Une course lancée pour remonter dans les parts de marché?

Distanciée par les grandes banques de la place dans la ligue desquelles elle s’estime en droit de jouer, Société Générale Maroc se rebiffe et veut déployer une nouvelle stratégie sur les 4 prochaines années. Objectifs : accroître son chiffre d’affaires et son résultat. Une prise d’élan qui se fait avec son nouveau Président du Directoire qui signe là sa première sortie à travers laquelle il a sans doute souhaité marquer son empreinte. Optimisme…

C’est une nouvelle année, et avec elle viennent les nouvelles résolutions. Auprès de la filiale marocaine du groupe bancaire français Société Générale, ces résolutions ont pris la forme d’un nouveau plan stratégique à décliner sur 4 ans, de 2019 à 2022. Quelque peu lâchée par la concurrence malgré ses efforts, Société Générale Maroc entame son sprint dans l’espoir de rattraper “son retard“. Au rang des objectifs primordiaux de ce plan d’actions, l’investissement dans les technologies. D’ailleurs, le patron du groupe Attijariwafa bank, Mohamed El Kettani, le disait dans une de ses interventions il y a quelques années, «les nouveaux concurrents de la banque ne seront plus les autres banques confrères, mais toutes ces sociétés technologiques qui viennent chasser sur les terres de la banque». À ce constat à froid qui pointe depuis quelques années avait répondu Attijariwafa bank par son plan stratégique étalé sur 4 ans, 2016-2020, nommé «Énergies 2020». Société Générale Maroc vient quant à elle d’initier sa nouvelle séquence de plan stratégique du nom de « Avenir 2019-2020 ». Ambitieux sur tous les points, ce plan vise, à tout le moins, à rompre avec la stagnation qui a caractérisé le produit net bancaire (PNB) de Société Générale Maroc pendant 5 années, entre 2013 et 2017. Ce PNB s’était “stabilisé“ autour de 4 milliards de dirhams durant cette période et s’élevait à 3,5 milliards de dirhams à fin septembre 2018.

Dans le sillage de Paris

Et dans le sillage du remue-ménage engagé au sein de la maison-mère française (nouvelle signature, campagne de communication, repositionnement), la filiale marocaine devait s’inscrire dans la mouvance en proposant son propre plan pour les années à venir. Si en France, on parle aussi et surtout de refermer définitivement la page Kerviel, au Maroc il s’agira plutôt et bien de recoller au peloton de tête qui semble avoir laissé Société Générale Maroc dans sa poussière. Cette volonté de rupture de l’actionnaire français a-t-elle été à la base des changements intervenus dans le top management marocain, où un jeu de chaises musicales a permis de faire débarquer de Paris Ahmed El Yacoubi pour prendre, in fine, la place de Khalid Chami bombardé Président du Conseil de Surveillance ? Sera-t-il l’homme des ambitions de transformations technologiques du Groupe au Maroc ? Celui-ci déclarait lors de la conférence de présentation de son “programme“ : «Le monde change, Société Générale accompagne ce changement. Nous voulons construire avec nos clients l’avenir.

Nous allons ainsi investir dans l’innovation, les nouvelles technologies et le digital pour offrir des expériences clients renouvelées et des parcours optimisés. Notre ambition est d’accompagner au mieux le développement de nos clients au Maroc et à l’international et consolider notre positionnement en tant que locomotive du groupe en Afrique». Doux euphémisme pour décrire une situation où Société Générale Maroc semble marquer le pas en termes  d’efforts de transformations technologiques dans lesquels s’activent toutes les grandes banques. D’ailleurs, D-Rating, agence de notation de la performance digitale des entreprises, avait effectué en 2018 une étude sur l’expérience digitale des clients. Le travail, nommé «Expérience client digitale : Présence et Satisfaction», avait comparé l’usage et la performance des canaux digitaux de 10 banques marocaines. Les résultats, intéressants à plus d’un titre, ressortirent 3 principales conclusions : CFG Bank est la meilleure dans le classement web, Al Barid Bank superforme en termes d’applications mobiles et CIH Bank est la seule banque marocaine à figurer dans le top 3 des deux classements. Dans le détail, le Top 3 Web est constitué de CFG Bank (score de 32 sur 50), suivie de BMCI (29) et CIH. En matière d’applications mobiles, Al Barid Bank est 1ère, suivie de CIH et Attijariwafa bank. Sondée dans cette étude, Société Générale Maroc, comme bien d’autres, n’est pas classée parmi les meilleures performances. Dès lors, investir dans les nouvelles technologies est devenue bien plus une nécessité qu’une simple volonté d’offrir une meilleure expérience aux clients.

700 MDH pour se remettre En Marche

Le plan de transformation dévoilé intègre donc cette composante et s’articule autour de 5 axes principaux : renforcer la proximité avec les clients autour d’un modèle relationnel omnicanal (data et rapports humains); offrir une gamme de produits et services aux meilleurs standards internationaux ; investir dans l’innovation, les nouvelles technologies et le digital ; faire évoluer son organisation pour favoriser l’agilité dans les prises de décision et renforcer les pouvoirs des équipes ; et accompagner les transformations positives du Royaume, en tant qu’acteur responsable et engagé socialement. La mise en œuvre de cette feuille de route devrait permettre à la banque de générer chiffre d’affaires (PNB) de 6 milliards de dirhams, en croissance annuelle de 7%, et faire bondir ses bénéfices nets de 60% à l’horizon 2022 pour un total de 1,5 milliard de dirhams. Pour rappel, selon le classement 2017 des banques au Maroc présenté en juin dernier par le département «Analyse et Recherche» de la société de bourse Crédit Du Maroc Capital (CDMC), Société Générale Maroc détient une part de marché de 8,5% sur les crédits (5ème), une part de marché de 6,85% sur les dépôts (5ème) et arrive 4ème en termes de PNB avec 3,91 milliards de dirhams.

Afin d’atteindre ces objectifs, la banque va poser 700 millions de dirhams sur la table pour couvrir l’ensemble de ses investissements. Alors qu’une bonne partie de cette enveloppe ira à l’investissement dans les technologies, l’ouverture d’une dizaine d’agences par an accaparera également son quota. Le management tient à son mix omnicanal alors même que Hiba Zahoui, Directrice de la supervision bancaire à Bank Al Maghrib, faisait le constat que «depuis quelques années l’élargissement physique du réseau bancaire s’est ralenti» du fait de l’essor du digital. Les ambitions de Société Générale Maroc repose d’une part sur l’efficacité du déploiement du plan stratégique (soit), et d’autre part sur la performance de l’activité économique. Pour cette dernière gageure, a-t-on seulement demandé son avis à la pluie?!

 

Un nouveau Président, une nouvelle signature, un air de déjà vu?

Le nouveau plan stratégique annoncé par Ahmed Yacoubi, le nouveau Président du Directoire de Société Générale Maroc, s’accompagne, en tout état de cause, d’une nouvelle signature.

Preuve d’une banque qui vit et d’un nouvel élan que le Président entend donner à l’entreprise, cette nouvelle signature se décline comme suit : «C’est vous l’avenir». Celle-ci adoptée au niveau de la maison-mère française se répand donc dans ses filiales comme une base commune de communication. Mais au Maroc, où le management a récemment dévoilé ses ambitions pour les 4 prochaines années, cette signature semble faire écho à celle d’une autre banque. Pour ne pas la nommer, il s’agit bien du «Croire en vous» d’Attijariwafa bank, lancée en octobre 2015 avec une campagne de communication d’envergure à l’époque. «Croire en vous» et «L’avenir c’est vous» : voit-on une quelconque ressemblance ? De toute évidence, les grandes banques ont choisi d’évoquer le public/le client dans leur signature institutionnelle pour lui signifier son importance et l’attention qu’ils lui accordent. Mais, n’allez surtout pas penser que l’agence internationale de publicité Havas, qui a accompagné Société Générale (France) dans la définition de sa nouvelle campagne et signature, ait singé l’Attijariwafa bank nationale. Quand même!!!

Quant au nouveau Président du Directoire de Société Générale Maroc, Ahmed El Yacoubi, il est un produit de la maison Société Générale qu’il a rejoint en 1996, au sein de la Direction des Systèmes d’Information. Début février de l’année dernière, il avait été désigné nouveau Directeur Général de la banque en remplacement de Jerôme Jacquier avant de se voir, un mois plus tard, catapulter Président du Directoire à la faveur de la nomination de Khalid Chami (son prédécesseur) à la Présidence du Conseil de Surveillance, en remplacement de Jean-Luc Parer. Avant d’accéder à ces deux postes en l’espace d’un mois, Ahmed El Yacoubi avait été au siège du Groupe à Paris en tant que Directeur Régional de l’Afrique de l’Ouest depuis 2014, après avoir été Directeur Général Adjoint en charge du Pôle Ressources Générales et Banque de Flux depuis 2012 (Maroc). Avant ce dernier poste, il était Secrétaire Général de SGMB depuis 2007. Au niveau du Groupe, à Paris, il a participé au développement commercial de sa zone et au déploiement d’une stratégie d’innovation ambitieuse, ponctuée par le lancement de la solution de « mobile money» YUP.

 

L’esprit BCP

Sans le nommer comme tel, de nombreuses banques se sont orientées vers une organisation à la manière Banque Populaire, du moins dans l’esprit. Plus de délégation de pouvoirs aux régions pour plus de proximité avec les clients et plus de rapidité dans les prises de décisions.

À l’image du Groupe Banque Populaire organisé en 9 Banques Populaires Régionales en plus de la Banque Centrale Populaire, d’autres concurrents du secteur ont marché dans ses pas, sans pour autant pousser la comparaison jusqu’à prendre l’option des banques régionales. C’est aujourd’hui Société Générale Maroc qui s’appuie sur cette idée de l’organisation dans son nouveau plan stratégique «Avenir 2019-2022».

La filiale du français Société Générale compte déployer une nouvelle organisation avec la création de 11 services unit, 10 business unit et 5 délégations régionales. L’objectif dévolu à cette organisation en 5 régions -Casa-Centre-Est, Casa-Sud-Ouest, Littoral Nord, Sud, Centre Oriental- est d’accorder plus de pouvoir au réseau avec pour but, à terme, de voir 80% des dossiers de crédit traités au niveau du réseau, de renforcer les relations de proximité avec les clients et d’opérer un ancrage local plus fort. L’organisation entend, par la même occasion, réduire le nombre d’acteurs intervenant dans ce process de décision.

La nouvelle donne rappelle étrangement le virage opéré par Attijariwafa bank dans son organisation il y a quelques années. La filiale de Al Mada (ex-SNI) avait également adopté la même organisation pour son réseau marocain, en scindant son marché national en 5 régions coiffées par des directions : Grand Casablanca, Nord-Ouest, Nord-Est, Sud, Sud-Ouest. Al Bank Chaâbi avait montré la voie…

Douieb Soumayya

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