

Des défis restent de taille.

Sans croissance exponentielle des énergies renouvelables, « on ne va pas avoir assez de capacité d’hydrogène vert » pour fournir l’ensemble de l’industrie, estime Lilly Höhn, experte pour le BDI, le lobby industriel allemand.
Et « pour que cela soit viable économiquement, il faudrait diviser par deux le prix actuel de l’hydrogène vert », admet Heinrich Klingenberg.

S’il n’est pas produit à partir de renouvelables mais issu d’énergies fossiles l’hydrogène est « gris » – c’est l’écrasante majorité de la production mondiale actuellement.

Or, selon un rapport du parlement allemand, le coût de l’hydrogène « vert » atteint en moyenne 16,5 centimes par kilowattheure en Europe, soit trois fois plus que le « gris », alors que le prix de l’électricité en Allemagne est déjà le plus élévé de l’UE.

« L’hydrogène vert (…) va rester une ressource rare et coûteuse », a résumé le conseil des experts du climat, un organe public dépendant du ministère de l’Environnement.

A court terme, l’Allemagne devra donc importer massivement l’hydrogène pour répondre à ses besoins, et aider à la création d’un marché international. Le pays a prévu d’investir deux milliards d’euros dans des « partenariats » à l’étranger.

Berlin lorgne notamment sur l’Afrique du Nord, où le potentiel du solaire est considérable. Fin 2020, le gouvernement a débloqué 90 millions d’euros d’aides pour développer des installations au Maroc.

Mais pour de nombreux industriels, cela ne suffira pas : ils plaident pour développer l’hydrogène « bleu », notamment fabriqué à partir de gaz naturel, associé à une technologie de stockage du carbone.

Cette voie n’a pour le moment pas été retenue par le gouvernement, car l’impact de cette technologie sur le réchauffement climatique reste controversé.

Le développement de l’hydrogène « bleu » pourrait « retarder les actions nécessaires pour vraiment décarboner l’économie », a prévenu le conseil des experts du climat.

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