Un engagement jusqu’au bout pour la cause de la femme

Le PPS rend hommage à Malika Belghiti

Elle est l’une des fondatrices de la sociologie marocaine avant la lettre. Par ses écrits, ses études empiriques, son esprit critique, Malika Belghiti a marqué les annales de la recherche en sciences sociales depuis l’indépendance.  Il faut dire que ses œuvres et sa production scientifiques  sont devenues aujourd’hui un référentiel incontournable pour la nouvelle génération des jeunes chercheurs.  En fait, ses thèses son toujours d’actualité, comme l’ont tenu à souligner les participants,  lors de la table ronde organisée, mercredi 15 juin,  par l’Espace-Cadres du PPS à Casablanca.

Prenant la parole, Abderrahim Bensar, membre du BP du PPS qui a assuré  la modération du débat a tenu de souligner le rôle que devrait remplir l’Espace-Cadres du PPS pour promouvoir les idées progressistes. D’ailleurs, le PPS, en choisissant de rendre hommage à une figure emblématique du mouvement des femmes au Maroc,  veut consacrer davantage la culture de la  reconnaissance envers ses militantes et militants qui ont sacrifié leurs vies à la défense des idéaux progressistes et l’émancipation de la femme, a-t-il noté, avant de rappeler que Malika Belghiti avait embarrassé, dès son jeune âge, les principes et les valeurs de la gauche en intégrant les rangs du parti de Libération et du Socialisme (PLS). Sa mission consistait à animer les cellules du parti et à sensibiliser les militants aux problèmes auxquels est confrontée la société, et plus particulièrement, les femmes.

ph macao  P P S (7)Autrement dit, Malika Belghiti ne fait pas partie des intellectuels qui se sont enfermés dans leur tour d’ivoire et qui se sont déconnectés de la société, en proférant des jugements de valeurs qui sont vides de sens, a-t-il laissé entendre.   Pour le militant du PPS, Malika Belghiti a su corréler parfaitement entre théorie et praxis en menant un combat acharné sur le front scientifique et celui du politique. Son engament politique lui a valu d’être arrêtée puis torturée dans les geôles du pouvoir.

Lutter contre les structures dominantes

De son côté, Saâdiya Bouftass, professeur de philosophie a axé son intervention sur les œuvres scientifiques de la sociologue, notamment sa contribution à l’appréhension de la condition de la femme marocaine.  Selon l’intervenante, Malika Belghiti est considérée comme la première sociologue à avoir mené une enquête sur les femmes en 1969, en collaboration avec Paul Pascon. Son travail portait sur les relations féminines et le statut de la femme dans la famille rurale dans trois villages de Tessouat. En 1971, elle  réalise une autre étude sociologique consacrée à la ségrégation des garçons et des filles à la campagne.  Outre l’observation participante, sa méthodologie de recherche procède par l’adoption d’une approche multidisciplinaire combinant à la fois méthodes quantitatives et qualitatives pour sonder les représentations des femmes quant à leur vécu quotidien.

 Son objectif était, bien évidemment, de comprendre les mécanismes du fonctionnement des structures dominantes encore régies par une mentalité patriarcale. « Elle était profondément  acquise à la question des femmes en considérant que le changement des mentalités et la lutte contre l’exploitation matérielle et la violence symbolique,  constituent une condition sine qua non pour instaurer une société démocratique, libre et  responsable, basée sur l’égalité entre les deux sexes et la justice sociale », a déclaré  Saâdiya Bouftass.  Dans le même ordre d’idée, la conférencière a argumenté ses propos par une étude de Malika Belghiti au profit de l’Unesco et placée sous le thème « Indicateurs socio-économiques de la participation des femmes au développement dans le monde arabe : approche critique à travers le cas du Maroc ».  Ainsi, peut-on lire en substance : « la condition de la femme…est le handicap majeur qui empêche l’économie de se libérer du système capitaliste mondial. L’incapacité d’éliminer l’analphabétisme (qui sévit surtout chez les femmes) explique en grande partie la faiblesse de la production».

Autre facteur non moins important relevé par l’intervenante est celui de la persistance des structures archaïques, voire désuètes d’un certain héritage culturel qui entrave l’émancipation de la femme dans le monde arabe. « C’est la raison pour laquelle les femmes constituent le maillon faible dans la chaine des transformations sociales parce que l’honneur patriarcal passe avant tout. »

ph macao  P P S (5)Même son de cloche chez Abdellah Herzenni, sociologue à l’IAV qui, dans une allocution lue en son nom, a loué les compétences de Malika Belghita tout en mettant en exergue ses qualités professionnelles. Pour lui, ses enquêtes constituent de véritables références pour mesurer l’évolution du statut de la femme au Maroc depuis plus de quarante ans». Et d’ajouter que «les problématiques abordées par elle, sont toujours d’actualité et nous interpellent tous à plus d’un titre », notamment celle portant sur la polygamie, la ségrégation entre les sexes…

Par ailleurs, Mahjoub Ait Ghennou, militant et membre du Comité central  du parti a été convié pour présenter un témoignage autour de Malika Belghiti et son action militante. « Elle était une femme simple, pleine d’énergie, rigoureuse dans son travail et elle ne cessait de sillonner les villages et Douars pour mener ses recherches», a-t-il noté en substance. En parallèle, Malika s’activait au sein du PLS. «Elle faisait preuve d’un haut esprit de camaraderie et d’un engagement inédit en s’activant au sein de la cellule composée de Thami El Khyari, Abdellah Hreznni, Ahmed Ben Taouite, entre autres».

Elle fut la seule militante arrêtée en 1971 parmi le groupe 31 et fut transférée à la prison Boumehraz à Marrakech. Le contexte politique et l’échec du coup d’Etat  ont contraint le pouvoir de changer de méthodes de répression. Malika fut libérée, mais cela ne l’a pas empêchée de continuer le combat jusqu’au bout en campant sur ses positions tout en militant en faveur  d’une société juste,  équitable et qui profite à tous.

Khalid Darfaf

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