Le rêve dont le cœur est une fleur…

Le mystère des couleurs

Par Said Karmass, critique d’art

 Dans son « Histoire des couleurs, Michel Pastournau rappelle que, chez les peintres grecs et romains, seules trois couleurs existent, et sont utilisées dans toutes les colorations. Faire usage d’un bleu ou d’un rouge était hors de question; d’abord par ce que, dans le marché des colorants, le bleu et le rouge étaient inabordables économiquement, car leur pesant se payait en or, puis, leur usage était réservé aux grands.

A titre de rappel, le bleu indigo était importé de l’Extrême Orient (l’actuel Afghanistan) et valait de l’or; quant au pourpre, sa fabrication était longue et coûtait lui-aussi cher; une des villes romaines qui produisait ce matériau était la petite ville côtière Cotta (Achaqqar, pour les ignorants).

Que vient faire cet étalage d’informations, dans la lecture d’une toile de l’artiste peintre Youssef Saadoun ?

question légitime, sinon logique.

Depuis des années, notre artiste mène des recherches esthétiques sur le bleu, avec, comme objectif, la mise au point technique d’un bleu personnalisé, susceptible d’exprimer son fin fond artistique.

Ne dit-on pas que l’homme libre est semblable à la mer? (Victor Hugo, L’Homme et la mer).

Ne désigne-t-on pas l’Océan de « Grand Bleu »?

Cette analogie, si on l’applique aux toiles de Youssef Saâdoun, nous découvrirons que, des multiples essais entamés depuis une décennie, son univers bleu comprenait des motifs abstraits ou figuratifs de couleurs chaudes, voire joyeuses et froides; bien que, selon certains académiciens classiques, les mariages des couleurs chaudes avec des couleurs froides relevaient de l’hérésie esthétique. Cependant, à les voir classées dans l’ordre chronologique, ces toiles constituent à elles seules, une noce plastique.

Or, l ‘objet de ce texte, est la dernière toile de l’artiste peintre Youssef Saadoun, toile à laquelle j’ai donné le titre: « Le rêve dont le coeur est une fleur », et dans laquelle nous retrouvons toujours et le thème du rêve et le bleu, désormais propre à Youssef Saâdoun qui en est l’auteur par touches de recherches assidues.

En effet, sur un fond noir, une figure féminine se détache d’un abîme sans nom, entourée de formes suggérant un monde vacillant entre l’abyssal fond marin et le monde de Hadès, dieu des morts.

Cette figure féminine n’est pas sibylline, au contraire, elle a un regard certes triste, mais ne cherchant aucune envie ni vengeance. D’un regard hautain, voire fier, elle arbore une fleur d’un bleu propre à Saâdoun, placée juste au milieu d’une paire de seins généreux.

Est-elle l’ombre d’un viel amour? d’une génitrice défunte qui rappelle à sa descendance que la fleur sise entre deux sources de vie, est l’éclosion d’un coeur sans haine ni rancœur?

Un cœur dont le sang bleu est noble, venu des fond des âges?

Spéculations esthétiques? Je l’avoue; mais ne dit-on pas qu’une oeuvre qui ne soit pas ouverte, ne mérite point d’éloges ni de blames? Eh bien j’en fais aujourd’hui; demain est un autre jour pour les créateurs d’œuvres et de provocateurs de débats.

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