«Le bon usage de l’article 5 résoudra beaucoup de problèmes»

Al Bayane: Avec ce grand débat sur les langues qui refait surface à chaque fois au Maroc,  a-t-on  besoin aujourd’hui, d’une  réforme linguistique et culturelle?

Ahmed Boukous : Tout d’abord, je voudrais dire qu’en réalité, il n’y a pas eu vraiment de grands débats sur la question linguistique et culturelle chez nous. Or, il y a d’hybrides débats avec des positionnements trop éloignés et qui sont extrêmes les uns, les autres. Maintenant, chez nous, il y a un effort pour gérer la question linguistique et culturelle parce que l’Etat a accordé une grande importance à  cette question en lui consacrant l’article 5 de la constitution de 2011. Pour la première fois, on a un texte de référence qui pose les jalons d’une gestion saine, en tout cas juridique de la diversité linguistique et culturelle de notre pays.

Et  si on fait un bon usage de l’article 5 dans le cadre des deux lois organiques, notamment celle qui concerne l’amazighe et l’autre qui concerne le Conseil National des langues et de la Culture Marocaine (CNLCM), c’est-à-dire un usage démocratique qui respecte l’esprit de la constitution,à mon avis, on n’aura pas beaucoup de problèmes.

La mise en œuvre des projets de loi sur l’officialisation de l’amazighe et  la création du CNLCM vont-elles résoudre définitivement ces problèmes linguistiques?

Cela nous permettra d’avancer sérieusement sur ce chantier. Il restera évidemment un certain nombre d’aspects qui feront probablement l’objet de discussions, de débats et peut être de polémiques… mais l’essentiel aura été réglé, à savoir l’existence d’un cadre juridique de référence et la nécessaire application démocratique de ce texte de référence, ainsi que le respect de cette institution constitutionnelle.

En tant que linguiste, pensez-vous que  nos langues ont pu évoluer selon les exigences de la modernité?

Les langues, en elles-mêmes et par elles-mêmes, ne peuvent pas évoluer. C’est la société qui fait évoluer les langues. Ces dernières sont un ensemble de ressources grammaticales, de vocabulaire… Ce sont les usagers, les communautés linguistiques et l’Etat qui interviennent sur les langues, et qui font que certaines langues aient un statut de langues officielles qui sont encouragées et enseignées. Si l’Etat qui exerce un droit régalien, la société, elle exerce un droit de fait sur les langues. Et si les usagers, l’Etat et le CNLCM ne font rien, évidemment la situation va être stagnante, et puis, il sera  difficile de la gérer dans l’équité et la paix.

Mohamed Nait Youssef

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