Une longue histoire et reconnaissance à raconter…

Al Bayane et l’amazighe 

Mohamed Nait Youssef

Un demi-siècle déjà. Al Bayane célèbre, fin novembre, avec fierté et grandeur son cinquantième anniversaire. C’est plus qu’une simple date, c’est un triomphe des combats menés avec engagement, persévérance, patriotisme et professionnalisme pour la liberté, la justice et le progrès. Depuis sa création en 1972 par le leader nationaliste et progressiste feu Ali Yata, Al Bayane a ouvert ses colonnes aux militants, intellectuels et défenseurs de l’amazighe dans une époque où la question de l’amazighe était un tabou.

Ahmed Aassid :

«La presse du PPS a ouvert ses pages aux  revendications et aux déclarations du mouvement amazigh à un moment où la plupart des journaux partisans – sinon tous – fermaient leurs portes à notre discours…»

«Le journal Al Bayane en français, ainsi que Bayane Al Youme en arabe, sont des plateformes médiatiques d’un Parti socialiste, qui, en plus d’être le plus ancien parti du Maroc, est avant tout un parti de gauche avec une référence intellectuelle et philosophique enracinées. C’est un parti qui a défendu des valeurs qui sont toujours d’actualité dans le débat public, qui a appelé à la démocratisation politique et à la justice sociale et a soutenu  en même temps l’égalité des sexes et les libertés collectives et individuelles, ainsi que la reconnaissance des droits culturels et linguistiques amazighes. Ainsi, il a participé à la consolidation du processus démocratique national, en décortiquant le dogme de l’idéologie réductionniste d’exclusion, et en appelant à la reconnaissance de la diversité, et c’était son domaine de prédilection lorsque le nationalisme arabe et l’islam politique dominaient dans l’arène.», nous confie Ahmed Aassid, écrivain et défenseur des droits humains.

Depuis 1980, le PPS a publié un livre sur la langue et la culture amazighes comme étant le socle de l’identité nationale, en appelant à la nécessité de les reconnaître, a-t-il rappelé.

Selon Ahmed Aassid, la presse du parti a également ouvert ses pages aux  revendications et aux déclarations du mouvement amazigh à un moment où la plupart des journaux partisans -sinon tous- fermaient leurs portes à notre discours.

«La presse du parti publiait également des articles et des écrits de l’élite du mouvement amazigh à l’époque où ses idées n’étaient pas acceptées par la classe politique marocaine, et étaient jugées contre le patriotisme et l’unité du pays. D’un autre côté, la presse du PPS a courageusement affronté les idées du nationalisme arabe et son  idéologie politique à l’époque où elles prévalaient dans notre pays.», a-t-il fait savoir.  

D’après lui toujours, les journaux Al Bayane et Bayane Al Youme ont été les premiers à ouvrir leurs pages à la langue et à la culture amazighes, en leur réservant un espace régulier.

«Les deux titres ont suivi l’actualité et les positions du mouvement associatif  amazigh et ont fait connaitre les personnalités de la culture amazighe, y compris les écrivains, les artistes et les créateurs, et c’est quelque chose qui compte pour «Al Bayane». C’est pour cette raison que nous le félicitons à l’occasion de son 50ème anniversaire, et nous lui souhaitons plus de succès dans son parcours professionnel et militant.», a-t-il révélé.

M’hamed Sallou:

«Al Bayane était le principal défenseur des luttes du mouvement amazighe »

Al Bayane était depuis toujours au devant de la scène, accompagnant les luttes du mouvement amazighe.

Selon l’acteur et militant amazigh, M’hamed Sallou, Ali Yata et Mohamed Farhat -qui était journaliste et néanmoins membre du bureau politique du Parti communiste marocain depuis la fin de la décennie 1940-, étaient les premiers à ouvrir les pages d’Al Bayane au mouvement amazighe et aux militants du sud-est pour exprimer leurs revendications et attentes.

«Espace Tamazight», une page hebdomadaire d’Al Bayane, a-t-il dit, était une fenêtre ouverte sur les jeunes qui ont brillé par leurs créations et opinions.

Par ailleurs, de nombreuses plumes, entre autres, Ali Iken, Harchrass, Omar Taous, Moha Moukhlis, Fouad Lahbib, Zayd Ouchna ont pris part à cette aventure. «Il faudrait rappeler qu’il n’y avait pas de censure sur leurs écrits ou créations. La preuve : les peintures de Fouad Lahbib, où il y avait le tifinagh, ornaient la page.», nous indique M’hamed Sallou.

La deuxième période était avec Said El Mouloudi qui dirigeait une page hebdomadaire «Aloud» consacrée à l’amazighe dans le journal Bayane Al Youme.

Par la suite,  une autre page hebdomadaire «Issouraf » a été initiée par M’hamed Sallou.

«Le journal Al Bayane était le principal défenseur des luttes du mouvement amazighe dans toutes les régions du Maroc. Al Bayane avait joué un grand rôle pendant les arrestations des militants de «Tilili» à Errachidia. Un plaidoyer du camarade Nadir Yata dans le journal Al Bayane en témoigne.», a rappelé M’hamed Sallou, membre du comité central du PPS.

En outre, il ne faut pas oublier le livre blanc qui est un document académique mettant les lumières sur la profondeur de la  diversité culturelle et linguistique au Maroc, ainsi que ses retombées économiques.

Moha Moukhlis :

«Al Bayane est le premier organe de presse qui a brisé le tabou et l’omerta qui ont frappé la langue et la culture amazighes»

Témoigner pour le quotidien Al Bayane constitue pour moi un honneur, écrivait Moha Moukhli. Ce journal, a-t-il dit, a toujours porté un discours qui œuvre pour la tolérance et la coexistence fructueuses des langues et des cultures. Il a toujours milité pour que l’amazighité, notre substrat de base de l’identité nationale, soit réhabilité, reconnue et trouve les relais de son développement et de son épanouissement aux niveaux des institutions nationales, a-t-il affirmé.

D’après lui, Al Bayane est le premier organe de presse, qui a brisé le tabou et l’omerta qui ont frappé la langue et la culture amazighes, en consacrant, depuis le début des années quatre-vingt-dix, une page quotidienne à cette culture tant stigmatisée par le discours monolithique et niveleur. « J’eus l’honneur de faire partie des quatre initiateurs de cette page et d’avoir coordonné sa matière. Toute ma reconnaissance va à feu Mohamed Ferhat, responsable de la page, mais aussi à feu Simon Lévy qui lui a apporté son soutien.», a-t-il rappelé.

La page, poursuit-il, continue à être améliorée et élargie dans ses thématiques, grâce aux efforts et à l’abnégation d’un jeune journaliste aussi chaleureux que disponible : Mohamed Nait Youssef, auquel j’exprime mes encouragements et ma sincère amitié.

Al Bayane poursuivra certainement sa trajectoire de quotidien «connecté » aux réalités sociales, et conscient de l’importance de la culture comme levier pour le développement et rempart contre toutes formes de dérive.

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