L’adoption par le gouvernement d’un projet de loi relatif au «Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam» porté par l’Organisation de la coopération islamique (OCI), continue de susciter débats et polémique.
Ce «Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam», rappelle-t-on, a été adopté lors de la 32ème session du Conseil des ministres des affaires étrangères des pays membres de l’Organisation de la conférence islamique (Organisation de la coopération islamique actuellement), tenue du 28 au 30 juin 2005 à Sanaa.
Présenté par la secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Mounia Boucetta, le Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam vise «la concrétisation des finalités liées à la protection de la famille et au renforcement de son statut». Ce pacte a également pour objectif d’«assurer une enfance saine et sûre, de généraliser l’accès gratuit à l’enseignement obligatoire et secondaire en faveur de tous les enfants, sans distinction de sexe, de couleur, de nationalité, de religion ou autres et de fournir les soins nécessaires aux enfants à besoins spécifiques».
Cela n’a toutefois pas rassuré la société civile, qui est montée au créneau, pour dénoncer le texte, en considérant ce projet comme un frein aux avancées législatives marocaines dans le domaine et une entrave à la mise en conformité des lois marocaines avec les termes de la Convention internationale de l’ONU dans ce sens. De plus, cette adoption serait considérée en déphasage avec la constitution marocaine, réformée en 2011, et donnant la primauté au droit international.
La société civile poursuit sa mobilisation afin de faire braquer les projecteurs sur ce texte qu’elle estime même dangereux. Pour Omar El Kindi, militant en vue dans la société civile, a dénoncé ce texte qui deviendra bientôt caduc. Car, a-t-il expliqué, la commission permanente indépendante des droits de l’homme (CPIDH) de l’OCI, réunie à Djeddah, du 15 au 19 avril 2018, (13ème session) a recommandé de réviser le pacte de l’OCI relatif aux droits de l’Enfant en Islam pour renforcer les droits des enfants dans les Etats membres.
Cette recommandation, a-t-il encore précisé, a été reprise par le conseil des ministres des affaires étrangères des pays de l’OCI, réunis à Abu Dhabi les 1er et 2 mars 2019. De plus, fait remarquer Omar El Kindi, ce qui est surprenant est que la présidente de ladite commission est présidée par la Marocaine la professeure Raja Naji Al Makkawi, depuis son élection, lors de la 44ème session du conseil des ministres des affaires étrangères de l’OCI, tenue les 10 et 11 juillet à Abidjan en 2017. Et de s’interroger sur le fait que le gouvernement n’aurait pas été au courant de ces développements concernant ce texte qu’il a adopté. De son côté, le centre d’études en droits humains et démocratie, une ONG basée à Rabat, a alerté sur «une situation de blocage qu’il considère en cas d’adhésion. Il s’interroge sur les raisons d’une telle initiative dans un contexte marqué par un débat vif sur l’évolution des mécanismes nationaux de la protection de l’enfance».
Dans le même sillage, l’Association Maroc des Lumières s’interroge sur «la pertinence du moment choisi par le gouvernement de Sâad-Eddine El Otmani, pour faire passer en douce ce Pacte de l’OCI, en pleine période estivale alors que tous les concernés, notamment les parlementaires, et les activistes de la société civile ne sont pas sur place!». Dans un communiqué rendu public à l’occasion, l’association appelle «à une mobilisation urgente de la société civile pour faire barrage à cette démarche irresponsable, au but «non avoué» par le gouvernement, et qui va à l’encontre des intérêts des familles et des enfants en particulier». Dans le même sens, l’association Bayt Al Hikma a exprimé son indignation au sujet de ce texte.
Et de faire remarquer que ce projet «manque d’esprit participatif sachant que cette adoption est de nature à porter atteinte aux acquis accumulés par le Maroc dans le domaine de la protection de l’enfance à travers notamment l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies en tant que référence universelle en matière des droits des enfants sans oublier les protocoles l’accompagnant», indique un communiqué de l’association. Les deux organisations de la société civile, qui appellent à la mobilisation, reprochent au projet son référentiel qui serait basé sur des notions vagues qui pourraient être interprétées de façon rétrogrades.
Du côté du gouvernement, des sources affirment que le texte n’est qu’au début de tout un processus qui va le mener au Conseil des ministres avant d’atterrir devant le parlement avec ses deux chambres pour débat avant son adoption définitif, précisant que les conventions onusiennes priment sur les régionales. Quoi qu’il en soit de chauds débats sont en vue à propos de ce texte et de la situation de l’enfance en général au Maroc.
B.Amenzou
PPS: toute convention ne devrait pas constituer une régression des engagements avancés du Maroc
Au sujet de cette adoption, le bureau politique du parti du progrès et du socialisme (PPS) a souligné le choix stratégique du pays en matière des droits de l’homme dans leur dimension universelle. A ce propos, le BP estime que les interrogations et questionnements de l’opinion publique sont légitimes et appropriés quant à la finalité d’adopter un texte après quatorze de son adoption, surtout que le Maroc se base sur des conventions et pactes internationaux très avancés et à dimension universelle, en matière de protection des droits des enfants. En tout cas, le bureau politique du PPS souligne que toute convention ne devrait en aucun cas constituer une contradiction ou une régression des engagements avancés du Maroc dans le domaine des droits de l’homme d’une façon générale et de l’enfance en particulier.