Collision à Rabat

La dynamique Association du cinéma et droits maintient le cap avec ses rendez-vous désormais devenus un agenda incontournable dans la vie culturelle de la capitale.

C’est ainsi  que le traditionnel jeudi du Cinéma et droits de l’Homme accueille cette semaine le film égyptien «Eshtebak» (clash-collision) de Mohamed Diab; celui-là même qui avait réussi un film excellent féministe, «Les femmes du bus 678». Choix opportun eu égard à la date qui correspond presque jour pour jour aux célébrations des six ans du fameux Printemps arabe. Certes le film aborde l’après janvier-février 2011 mais la problématique demeure. Nous sommes au Caire, été 2013. Peu de temps après la destitution du président Mohamed Morsi par un coup d’État militaire, de violentes émeutes opposent les partisans de sa faction politico-religieuse (les «Frères musulmans») et ceux de l’armée. Sur cette base historique, Clash de Mohamed Diab (connu en Égypte pour son implication dans la révolution de 2011) tisse un faux huis clos au sein d’un fourgon cellulaire où sont jetés des individus des deux camps.

Voilà ce que j’avais écrit lors de la projection du film à Carthage, (octobre novembre 2016) : Le film égyptien «Clash» de Mohamed Diab, sélectionné à Cannes en 2016, est un huis clos qui réunit dans un fourgon-cellulaire de la police des manifestants ramassés violemment  au cours de manifestations de 2013 qui ont fait suite à la destitution du président élu. Ce huis clos est conçu pour fonctionner comme un microcosme de la société égyptienne fracturée et éclatée entre divers courants et confessions. Les divergences politiques sont perçues comme une fragmentation communautaire : l’espace retreint du camion de la police devient l’enjeu de partage entre les différents courants que le récit reproduit dans la violence de leur rapport. La violence est omniprésente, amplifiée par les techniques du son numérique. Les frères musulmans, les pro-militaires, des journalistes, des fans de musique, un couple «ordinaire»… Toute cette société va reproduire la violence politique laissée hors champ. Les velléités d’humanisation sont vite réduites à néant par l’irruption de la violence.

Le film relève du cinéma de l’immersion, c’est-à-dire qui plonge son spectateur dans l’action, impliqué carrément dans le récit. Si le film est un indicateur sociologique sur l’Egypte post-révolution, il est aussi un élément de la sociologie du nouveau cinéma égyptien, post Naguib Mahfouz : un cinéma qui a connu son âge d’or autour d’un espace emblématique, celui la hara (la place), véritable carrefour social où se croisent et se tissent des regards, des rapports et des destins. Avec le film de Ziad et son huis clos mobile, c’est le signe des nouveaux temps qui commencent pour un cinéma désormais en apesanteur.

Mohammed Bakrim

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