Point de vue
par Amine SENNOUNI
Ce n’est plus un secret, le Sahara est une ligne rouge pour tous les Marocains. Pourtant, M. Saied, un professeur de droit à la retraite qui s’est transformé en président aux pouvoirs incontrôlés, a déroulé le tapis rouge pour le chef du Polisario, Brahim Ghali, à son arrivée à Tunis à bord d’un avion présidentiel algérien pour assister à la 8e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD) organisée du 27 au 28 août.
Il ne s’agit pas d’une simple erreur diplomatique, mais d’un stratagème calculé et bien préparé déployé en connivence avec la junte militaire algérienne dans le but de saper l’intégrité territoriale du Maroc.
Le très rapide communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères s’est avéré d’une grande pertinence en faisant le distinguo entre les attitudes et les agendas d’un président lourdement contesté et les solides amitiés et admirations réciproques qu’entretiennent depuis des décennies les deux peuples marocain et tunisien.
S’il y a une question cruciale qui s’impose à tous les tunisiens est la suivante : que va gagner le président Kaïs Saied après avoir déroulé le tapis rouge au chef des séparatistes du Polisario à l’aéroport de Tunis ? Rien si ce n’est la gratitude sonnante et trébuchante du régime algérien qui voit dans cette instrumentalisation désespérée une manière de tenter de sortir la tête du goulot .
Selon certains analystes, le président tunisien a déroulé le tapis rouge à Brahim Ghali et s’est retourné contre le Maroc pour obtenir un prêt supplémentaire de 200 millions de dollars des dirigeants algériens afin d’éviter le défaut de paiement de la dette.
En 2020, l’Algérie s’est engagée à prêter 450 millions de dollars à la Tunisie. En février 2020, une première tranche de 150 millions de dollars a été envoyée à la Banque centrale tunisienne, tandis que la 2e tranche de 300 millions de dollars a été libérée un an plus tard.
Cependant, le soutien financier algérien ne peut pas combler l’énorme déficit du budget tunisien. L’encours de la dette publique du pays atteindra 40 milliards de dollars d’ici la fin de 2022, soit 82,6% du PIB, selon le budget de l’État pour 2022, soit une augmentation par rapport à 81% en 2021.
Cet été, les autorités ont remboursé plus de 1 milliard de dollars de dette à partir de réserves de devises étrangères, mais doivent trouver environ 5 milliards de dollars de plus pour financer le déficit budgétaire prévu et davantage de remboursements de prêts. L’économie tunisienne s’est contractée de 8,2% l’an dernier tandis qu’un déficit de 11,5% a porté la dette publique à 87% du produit intérieur brut selon le FMI.
Plusieurs politiciens, intellectuels, syndicalistes, anciens diplomates et hauts fonctionnaires tunisiens, dont Moncef Marzouki, ancien président de la Tunisie, ont dénoncé la décision de Kais Saied d’accueillir un leader épinglé pour atteinte aux droits de l’homme, créant plus de tensions et de divisions dans la région.
Dans son discours d’ouverture, le président sénégalais a déploré l’absence du Maroc, membre clé de l’Union africaine. La même position a été exprimée par plusieurs dirigeants africains, dont les Présidents des Comores, du Burundi, du Libéria, de la Guinée équatoriale et de la RCA, tandis que le Président de la Guinée-Bissau et le Président de la CEDEAO ont quitté le rassemblement pour protester contre la participation imposée du chef du Polisario à la réunion Afrique-Japon.
Le Japon a réitéré son soutien à l’intégrité territoriale du Maroc, affirmant que l’entité séparatiste n’a pas sa place dans la TICAD et que sa présence ne signifie pas que Tokyo la reconnaisse.
« Même si un groupe qui se revendique comme un État que le Japon ne reconnaît pas a été vu dans cette salle, cela ne signifie pas que le Japon le reconnaît implicitement ou explicitement comme un État », a affirmé le chef de la diplomatie japonaise, dans sa déclaration finale. Une gifle au visage du Polisario, de l’Algérie et de la Tunisie.
Des liens qui restent intacts entre les deux peuples
La décision prise par le Maroc n’affecte en rien les liens forts et intacts entre les peuples marocain et tunisien, qui sont liés par une histoire commune et un destin partagé, et qu’elle ne remet pas en cause non plus l’attachement du Royaume du Maroc aux intérêts de l’Afrique et à son action au sein de l’union africaine, ni ne remet en cause l’engagement du royaume au sein de la TICAD.
À quand un Maghreb uni ?
Alors que le monde se constitue en blocs régionaux qui comptent dans l’échiquier géostratégique, les pays du Maghreb n’arrivent pas à réaliser le rêve d’un bloc régional fort, à même d’affronter les défis du futur en toute sérénité pour le bien-être de leurs citoyens. Au lieu de chercher à aller dans le sens de la construction et à capitaliser sur les leviers qui rapprochent les pays du Maghreb, des événements irréfléchis viennent approfondir les divergences et accentuer les conflits.
Alors que les peuples du Maghreb aspirent à la stabilité, au progrès et à la prospérité, certains de leurs dirigeants font tout le contraire. Le problème, c’est que le monde qui avance ne nous attend pas.