Salvador : Importante opération militaire contre les gangs de narco-trafiquants

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Alors que les forces armées d’un pays ont principalement pour mission de le défendre contre un ennemi supposé venir de l’extérieur, l’armée du Salvador et ses forces de police affrontent, depuis un bon moment déjà, des ennemis venus de l’intérieur ; à savoir, des gangs de narco-trafiquants.

Ainsi, après le bouclage, ce samedi, du quartier « Tutunichapa, à San Salvador, la capitale, par plus de 1.000 soldats et 130 policiers, dépêchés à l’effet d’« extraire » de cette zone « célèbre pour le trafic de drogue », les criminels et les trafiquants, il a été procédé, d’après le ministre de la Défense, René Merino, à l’arrestation de 23 personnes sans que l’on sache, toutefois, s’il s’agit de membres de gangs ou de personnes impliquées dans le trafic de drogue.

En saisissant cette occasion, le président salvadorien, Nayib Bukele, a tenu à préciser, dans un tweet, que « tous les terroristes, trafiquants de drogue et membres de gangs seront expulsés de ce quartier, qui était, jusqu’à il y a quelques mois, un bastion du crime » avant d’ajouter que « les citoyens honnêtes n’ont rien à craindre et [qu’ils] peuvent continuer à mener leur vie normalement ».

Mais en étant persuadés qu’après l’encerclement de ce quartier, nombreux sont les trafiquants de drogue qui sont partis se réfugier à « La Granjita », un autre quartier de la capitale servant d’important centre de distribution de drogue, un millier de soldats et une centaine de policiers s’y sont dirigés, dans la soirée, afin d’encercler les fuyards.

Pour rappel, le 27 mars dernier et sur demande du président Bukele visant la lutte contre la recrudescence des violences provoquées par les gangs de narco-trafiquants, le Congrès avait décrété un Etat d’urgence ; ce qui, depuis cette date, a conduit à l’arrestation de plus de 60.000 personnes pour leurs liens présumés avec des organisations criminelles dès lors que l’Etat avait même autorisé des gardes à vue de quinze jours et des écoutes téléphoniques sans qu’il soit besoin d’une quelconque autorisation judiciaire.

Dans les prisons du pays, qui étaient déjà surpeuplées du fait que quelques 16.000 membres de bandes armées rivales qui se livrent au racket et au trafic de drogue  – dont les effectifs sont estimés à près de 70.000 individus – y croupissaient déjà,  des mesures de rétorsion furent prises ; ce qui avait fait dire au président Bukele sur son compte Twitter – vidéo à l’appui –  après qu’il ait promis qu’ « aucun ne sortirait de prison » : « Nous leur avons tout réquisitionné, même leurs matelas. On a rationné la nourriture et ils ne verront plus la lumière du soleil ».

Les détenus appartiennent principalement à deux clans rivaux emblématiques qui avaient été formés à Los Angeles, aux Etats-Unis, par les réfugiés de la guerre civile salvadorienne (1980-1992), qui sont, d’un côté, la « Mara Salvatrucha » (MS-13) et, de l’autre, le « Barrio 18 ».

Mais, comme à la fin des années 1990, les Etats-Unis avaient commencé à expulser, vers le Salvador où le calme était revenu, des milliers de détenus issus de ces deux réseaux, ceux-ci avaient commencé, à leur retour au pays, à se livrer à une guerre de suprématie ayant profondément miné ce petit Etat de 6,4 millions d’habitants.

Pour mettre un terme à ces violences, l’Etat était parvenu à imposer une trêve aux protagonistes mais celle-ci fut de courte durée ; ce qui avait poussé les autorités salvadoriennes à lancer, à partir de 2015, une campagne de « mesures exceptionnelles » se traduisant par la création d’unités de police d’élite, la participation de l’armée à l’effort sécuritaire et par l’octroi de toutes les facilités requises pour mener des perquisitions et procéder à des saisies. L’Etat avait même conféré aux agents de police le « droit » de tirer sur les délinquants « sans craindre les conséquences de leurs actes ». Mais, comme il fallait s’y attendre, ce « tournant tactique » avait été accompagné d’une hausse des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture.

De tels faits donnant inévitablement lieu à des ripostes de la part des « victimes », rien n’indique que la guerre qui oppose les autorités salvadoriennes aux narco-trafiquants soit sur le point de cesser mais attendons pour voir…

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