Une aventure…

Si aujourd’hui, on peut associer à mon nom l’attribut de «journaliste», étant camerounaise au Maroc, c’est parce qu’un jour, un choix très difficile a dû être fait : partir, pour une aventure incertaine.

Quitter mon pays confortable, ma culture, m’éloigner de ma famille, dire au revoir et peut-être «adieu» avec des larmes dans le cœur et plusieurs questions troublantes à l’esprit : où vais-je? Comment serai-je accueillie? Vais-je arriver à vivre dans un pays musulman, moi qui suis chrétienne? Et si, tout ce rêve que me faisaient miroiter le Cameroun et le Maroc, en m’octroyant une bourse d’études, virait au drame?

Mais si je peux regarder gaiement mon parcours académique et professionnel et l’avenir avec beaucoup d’optimisme, c’est surtout parce que d’autres se lancèrent également dans cette aventure, probablement aussi avec des appréhensions autant que moi. Mais ils décidèrent de croire en l’inconnu, de me faire confiance au-delà des préjugés et de probables expériences passées décourageantes avec des Subsahariens.

Ce 18 octobre 2008, alors que je posais mes valises sur le sol marocain, avec  des incertitudes, des doutes, des appréhensions dans le cœur, j’eus le plaisir d’être accueilli à l’aéroport Mohamed V par un soleil au zénith qui augurait ce que serait ma vie au Maroc, 8 ans plus tard.Jamais le désir d’être journaliste n’avait effleuré mon esprit. Encore moins, ma formation en «English Studies» ne m’y prédestinait à première vue. Après avoir cherché des semaines durant un stage en journalisme dans le cadre de mon master en «Moroccan-American Cultural Studies», ce fut à Al Bayane que l’occasion me fut offerte, en 2012, de découvrir l’univers du journalisme. Aussitôt après avoir rencontré le rédacteur en chef, je sus que mon expérience au sein de ce journal que je connaissais à peine serait plus bien plus qu’un stage ou un apprentissage. Je sus qu’une grande porte venait de s’ouvrir devant moi…

Les deux mois de stage se changèrent vite en une année.Après avoir obtenu mon master en 2013, je fus automatiquement embauchée au sein du journal, échappant ainsi au chômage auquel sont livrés plusieurs étudiants de filières littéraires, des Marocains, des Subsahariens, des étrangers…Mon parcours au sein d’Al Bayane fut marquée par des années d’apprentissage, de découvertes, de rencontres et surtout de connaissance de soi et de l’Autre…

S’intégrer au sein d’une entreprise est une nécessité. Mais lorsqu’on est étranger, atteindre cet idéal requiert bien plus qu’un simple désir personnel, une volonté. Cela nécessite une implication des autres, des collègues et responsables avec qui on ne partage pas forcément les mêmes référentiels culturels, la même langue. A Al Bayane, j’ai rencontré des collègues qui m’ont poussée à changer mon regard de l’autre, «le Marocain» et m’ont donné l’envie de faire partie de leur groupe, sans toutefois avoir à faire table rase sur mes origines.

C’est une question qu’on me posa par hasard un jour qui me poussa à réfléchir sur mon parcours. «Comment fais-tu pour être journaliste en culture et société au Maroc, un pays dont tu ne connais pas la culture ?» Cette question n’avait jamais traversé mon esprit jusqu’au jour où quelqu’un me la posa à l’Ambassade du Cameroun à Rabat.  C’est que dans l’entreprise où je travaillais, on ne me l’avait jamais fait remarquer. Je n’avais pas subi un test de connaissance de la culture ou de la société marocaine avant d’être embauchée comme journaliste. On avait tout simplement cru en moi. Et même si on y avait pensé, on s’était certainement dit que ma différence serait non pas une entrave à mon travail, mais plutôt une richesse pour l’entreprise et mes collègues. Les responsables avaient alors décidé de m’accompagner dans cette aventure pour apprendre sur le tas le métier de journaliste, apprendre au fil du temps la culture marocaine, la comprendre, me perfectionner au jour le jour…

Mais tout cela a été possible grâce à un effort pour connaitre l’Autre.La vie réserve des surprises à bien des égards. Et qui ne sait pas se lancer dans l’Aventure, les yeux fermés parfois, en faisant fi du danger, de la peur de l’inconnu et de l’autre et tout ce qui l’entoure, condamne sa vie à la routine, à l’ordinaire et se prive de découvertes… L’ouverture sur l’autre reste une source de richesse, bien évidemment avec ses défis, comme une rose dont l’odeur parfume et les épines répugnent. Il y a toujours une facette de l’autre que l’on croit ne pas encore connaitre, surtout lorsque notre maitrise de sa langue est tâtonnante. Le risque alors est de ne pas complètement s’ouvrir et de ne pas vivre pleinement cette rencontre.

S’intégrer dans une société étrangère reste un but à atteindre, nécessitant toujours de faire des efforts au quotidien, de négliger et passer outre certains comportements, d’être positif, de pardonner, de ne pas s’arrêter de croire en l’Autre, de lui donner toujours une chance.

Danielle Engolo

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