L’Agriculture urbaine dans le grand Casablanca
Mahmoud Nafaa*
Dans un contexte de stress hydrique au Maroc, plusieurs efforts commencent à se faire jour pour aller dans le sens de la sécurité hydrique. Cas de l’option de l’agriculture urbaine. A Casablanca, des scientifiques, des acteurs associatifs et des opérateurs privés ont décidé désormais d’adopter cette solution qui contient plusieurs avantages. Dans le pourtour périurbain de la ville, et notamment à Médiouna, Dar Bouazza, Mohammedia et Nouacer, on a décidé d’implémenter plusieurs projets d’agriculture urbaine. On vous expose ici la valeur ajoutée et les défis que cette solution novatrice prévoit de relever.
Sécurité hydrique et alimentaire, un des objectifs de l’agriculture urbaine
Le problème de l’eau réside en premier lieu dans l’agriculture, « qui en consomme 85 à 87% des ressources », selon les affirmations du Pr. Fouad Amraoui, hydrogéologue à la faculté des sciences d’Ain Chock. Par conséquent, pour faire face au stress hydrique et au danger de pénurie hydrique, il faut réorganiser l’agriculture. Mais comment parvenir à réorganiser l’agriculture de façon à assurer la sécurité hydro-alimentaire ? L’agriculture urbaine est une des solutions qui s’efforcent de répondre à cette problématique, et que certains acteurs académiques, associatifs, gouvernementaux et économiques ont choisi d’adopter.
Objectif, thématiques et avantages de l’adoption du projet de l’Agriculture Urbaine à Casablanca (AUC)
Selon un document institutionnel de la Faculté des Sciences d’Ain Chock, détaillant le projet de l’AUC (Agriculture Urbaine à Casablanca), le papier indique que ce projet s’inscrit dans un programme de recherche international financé par le Ministère fédéral allemand de l’Education et de la Recherche). Ce programme vise l’implémentation de plusieurs projets dans plusieurs mégalopoles futures de par le monde, comme Addis-Abeba (Ethiopie), Johannesburg (Afrique du Sud), Hyderabad (Inde), Karaj (Iran), Lima (Pérou), Ho Chi Minh-Ville (Vietnam), Fengxian (Chine). A travers ce projet, on vise à doter l’agriculture d’un rôle privilégié dans le développement de la future mégalopole de Casablanca. Les thématiques se déclinent en ce qui suit : la planification spatiale, l’approvisionnement de la ville, la gestion et le recyclage de l’eau, l’efficience énergétique, l’adaptation au changement climatique et la promotion du développement durable. Quant aux avantages du projet, ils sont sociaux, économiques, écologiques et urbains. Sur le plan social, on vise à assurer la production proche, l’autoconsommation et l’amélioration de la nutrition. Economiquement parlant, on ambitionne de créer des emplois, générer des revenus et développer l’épargne. L’avantage écologique réside dans la possibilité du recyclage efficace des déchets urbains, l’atténuation des effets du changement climatique et l’éducation environnementale. On dénombre également des avantages urbains tels que l’édification des villes durables, l’équilibre entre l’urbain et le rural, l’intégration des espaces ouverts dans les plans d’aménagement.
Dysfonctionnements énergétiques, agricoles et hydriques
Toutes ces solutions visent à pallier les dysfonctionnements suivants : premièrement, l’évolution exponentielle de la population urbaine au Maroc générant une hausse de la consommation, le gaspillage d’énergie, le trafic dense et la pollution de l’air. Deuxièmement, il y a d’importants volumes de déchets urbains mal gérés, et un approvisionnement en eau potable insuffisant. Troisièmement, la prolifération de l’habitat informel et de l’insécurité, la perte de la cohésion sociale et la propagation de la pauvreté. Et enfin, des dysfonctionnements relatifs à la gouvernance et à la coopération.
Le cas de Médiouna, une station de traitement de l’eau usée pour alimenter un jardin d’agriculture urbaine
Grâce à un partenariat entre l’ARADD (l’Association Recherche-Action pour le Développement Durable) et la Fondation Lydec, on a réussi à construire une station d’épuration des eaux usées (STEP) à Médiouna en 2013, puis un jardin d’agriculture urbaine dans les locaux de la même station en 2017. D’ailleurs, Fouad Amraoui, hydrogéologue et président de l’ARADD, explique : « nous, dans le cadre d’un projet associatif, on a développé un projet, c’est la STEP de Médiouna, nous y avons construit un jardin d’agriculture urbaine où nous prouvons que nous pouvons utiliser l’eau usée et traitée pour construire des espaces verts et pour développer l’esthétique des villes, pour alimenter artificiellement les nappes phréatiques, et même pour mettre en place l’irrigation agricole si la qualité de l’eau le permet. Donc en somme, c’est un choix possible maintenant au Maroc, d’optimiser le traitement des eaux usées».
Concernant le jardin expérimental d’agriculture urbaine à Médiouna, Bouchra Sabib, chargée des relations média au sein de la Lydec, informe : « cet espace de 1 600 m² représente l’un des projets phares mis en œuvre par la Fondation Lydec dans le cadre du Plan d’Actions Changement Climatique déployé par Lydec, en amont de la COP 22…cet espace est le fruit d’une collaboration pluri-acteurs réussie, avec le soutien de différentes associations et du monde universitaire».
Quatre autres projets pilotes d’agriculture urbaine dans le grand Casablanca
Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche incluant quatre autres projets pilotes, dans la région du Grand Casablanca. Deux à Dar Bouazza, un à Nouacer, et un autre à Chellalate Mohammedia, tout en respectant la spécificité de chaque région et en la dotant d’objectifs d’efficacité : à Dar Bouazza, la gestion de l’habitat informel et la production d’alimentation saine, à Nouacer, une industrie de traitement membranaire anti-pollution, et finalement à Chellalate Mohammedia, la promotion du tourisme. Ayant des objectifs adaptés à leurs spécificités, ces différents projets pilotes s’accordent tout de même sur un objectif commun, une meilleure gestion de l’eau en vue de contribuer à l’atteinte de l’objectif de la sécurité hydrique.
*(journaliste stagiaire)