Soufiane Marsni: «cette situation, très singulière, fait perdre au temps toute sa valeur»

Des écrivains à l’heure du Covid-19

Ce que nous vivons aujourd’hui ressemble à un film de science-fiction, un scénario digne des plus grandes réalisations Hollywoodiennes, à la seule différence que dans les films il y’a toujours un héros superpuissant qui débarque de nulle part pour tuer le mal et sauver l’humanité. Hélas ! Cette engeance n’existe pas dans la réalité. Tout le monde est mobilisé pour vaincre le Virus et stopper sa propagation par tous les moyens. Les gestes d’hygiène se multiplient, et comme cela n’est pas suffisant, les humains sont contraints à se confiner.

Cette situation, très singulière, fait perdre au temps toute sa valeur. Il n’a plus la même emprise sur notre vie. Le temps n’est plus l’or du sage, ce n’est plus qu’une suite ininterrompue et monotone d’heures et de jours insignifiants.

Condamnés à s’enfermer, les humains s’inquiètent et s’interrogent sur ce qu’ils pourraient faire des longues journées qui s’offrent à eux. Meubler l’écoulement des jours devient tout à coup un véritable défi, le souci de tout un chacun. La lenteur du temps commence alors à peser de tout son poids sur notre quotidien. L’oisiveté devient «l’ennemi du peuple», le croquemitaine de tous ceux qui s’étaient habitués à faire meilleurs usage de leur temps. Jamais l’expression «tuer le temps» n’avait pris une connotation aussi meurtrière sur la langue des humains!

Les activités intellectuelles comme la lecture, par exemple, se révèlent un passe-temps fructueux. Les gens lisent de plus en plus, se découvrent enfin une véritable passion pour la lecture; certains, transportés par la magie des mots, regrettent même d’avoir boudé le livre pendant si longtemps. Les réseaux sociaux font écho des œuvres littéraires qui abordent des thèmes similaires à ce que le monde traverse aujourd’hui. On se donne des conseils. Les internautes envahissent la toile de leurs commentaires. Jamais les bibliothèques n’avaient été aussi souvent visitées, explorées. Ceux qui n’ont jamais eu la sagesse de se constituer une bibliothèque cherchent une consolation dans le format pdf accessible en un clic. Ainsi, le livre devient-il, par la force des choses, le meilleur ami de l’homme. Bien que le temps ne permette aucune manifestation de joie, je ne peux, cependant, cacher ma satisfaction par rapport à un tel engouement.

C’est, paradoxalement, à cette époque que l’industrie du livre semble traverser une crise sans précédent ! Tout le monde de la littérature est en berne ! Les éditeurs et les imprimeurs décident de suspendre, momentanément, leur production, des festivals importants ont été annulés, des tables rondes et des rencontres prometteuses ont été reportées jusqu’à nouvel ordre ! Même les salles de lectures et les librairies ont dû fermer, avec un mot d’excuse collé sur la vitre à l’attention de leurs clients. L’expression «Jusqu’à nouvel ordre !» devient un leitmotiv inquiétant, elle touche à tous les domaines et illustre l’incertitude qui plane sur notre vie.

Or, la notion du temps n’est pas la même pour un écrivain. Aussi, sa patience devant la page blanche est-elle riche d’enseignement ; elle peut servir d’exemple à ceux qui se laissent gagner facilement par le désespoir. Il est tout à fait impossible qu’un écrivain reste insensible à ce qui se passe autour de lui. Son reflex le plus spontané, le plus mécanique aussi, est de chercher à coucher ses émotions sur papier.

Ma nature casanière se révèle salutaire en ces temps difficiles. Aussi, ai-je pu travailler à un vieux texte que je n’ai jamais eu le temps d’achever, entamer un nouveau roman et parvenir à noircir plusieurs pages qui me semblent, dans la première exaltation de la création, très abouties. La lecture n’est pas en reste et fait partie de mon rituel. Toutefois, le confinement n’est pas sans conséquence sur mon emploi du temps qui se trouve rudement chamboulé, ce qui m’oblige à y apporter des agencements afin de l’adapter à la situation actuelle.

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