Toumliline, l’esprit d’ouverture et d’œcuménisme…

Mohamed Nait Youssef

Au milieu de la nature du Moyen Atlas, le monastère de Toumliline, fondé en 1952  par la communauté d’En-Calcat, revêt une importance à la fois culturelle, religieuse, spirituelle et altéritaire. Ce fut un octobre, vingt moines bénédictins d’En-Calcat arrivèrent sur ce  lieu emblématique de confluence, de spiritualité, d’échange interreligieux et culturel,  qu’ils restaurèrent et fondèrent un monastère.

Perché au cœur de la forêt de cèdres, à 3 kilomètres de la fascinante ville d’Azrou, le monastère de Toumliline ou «les pierres blanches» en amazigh a ouvert ses grandes portes aux intellectuels, artistes, penseurs pour des débats sur les différentes problématiques et sujets de l’époque. Ce fut, pendant plusieurs années, un espace de rencontres et d’échanges entre les différentes  personnalités issues des quatre coins du monde. 

Outre ces activités intellectuelles et spirituelles, le monastère a offert,  pendant des années, une éducation de qualité aux enfants de la ville et d’autres régions, ainsi que des prestations à caractère social et médical aux populations. Le monastère  était également un refuge des orphelins et un espace pour se cultiver pour  une partie des élèves du  lycée Tarik à Azrou qui faisait tout un chemin pour bénéficier des livres de la bibliothèque, regarder des films, échanger et se cultiver.

Des rencontres internationales incontournables…

Le monastère de Toumliline a joué un rôle clé  dans l’histoire du Maroc. En effet, entre 1956 et 1967, ce site historique incontournable a abrité, les rencontres internationales incontournables, placées sous le haut patronage de feu le roi Mohammed V, dont la session de 1957, placée sous la présidence effective de feu le roi Hassan II, alors prince héritier.

À quelques mois après l’indépendance du pays, ce lieu s’est transformé, lors des sessions estivales,  en espace favorisant le dialogue interreligieux et culturel et se penchant sur les questions actuelles qui se posaient au Maroc ainsi qu’à de nombreux États africains nouvellement indépendants. Dans cet élan de décolonisation, le monastère a été considéré comme plateforme de réflexion et « think-tank » pour réfléchir sur l’avenir et les enjeux économiques, sociaux, politiques nationaux, contentieux et internationaux. Des thèmes, tels que l’éducation, la cité et des thématiques culturelles, interreligieuses ont été au cœur des débats. Ces rencontres de grande qualité ont été animées par des figures de la pensée, entre autres, Emmanuel Levinas, Louis Gardet, Louis Massignon, Français libéraux, Gabriel Marcel, Mohamed Aziz Lahbabi, Jean Daniélou, Louis Fougère, Régis Blachère, Fatima Hassar-Ben Slimane, Ahmed Balafrej, Mohammed El Fassi, Fkih Mohammed Belarbi.

Au fil des années, «L’Esprit de Toumliline» a perduré en construisant les ponts de la diversité, du dialogue, de la réflexion, de l’ouverture sur les différentes visions du monde. Ce rendez-vous  annuel phare, d’une vingtaine de jours, célèbre la pensée universelle en réunissant les étudiants, les jeunes et les grands noms de la scène culturelle, politique, philosophique et artistique de l’époque. Jilali Gharbaoui, précurseur de l’abstraction lyrique,  y effectuait  de nombreux séjours artistiques à Toumliline. Pendant 16 ans environ, le monastère a marqué les esprits des générations de jeunes  intellectuels et penseurs.

Réhabilitation, réinvention de Toumliline…

Les moines venus des environs de Castres, dans le Sud-Ouest de la France, ont laissé une empreinte considérable, indélébile. En effet, la préservation de l’histoire, du patrimoine et de l’esprit de Toumliline pour les générations futures est désormais une nécessité. Aujourd’hui, un projet de réhabilitation du  monastère, «Réinventer Toumliline», mené par la Fondation Mémoires pour l’Avenir, a pour objectifs  redonner une nouvelle vie à ce lieu historique, préserver son essence et transmettre ses valeurs et lettres de noblesse pour les générations actuelles et  futures. Dans le contexte que traverse le monde actuellement, marqué surtout  par les conflits et les violences, la réinvention de Toumliline est désormais une nécessité.

C’est dans cet esprit que s’inscrivent les initiatives de  la Fondation Mémoires pour l’Avenir œuvrant pour la conservation  des archives, de la mémoire et de faire revivre ce site historique, en développant ainsi des activités au profit de la population.

Toumliline dans le cinéma…

Le documentaire «Les cloches de Toumliline», signé par le réalisateur Hamid Derrouich, revient sur l’histoire  du monastère de Toumliline. Il y retrace le parcours, la vie et l’apport et les actions sociales des moines de l’abbaye d’En-Calcat à Dourgne dans le Tarn. En 2009, le réalisateur  français Xavier Beauvois a choisi le monastère de Toumliline  pour tourner son film «Des hommes et des dieux», sorti en 2010. En effet, l’intrigue de ce film est puisée dans l’assassinat des moines de Tibhirine en Algérie en 1996, retraçant leur vécu dans un contexte marqué par la violence durant les mois précédant leur enlèvement lors de la guerre civile sanglante algérienne.

En terre d’Islam, Toumliline demeure un symbole d’œcuménisme, de dialogue interreligieux et d’ouverture.

Étiquettes ,

Related posts

Top