Après les quatre ans de mandat tumultueux d’Herbert Diess
Volkswagen a confié, en fin de semaine dernière, son avenir à un nouveau patron, Oliver Blume, chargé de piloter le géant automobile dans un environnement économique difficile, après les quatre ans de mandat tumultueux d’Herbert Diess.
Produit maison rompu aux arcanes du groupe, le nouveau PDG n’arrive pas pour renverser la table : il devrait poursuivre les grandes lignes de la stratégie conduite par son prédécesseur — le virage vers la mobilité électrique et connectée.
« Nous avons fait les bons choix stratégiques et technologiques au sein du directoire, autour de Herbert Diess », a déclaré Blume au quotidien local Braunschweiger Zeitung. Et d’ajouter : « Maintenant arrive le temps de la mise en pratique tout en assurant la solidité financière »
« Un des principaux points sera pour moi de rebâtir l’esprit d’équipe au sein du groupe », a-t-il souligné.
Son prédécesseur a surtout dû son éviction, en juillet, aux tensions à répétition avec les représentants du personnel et l’équipe de direction, nourries par son style direct et provoquant.
Pour autant, Blume arrive aux commandes à un moment difficile dans la vie du premier constructeur européen, observe Matthias Schmidt, analyste spécialisé dans l’automobile électrique.
Le nouveau patron de 54 ans va devoir naviguer dans un contexte plus incertain que jamais avec la guerre en Ukraine et la persistance des pénuries de composants.
Il devra aussi mener cette année l’introduction en bourse de la filiale Porsche et résoudre les difficultés qui ralentissent le développement des logiciels Volkswagen censés être le coeur de la voiture du futur.
La révolution électrique et connectée implique des dizaines de milliards d’euros d’investissement, alors que le groupe a affiché des résultats mitigés au deuxième trimestre.
Pour succéder à l’Autrichien de 63 ans, les actionnaires principaux – la famille Porsche-Piëch – ont choisi un visage connu. Arrivé chez VW en 2015, actuel président du directoire de Porsche, Oliver Blume est même né à Braunschweig, à quelques kilomètres du siège historique du groupe à Wolfsburg (centre).
« Il y aura des changements, mais de manière relativement douce », résume pour l’AFP Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research. « Blume n’est pas quelqu’un qui mène des guerres »
Dans le détail, Blume pourrait se démarquer sur la question des carburants synthétiques.
Fabriqués à partir notamment de CO2 dans l’atmosphère en utilisant de l’électricité, ils permettent l’utilisation de moteurs traditionnels avec très peu d’émissions de CO2.
Herbert Diess avait fait le choix de tout miser sur les voitures à batterie, peu convaincu par l’efficacité des carburants synthétiques.
« Nous maintiendrons le rythme de la stratégie électrique, et accélérerons éventuellement mais ces carburants sont complémentaires et ont certains avantages notamment pour leur transport et la compatibilité avec des pompes à essence existantes », a affirmé Oliver Blume.
« Volkswagen va s’éloigner un petit peu de la stratégie du purement électrique face aux risques d’un virage trop radical », décrypte Ferdinand Dudenhöffer.
Si l’utilisation de carburants synthétiques à grande échelle n’est pas réalisable en l’état, en parler permet d’imaginer un avenir pour le moteur à combustion, selon l’expert.
Le sujet, délicat, sera tranché à Bruxelles, qui planche actuellement sur une possible interdiction des voitures individuelles neuves non-électriques à partir de 2035.
Oliver Blume pourrait peser pour une prolongation des motorisations utilisant les carburants alternatifs.
Au risque, à l’inverse, de ne pas pouvoir avancer « à fond » sur l’électrique comme Tesla, le concurrent américain qui fait figure de pionnier, préviennent les experts.
Autre chantier pour Blume : les logiciels. Alors qu’Herbert Diess souhaitait en tirer d’importants profits en réalisant le codage en interne, son successeur pourrait d’avantage s’appuyer sur des fournisseurs.
Car « pour faire fonctionner les logiciels, il faut des codeurs et pas des ingénieurs automobiles », résume Schmidt.
Le nouveau PDG devrait en revanche confirmer la décision de se concentrer davantage sur le marché américain afin de limiter la dépendance à la Chine, y voyant « une marge de progression »
La fabrication en interne des cellules de batteries, composante clé des voitures électriques, restera au coeur de la stratégie. Pour ses six projets de méga-usines européennes de batteries d’une capacité de 40 GWh chacune, et une aux États-Unis, Volkswagen a créé une entité dédiée « PowerCo », qui pourrait accueillir des investisseurs externes.
« Cela pourrait bien être l’héritage Diess, en plus d’avoir lancé l’électrification après le scandale dieselgate des moteurs truqués », selon Schmidt. A son successeur de faire fructifier le leg.